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Me revoici pour une autre histoire concernant le Néoshipping, plus précisément sur la backstory de Butch – ou du moins comment je la vois. J'ai essayé d'imaginer comment pouvait être son enfance avant d'entrer dans la Team Rocket (que vous découvrirez dans des flash-back à chaque chapitre), et je peux dire que je suis plutôt satisfaite du résultat.
Concernant l'histoire, elle est terminée en 10 chapitres + l'épilogue (ce qui fait 11 chapitres en tout) pour un total de 87 pages word.
Je remercie Cha pour me laisser utiliser ses jeux de mots mêlant Pokémon et marques de produits de la vie réelle tous aussi drôle les uns que les autres. Je la remercie également pour les avis qu'elle m'a donné tout au long de la fic ; je n'y serais probablement pas arrivé sans ses encouragements. 
J'espère que l'histoire vous plaira autant qu'à moi. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez en commentaire ça fait plaisir d'avoir des retours !
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Titre : Déménagement dans les souvenirs de Butch
Disclaimer : Les personnages ne sont pas à moi, je ne fais que m'amuser avec eux.
Résumé : Lorsque les parents de Butch décèdent subitement, c'est à lui de débarrasser la maison familiale. Et bien qu'il aurait préféré ne jamais revenir là-bas, il ne peut pas refuser la mission que le Boss lui a personnellement confié.

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Chapitre 1 : L'annonce

Butch et Cassidy étaient arrivés au QG de la Team Rocket en fin d'après-midi, lorsque le soleil commençait à se coucher et colorait le ciel des nuances d'oranges, de rose et de violet. Un énorme sac en toile rempli de Pokéball était niché sur l'épaule du jeune homme aux cheveux verts, qui ne laissait aucunement transparaître une quelconque fatigue.

Guidés par un commandant, ils gravirent rapidement les étages pour accéder au bureau du Boss. Ce dernier leur permit d'entrer et ils s'arrêtèrent à quelques mètres de leur patron tandis que le supérieur refermait la porte derrière eux.

Confortablement assis, le coude sur le bras de son fauteuil, Giovanni avait l'index et le pouce coincé entre son menton et sa tempe. Persian était paisiblement allongé sur la moquette à ses pieds, le cou reposé sur ses pattes croisés tandis que sa queue frôlait le sol derrière lui comme un plumeau, signe qu'il était attentif à la conversation de son maître.

Butch déposa le sac à ses pieds et se mit au garde-à-vous.

« Boss. », salua-t-il avant de laisser son bras tomber le long de son corps. « Nous venons faire notre rapport. »

« La mission a été un succès. », enchaîna Cassidy imitant la pose de son équipier. « Nous avons pu dérober cinquante Pokémon au total, dont les trois-quarts sont évidemment des Pokémon rares. »

« Aucun incident à déplorer ? », demanda Giovanni en claquant des doigts.

Aussitôt, un agent apparu pour prendre le butin qu'avait apporté le duo et l’emmener dans une autre pièce – certainement pour contrôler et rentrer les informations des Pokémon volés dans leur base de données.

« Non, Boss. Tout s'est parfaitement bien déroulé. »

« Parfait. Je n'en attendais pas moins de vous. », félicita l'homme.

« Merci, Boss ! », s'exclamèrent-ils à l'unisson.

Giovanni braqua ensuite son regard perçant sur la silhouette de Cassidy, qui se tendit instinctivement. Elle ne pourrait jamais s'habituer à ses yeux noirs qui vous paralysaient sur place.

« Cassidy, vous pouvez disposer. »

Étonné, la concerné cligna des yeux, avant de jeter une œillade vers son partenaire, l'air de dire « Et lui, alors ? ». Giovanni dut sentir son interrogation puisqu'il lui accorda, non sans soupirer silencieusement, une autre précision sur son motif de renvoi.

