3. Famille
Assise devant une petite fenêtre, Jessie contemplait le spectacle apaisant de la neige qui venait, en tombant, recouvrir l'herbe d'un épais manteau blanc. Du haut de ses six ans, la petite vouait une admiration féerique pour la poudreuse blanche. Une jeune femme aux cheveux verts s'avança vers la fillette, une brosse et un ruban bleu à la main. Elle affichait une petite moue inquiète en regardant Jessie, immobile devant les carreaux, décelant la mélancolie qui l'habitait en ses durs instants où Miyamoto partait en mission.
" - Jessica, tu viens ? Je vais te faire une couette ! "
La jeune adulte connaissait la coquetterie de la petite qui aimait bien se faire pomponner. En silence, Jessie se leva du parquet sur lequel elle était demeurée contemplative pour aller se poser sur les genoux de sa baby-sitter.
" - Dis Mutsuki, je t'adore mais...pourquoi ce n'est pas mon papa qui me garde quand maman s'en va ? Et puis d'ailleurs, tu es la meilleure amie de maman donc...tu sais où il est, mon papa?" La jeune Mutsuki en question se sentit pâlir derrière ses lunettes rondes. Elle déglutit, et tout en brossant les cheveux de la petite, elle se prépara à répondre à sa question. Après tout, Jessie était une fille mature pour son âge, et puis elle était certaine de toute manière, connaissant la personnalité franche de Miyamoto, que cette-dernière comptait apporter des explications à sa fille à un moment ou un autre. Autant lui retirer cette besogne maintenant.
" - Jessie ton père...il a rencontré ta maman dans un bar. Ta mère se sentait mal ce soir-là et quand il est arrivé au comptoir, on va dire qu'il a pris ta maman sous son aile. C'était un monsieur originaire d'une famille aisée et je crois que Miyamoto lui plaisait car elle incarnait ce petit côté rebel que l'on retrouve rarement dans ce genre de milieu . Leur histoire n'a duré que quelques mois, mais je sais que ta maman en était vraiment tombée amoureuse. Il lui a fait miroiter des rêves, des promesses qu'il n'a jamais réalisé, pourtant ta maman y a toujours cru. Cependant le jour où elle allait lui annoncer qu'elle était enceinte de toi, elle apprit également qu'il menait une double vie en parallèle, et qu'il allait épouser une jeune femme de la haute société. Ta mère n'a plus jamais cherché à le contacter. Elle sait juste qu'il a donné naissance à une petite fille du même âge que toi mais sinon, plus jamais ils ne se sont revus à ma connaissance. "
Un grand silence s'ensuivit alors durant lequel aucune des deux ne prit la parole. Quand Mutsuki eut fini de nouer les cheveux de Jessie, sa petite protégée se tourna vers elle.
" - Quand je serais grande, je serais actrice et chanteuse et infirmière pokémon, les trois à la fois Mutsuki, assura t-elle en montrant trois doigts à la jeune femme, comme ça je pourrais avoir de l'argent, bien assez pour réaliser tous les rêves de maman. Tous les rêves que mon père lui avait promis...d'ailleurs, en parlant de lui, on n'a qu'à faire comme s'il était mort."
La jeune femme baissa ses yeux tout en caressant le front de Jessie.
" - Oh ma belle, il ne faut pas dire ça tu sais...ton papa est ce qu'il est. Mais les hommes ne sont pas tous comme ça. Tu en trouveras un pour t'aimer sincèrement, je te le promets. "
" Moi je veux juste un garçon qui ne m'abandonnera jamais. Comme ça même quand maman partira encore en mission, il restera avec moi et nous vivrons heureux pour toujours lui et m.."
"- Quelqu'un a parlé de mission ?"
Une voix s'éleva en direction du seuil du petit logement. Miyamoto, recouverte d'un manteau noir à l'effigie de la Team Rocket s'élança dans le salon en ouvrant ses bras afin d'étreindre son enfant. Jessie vint appuyer sa tête rose au creux du cou de sa maman en gloussant de bonheur. Sur le chemin du retour qu'elles entreprirent à pieds, Jessie voulant impérativement marcher dans la neige, la petite demanda à sa maman de lui préparer des déjeuneiges en arrivant à la petite cabane qu'il leur servait de domicile. Miyamoto accepta en riant, tout en annonçant, cette-fois d'un air davantage sérieux, qu'elle avait enfin localisé Mew, le Pokémon tant convoité par l'organisation.