« Je dois parler à Butch en privé. »

Sourcils froncés d'un air intrigué, la blonde ouvrit la bouche pour protester, certainement pour argumenter sur le fait qu'elle l'apprendrait malgré tout, mais Butch tourna la tête vers elle et la coupa dans son élan.

« Va prendre des cafés à la salle de pause. Je te rejoins après. », encouragea-t-il dans un sourire épuisé.

Elle lui lança un dernier regard réticent, se mit au garde-à-vous pour saluer son patron, puis quitta enfin la pièce en fermant la porte derrière dans un doux cliquetis. Une fois seuls dans le bureau, Butch retourna son attention sur son interlocuteur.

« De quoi vouliez-vous parler, Boss ? »

Accoudé sur le rebord de son bureau, les doigts entremêlés et le menton posé dessus, Giovanni jaugea silencieusement le jeune homme aux cheveux verts, avant de prendre la parole.

« Vos parents sont décédés. », déclara-t-il sans prendre de détour.

Bouche-bée, Butch resta immobile. Bien que ses yeux étaient écarquillés par la nouvelle et que ses doigts avaient brièvement vacillés, son visage retrouva rapidement un air impassible, tandis que le chef de la Team Rocket continua ses explications d'une voix professionnelle.

« Un vieil ami à moi qui se trouve dans la police m'a rapporté qu'ils avaient été tués dans un accident alors qu'ils étaient en vacances dans la région d'Alola. Une avalanche s'est déclenchée pendant que le bus touristique dans lequel ils se trouvaient gravissait le Mont Hokulani. »

Il fit une pause pour laisser Butch s'imprégner des informations, sondant au passage ses yeux marrons qui le regardait avec un calme étrange sans rien dire, comme si c'était une banale information. Giovanni s'éclaircit la gorge et poursuivit.

« La police a fouillé dans leurs papiers et, comme vous étiez apparemment leur seule famille encore en vie, c'est donc à vous que reviens la charge de vider votre domicile. Ne vous inquiétez pas pour les meubles ; une de mes équipes infiltrées dans une agence de déménagement viendra s'en charger. Débarrassez uniquement les biens personnels. Ce sera votre prochaine mission. Reposez-vous ce soir et partez dès demain matin. »

« Bien, monsieur. », répondit tranquillement le jeune homme aux cheveux verts.

Après un hochement de tête de la part de son patron qui lui donna la permission tacite de quitter les lieux, Butch fit demi-tour et se dirigea vers la sortie. Cependant, une fois la main sur la poignée de porte, il hésita et se tourna de côté pour lui jeter une œillade incertaine.

« Et... pour Cassidy ? », osa-t-il demander. « Est-ce qu'une autre mission va lui être confiée en mon absence ? Dois-je la renvoyer à nouveau dans votre bureau ? »

Il se mordit la lèvre inférieure pour éviter d'argumenter sur le fait qu'il aurait très certainement besoin de bras supplémentaire. Il ne devait – et ne voulait surtout pas paraître fragile aux yeux du Boss qui pouvait y voir une quelconque forme de faiblesse.

Giovanni secoua négativement la tête.

« C'est votre partenaire. Même si je vous donnais pour mission de récurer les toilettes de l'établissement, elle viendrait automatiquement avec vous. », déclara-t-il d'une voix grave.

« Bien reçu, Boss. »

« Encore une chose. », dit-il alors que Butch arquait un sourcil interrogateur et que Giovanni fermait ses paupières. « Je vous présente mes plus sincères condoléances pour vos parents. »

Il ré-ouvrit les yeux, se redressa dans son fauteuil, puis déposa une main sur la tête de son Persian qui ronronna instinctivement à la caresse de son maître.

« Appelez-moi dès que vous avez terminé, je ferais aussitôt envoyer mon équipe de déménagement pour les meubles. », rappela-t-il sur un ton professionnel.

« Merci, Boss. Ce sera fait sans faute. », répondit Butch en le saluant.

Le jeune homme aux cheveux verts prit congé et sortit en refermant doucement la porte derrière lui. Il salua le général qui était posté à côté comme un piquet, puis marcha dans le couloir aux murs beige et au tapis rouge orné de fines lignes dorées.

Il enfonça ses mains dans les poches de son uniforme et se dirigea vers les escaliers qui le menait aux étages inférieurs. L'annonce du Boss lui avait fait l'effet d'une bombe. Une bombe où se répandait une traînée de poudre douce-amère. D'un côté il se sentait soulagé que ses parents aient eu ce qu'ils méritaient, mais de l'autre, il regrettait de ne pas leur avoir dit tout ce qu'il avait sur le cœur.

Quand il arriva à la salle de pause, cette dernière était presque déserte. Il vit deux collègues emporter leurs boissons avec eux et le saluer d'un hochement de tête. Il vit également une autre membre de l'organisation qui discutait avec Cassidy mais le regardait dès qu'il arriva près d'elles.

« Oh, te voilà. », dit la blonde simplement en lui tendant son café fumant.

Il prit son gobelet en plastique en la remerciant tandis que leur collègue les salua et quitta les lieux pour laisser le duo seul.

« Alors ? Qu'est-ce que le Boss avait de si secret à te dire que je ne puisse pas entendre ? », voulu-t-elle savoir, clairement vexé d'avoir été évincé de la sorte.

« Mes parents sont morts. On doit aller débarrasser ma maison d'enfance. », rapporta-t-il sur un ton nonchalant, avant de porter le gobelet à ses lèvres et de regarder ailleurs.

Surprise, elle reste bouche-bée face à sa déclaration. Ses yeux violets se ramollirent de tristesse et elle posa une main sur son bras. Cependant, avant même qu'elle n'ait eu le temps de s'excuser ou de lui offrir ses condoléances, il la coupa encore dans son élan après avoir avalé sa gorgée de café.

« Je t'en prie, ne me regarde pas comme ça. », dit-il d'une voix neutre malgré son regard épuisé. « Je ne les ai pas beaucoup connus, alors ça ne m'affecte pas vraiment. »

« Peut-être bien mais c'était tes parents, non ? Ils – »

« C'était des connards, Cass. », trancha-t-il en la regardant droit dans les yeux. « J'les portais pas dans mon cœur. »

Et le ton était sans appel. Cassidy comprit que le sujet était clos et ne pouvait être réouvert. Du moins, pour le moment. Parce qu'elle n'allait pas lâcher l'affaire et Butch le savait très certainement aussi. Il soupira, passa une main dans ses cheveux verts, et finit son café en quelques gorgées.

« J'ai besoin d'une clope. », dit-il en jetant le gobelet dans la poubelle qui se trouvait à côté de la machine.

Et puis il fit demi-tour et sortit de la salle de pause sans un autre mot de plus pour sa partenaire.

Il longea le couloir jusqu'à atteindre les portes vitrées qui menaient dehors. Il poussa la porte pour sortir juste devant et rencontra le regard de plusieurs collègues, tout de noir vêtu avec leur béret noir et leur R rouge si significatif de l'organisation maléfique sur le torse, qui le saluèrent en levant leur main gantée ou en hochant la tête.

« Hé, mec ! », salua un blond aux cheveux courts.

« Biff ! Ça fait longtemps ! »

« On a entendu parler de votre prise, à Cassidy et à toi ! 50 Pokémons ! », siffla un autre membre tandis que Butch coinçait sa cigarette entre ses lèvres.

« Ouais, félicitations à tous les deux ! », renchérit une femme aux cheveux noirs.

« Que voulez-vous ? On n’est pas des agents d'élite pour rien. », frima-t-il en étendant les bras dans un haussement d'épaule et en penchant la tête sur le côté dans un léger rictus, avant d'allumer sa clope.