Une autre leçon de piano, un énième cours de rhétorique, une séance d'arithmétique...les précepteurs exigeants se succédaient les uns après les autres depuis la matinée, dispensant tous des matières terriblement ennuyantes. Pourtant James n'avait pas le choix, il avait suffisamment reçu de coups de règles sur les doigts en guise de punition contre son manque de concentration en classe. Le petit se forçait à écouter du mieux qu'il le pouvait cependant son esprit ne pouvait s'empêcher de dériver dès qu'il posait les yeux sur la fenêtre. Il se mettait alors à gribouiller des mots, sans aucun rapport avec ce que les professeurs débitaient, sur son petit carnet. L'enfant inventait de jolies phrases qui décrivaient de manière versifiée les choses diverses qu'il apercevait, qu'il s'agisse de paysages, de Pokémon ou de capsules de bouteille, objets inutiles dont il s'était découvert une passion inattendue. Il n'en avait pas beaucoup en sa possession car malheureusement James ne sortait que très rarement en-dehors du manoir.
'Les capsules brillent plus que n'importe quel bijou doré,
Puisque elles portent la trace du souvenir, de la liberté.
Leur relief me séduit et leur courbe fait le tour de mon coeur,
A travers elles je voyage sans arrêt tandis qu'ici je me meurs.'
Un jour, son professeur de littérature lui avait subtilisé ses précieux petits poèmes.
"Aucune rime léonine, aucun alexandrin et je ne parle même pas de l'absence totale de rythme régulier ! Si vous voulez rédigez de la poésie Monsieur Morgan, faite-le au moins dans les règles fondamentales de la versification classique. Je n'ose à peine m'étendre sur le piètre sujet vulgaire que vous avez choisi ! Des capsules de bouteille, a t-on jamais vu ça..." Le professeur lui rendait néanmoins son cahier tout en lui assénant un regard méprisant. Non, les humains, et en particulier ceux qui l'entouraient au quotidien, étaient bien le seul élément sur lequel James n'avait jamais ressenti l'envie d'écrire. Quoique, il y avait bien deux personnes à sa connaissance qui méritaient les plus belles strophes du monde : ses grands-parents paternels. Une fois, James avait du partir durant une semaine en vacances chez eux le temps que ses parents règlent une affaire soit disant urgente dans une autre région. En arrivant chez les deux personnes âgées, le petit ne parvenait à réfréner son chagrin : en effet, avant de les rejoindre, il n'avait pas eu d'autre choix que d'aller faire escale à Hoen pour participer à un récital de violon. Là-bas, James avait croisé, alors qu'il regardait par la vitre de sa limousine, le doux regard d'un Eoko suspendu à l'étalage d'un forain. Malheureusement pour lui, l'enfant qui s'était mis en tête d'acheter avec ses propres économies le Pokémon carillon s'était rendu en cachette à la foire, beaucoup trop tard, pour constater le départ du forain et de ses Eoko. James dès le lendemain, ne pouvait contenir sa déception plus longtemps et il se laissa aller aux sanglots devant le couple attendri. Sa mémé s'était alors accroupie en face de lui pour lui sécher ses larmes.
" Mon petit James, lui dit-elle en lui caressant le front, je suis désolée car je n'ai pas de Eoko sinon crois-moi, je te l'aurais bien offert. En revanche, ici tu trouveras une multitude de Pokémons ,et, tous sans exception, seront ravis de faire ta connaissance. ". Un sourire se dessina sur le visage du petit garçon qui hocha la tête et se précipita vers la serre du domaine. Son pépé le regarda s'éloigner en passant un bras derrière l'épaule de sa femme.
" Il faut réellement que nous demandions à notre fils de prendre à James un animal de compagnie car je crains fort que ce petit se sente atrocement seul."
Date de dernière mise à jour : 20/02/2017