« On va organiser une bouffe ce soir pour fêter votre superbe prise. »

« Mike doit apporter des bières, normalement. », informa distraitement une autre collègue, la tête baissée sur son écran de téléphone.

« Barbecue, c'est ok pour vous ? », voulu savoir un des agents tandis que Butch rangeait son briquet dans sa poche.

« Ça serait génial, merci. », acquiesça-t-il en soufflant un nuage de fumée au-dessus de sa tête. « Par contre, je ne pourrais pas rester trop tard à la fête ; je suis crevé et je dois encore repartir demain matin en mission. »

« Déjà ? », s'étonnèrent ses camarades.

Pour toute réponse, l'adulte aux cheveux verts haussa les épaules et tapota sa cigarette pour faire tomber une partie de la cendre au sol.

« C'est quoi votre prochaine mission alors ? », demanda curieusement un des membres en retirant sa cigarette de sa bouche pour souffler à son tour un nuage de fumée.

« Un cambriolage à Jadielle. »

« Oh, c'est cool ! », s'enthousiasma un des membres écrasant son mégot dans le petit tas de sable qui se trouvait dans une colonne noire à côté de lui.

« Oubliez pas de fouiller sous les matelas ou les coussins des fauteuils ; parfois les gens cachent de l'argent en-dessous. », conseilla celui aux cheveux courts blond.

« Et aussi les grilles d'aérations. », renchérit un autre agent. « Les gens se croient malins mais les petites ruses, on connaît aussi ! »

« Faites gaffe quand même. »

« Les propriétaires sont partis en vacances donc ça sera un jeu d'enfant. », rassura le concerné en prenant une nouvelle bouffée de nicotine, les yeux plissés.

« C'est pas des propriétaires dont il faut avoir peur, mais des voisins. Si vous êtes un peu trop louches a leur goût, il appelle les flics direct. », argumenta celle aux cheveux noirs d'un mouvement sec de la main.

« Ça va, on est pas des débutants. », répliqua Butch en expirant un autre nuage de fumée puis changea de sujet. « Et vous, vous avez des missions de prévues ? »

Des « oui » et des « non » lui répondirent. Celui aux cheveux blonds prit la parole en pointant son voisin du pouce.

« Nous on va à Safrania pour faire peur aux gangs et essayer de recruter quelques paumés. »

« Et moi, je vais avec Gwen à la Centrale. On doit y pomper de l'électricité à l'aide d'un Élektek pour créer une panne de courant qui va s'étendre jusqu'à Azuria. », poursuivit un autre agent.

« Le Boss m'a accordé quelques jours de congés ; je vais pouvoir aller voir ma femme et mon fils ! », s'impatienta l'un des membres de la Team Rocket pendant que Butch aspirait une longue bouffée de nicotine.

« Moi j'vais profiter de mes jours de repos pour passer chez mes grand-parents. Ils sont à deux doigts de clamser mais avec un peu de chance, ils me fileront une enveloppe avec un beau billet. », espéra l'une des plus jeunes du groupe.

« C'est cool que le Boss ait fait ça. », félicita l'adulte aux cheveux verts avant d'écraser son mégot dans la colonne de sable en même temps qu'il souffla sa fumée dans l'air. « J'espère que tout se passera bien pour vous. Je vais devoir vous laisser, j'ai encore des choses à faire. », dit-il dans un petit sourire contrit.

« Bah on se voit tout à l'heure de toute façon ? », rétorqua immédiatement le blond en arquant un sourcil.

« Ouais ! Ne nous fait pas faux-bond comme la dernière fois hein ! » renchérit un autre agent en calant ses poings sur ses hanches, sourcils froncés d'accusation.

« Non, ne vous inquiétez pas. Je serais là, cette fois-ci. A plus tard, les gars. », salua-t-il en levant une main fatiguée devant lui.

Il retourna à l'intérieur et n'attendit même pas que la porte se referme pour continuer à marcher. Il ignora les commentaires à voix basse sur ses cernes imaginaires et autres spéculations qui le suivirent jusqu'à ne plus entendre aucun bruit.

Butch déambula dans les couloirs à la recherche de Cassidy. Il la retrouva à l’embranchement d'un couloir. Elle était arrêtée et se trouvait en face de ces trois loosers de Jessie, James et Miaouss. En voyant la position défensive du trio, les bras croisés de Cassidy, ainsi qu'un froncement de sourcils sur les visages de tout le monde, il ne fallait pas avoir le cerveau d'un Alakazam pour comprendre qu'ils se disputaient encore et toujours à chaque fois qu'ils se croisaient.

Il s'approcha du groupe et posa une main sur l'épaule de la blonde pour lui faire savoir sa présence, ce qu'elle reconnut en tournant légèrement la tête vers lui. Alors que le trio commençait déjà à lancer des piques à Butch en l'appelant exprès par un mauvais prénom, il les coupa dans leur raillerie, les yeux rivés sur ceux violets de Cassidy.

« Les autres organisent un barbecue ce soir pour fêter notre prise. »

« Oui, je sais. », acquiesça-t-elle. « J'ai croisé Wendy et elle m'en a informé. »

Butch pensa à ce moment-là qu'il n'y avait pas que les rumeurs et autres ragots qui circulaient à la vitesse de la lumière au sein de la Team Rocket. Pour que même les ressources humaines de l'organisation soit au courant...

« Barbecue... », salivait déjà le trio, les yeux brillants.

« Rêvez pas, vous n'êtes même pas invité. », leur fit Cassidy en braquant un regard perçant sur eux.

« Quoi ?! Comment oses-tu ?! », s'outragea Jessie, poings fermés.

« Vous z’avez pas le droit de nous exclure ! », renchérit James.

« Ouais, on est des membres de la Team Rocket, nous ôssi ! », fit valoir Miaouss en levant la patte.

« Mais vous contribuez même pas à l'organisation. », se moqua Butch

« Bien sûr que si ! », rétorqua la membre aux cheveux magenta.

« Ha ouais ? Vous avez volé combien de Pokémon pour le Boss alors ? », voulut savoir la blonde, sourcil arqué en guise d'interrogation.

« P-Plein ! », assura Jessie d'un air nonchalant, mains sur les hanches.

« Ouais, on en a volé des tas ! », clama James.

« Laissez-moi devinez... », fredonna Cassidy en posant son index sur le menton et en faisant mine de réfléchir. « Vous creusez encore des pauvres trous pour tendre des pièges aux dresseurs qui passent sur les routes, c'est ça ? »

« Ou vous utilisez des vieux robots rafistolés qui fonctionnent à moitié ? », rajouta Butch.

« Insulte pô nos méthodes, Flint ! », s'exclama Miaouss.

« J'm'appelle Butch, sac-à-puces ! », râla le jeune homme aux cheveux verts, sourcils froncés.

A ce moment-là, Cassidy soupira ouvertement d'un air épuisé tout en se massant les tempes, paupières closes.

« Allez viens, Brian. On se casse. », ordonna-t-elle en lui tirant le bras et en passant à côté du trio. « Ils commencent sérieusement à me fatiguer, j'comprends même pas pourquoi on continue de leur parler... »

« Tu te fous de moi ? Tu viens d'entendre mon prénom y'a même pas deux secondes ! », s'agaça-t-il en la suivant.

Ils laissèrent le trio qui baragouinait des mots incompréhensibles derrière eux puis s’engouffrèrent dans un autre couloir. Elle lâcha enfin son partenaire et, pour faire bonne mesure, soupira à nouveau avant d'engager la conversation.

« Y'avait du monde à la pause clope ? »

« Ça allait. Ils étaient contents qu'on soit de retour mais un peu moins qu'on soit obligé de repartir. », répondit-il en fourrant ses mains dans les poches de son pantalon.

Cela fit rire Cassidy, qui descendit les escaliers qui les menaient aux dortoirs.

« C'est ça d'être les chouchous du Boss. », plaisanta la blonde. « Et eux ? Ils ont des trucs de prévus ? »

« Certains vont à l'Est de Kanto pour y foutre le bordel et d'autres ont quelques jours de repos. », rapporta le jeune homme aux cheveux verts pendant que sa partenaire opinait du chef, l'air de dire « c'est bien ».

« Et pour notre mission ? On procède comme d'habitude lorsqu'on fait des cambriolages ? », voulu-t-elle savoir.

« Oui. On prendra une petite camionnette de déménagement pour passer inaperçu.  Faudra aussi porter des vêtements ordinaires ; hors de question de se faire repérer avec nos uniformes. Tout ce qui est cartons et sacs poubelles seront déjà dans le véhicule. Pour les clés du domicile, je m'en charge. »

« Parfait. »

« J'emporterais mes Pokémon au cas où les flics débarquent et qu’on n’a pas le temps d'se casser. »

« J'comptais pas me séparer des miens. », répliqua la blonde dans un sourire en coin.

« Et pour les faux papiers ? Tu t'en occupes ou j'le fais ? », questionna-t-il pendant que Cassidy secouait négativement la tête.

« Laisse, je vais le faire. Mais d'abord, je vais aller me détendre dans la piscine, mes muscles en ont bien besoin. », dit-elle en portant une main à la jonction entre son épaule et son cou.

« Ok. », acquiesça-t-il. « Moi j'vais aller me reposer un peu avant le barbecue sinon j’tiendrais pas toute la soirée. »

Arrivés au pied des escaliers, ils se saluèrent et se séparèrent chacun de leur côté. Butch ne prit même pas la peine de se déshabiller et s'allongea immédiatement sur son lit dès que sa porte de dortoir fut ouverte.

Le fameux barbecue organisé se déroulait dans une partie de la cour intérieure du bâtiment de la Team Rocket, éclairé par quelques projecteurs.

Des tables avec tout un tas de biscuits apéritifs, d'entrées froides, et d’amuse-gueules en tout genre – sans oublier les sodas, les jus de fruits, ou encore l'alcool frais, étaient disposés çà et là. Le barbecue chauffait la viande qui se trouvait sur les grilles en fer et sa fumée virevoltait sur le côté grâce au petit vent du soir. Une foule de sbire et autre agents vêtus de noir étaient rassemblés en petits groupes et discutaient joyeusement entre eux. Ils avaient tous plus ou moins des gobelets en main. Des conversations, des rires, et des vannes s'envolaient dans l'air. C'était convivial et Butch appréciait voir ce genre d'ambiance au sein de l'organisation.

Alors qu'il les observait tous d'un œil distrait et d'un sourire paisible, Butch, son propre verre en main, aperçut soudainement les silhouettes blanches du trio Rocket se faufiler discrètement pour piquer la nourriture mise à disposition et disparaître derrière le buffet.

Intrigué, il se dirigea vers eux mais lorsqu'il arriva à côté de la table, il n'y avait personne. Il baissa les yeux vers les ricanements et autres chuchotements qui se faisaient entendre juste en-dessous. C'est donc tout naturellement qu'il souleva un pan de nappe de la table et se pencha pour rencontrer les trois paires d'yeux qui le regardaient d'un air étonné.

Jessie avait les joues pleines, James avait la bouche ouverte et un toast en main, arrêté en plein mouvement, tandis que Miaouss avait levé une œillade par-dessus de son épaule, les babines pleines de mayonnaise.

Tout le monde eut un moment de pause et clignait des yeux pour assimiler la situation. Mais c'est Jessie, après avoir déglutit bruyamment, qui brisa le silence et parla la première.

« Bah quoi ? », lança-t-elle d'un ton désinvolte. « Tu veux notre photo ? »

« Qu'est-ce vous foutez là, bande de dégénérés ? », préféra demander Butch.

« Ça s'voit pô, p't'être ? », rétorqua le chat parlant.

« Mais vous avez pas le droit d'être ici... », rappela-t-il, plus dépité qu'en colère.

« Oh, s'il te plaît Crunch ! », intervint James, sans soucier du froncement immédiat de sourcils de la part du concerné. « Ça fait des jours qu’on n’a pas mangé ! On meurt de faim ! »

Mais aussitôt ses explications terminées, le jeune homme aux cheveux bleus se prit un coup de coude en plein dans les côtes et gémit en se pliant en deux.

« Arrête de le supplier ! On est parfaitement dans nos droits ! », sermonna Jessie avant de sortir la moitié de son corps d'en-dessous de la table dans un mouvement gracieux qui aurait pu s'apparenter à un félin.

« Ouais ! Et on partira pô tant qu'on aura pô dévorer tout ce qui y'a sur c'buffet ! », déclara Miaouss, avant de mordre dans plusieurs crevettes à la fois.

« Et surtout, n'oublions pas l'aliment principal de cette soirée : la viande cuite au feu de braise... ! », s'enthousiasma James en levant l'index d'un air expert.

« Bien dit, les gars ! », félicita Jessie alors qu'elle pivotait sur son talon et se retournait avec d'autres hors-d’œuvre plein les bras. « J'ai envoyé Qulbutoké chercher les brochettes, il ne devrait plus tarder à revenir. »

La vue du trio en train de se goinfrer comme des malpropres le dégoûta à tel point qu'il en grimaça.

« Vous me faites pitié... », soupira Butch en lâchant la nappe et en se redressant.

Il tourna la tête et repéra en effet la silhouette bleue du Pokémon Psy de Jessie près du barbecue qui s'était emparé de plusieurs brochettes de viande et se glissait tant bien que mal entre les sbires de la Team Rocket qui ne lui accordaient pas plus qu'une simple œillade.

Non loin de là, il aperçut également Cassidy qui riait et s'amusait avec les autres collègues, un verre de bière à la main. Il cacha le léger sourire affectueux qui commençait à se former sur son visage en portant son verre de jus de fruits à ses lèvres. Il se servit ensuite de quelques amuse-gueules et se dirigea vers elle. Alors qu'elle finissait son verre et en reprenait un autre des mains d'une sbire qui passait à côté d'elle avec une telle désinvolture, elle croisa les yeux marrons de son partenaire et se tourna vers lui.

« Évite de boire autant, on doit se lever tôt demain matin. », lança-t-il calmement.

« Ça va, c'est juste deux verres Brunch ! », rétorqua nonchalamment la blonde en levant les yeux au ciel.

Butch soupira intérieurement, se retenant au passage de faire un énième commentaire sur son nom. C'était toujours « juste deux verres », avec elle. Et le lendemain, elle finissait toujours avec un mal de tête horrible et une humeur exécrable. Et qui devait en subir à chaque fois les conséquences... ? Il n'avait même pas le temps de lui sortir le fameux « J't'aurais prévenu. », que le prénom de Cassidy fut appelé pour l'informer que c'était à son tour de jouer et qu'elle tourna furtivement sa tête vers le groupe d'agents dans un « J'arrive ! ».

Elle retourna son attention sur Butch pour lui piquer deux cure-dents avec des saucisses-cocktails, les goba, les mâchouilla, et compléta le tout en avalant une gorgée d'alcool. Elle se dirigea finalement vers ses collègues pour troquer son verre contre le fusil à fléchettes tranquillisantes et viser la cible en forme de Pokémon qui se trouvait à quelques mètres de sa position.

Alors qu'il quittait sa partenaire des yeux et observait les sbires de la Team Rocket pour voir à qui il pourrait aller faire un brin de causette, quelqu'un lui tapa soudainement sur l'épaule et ses épaules furent entourer d'un bras.

« Flunch, mon pote ! », s'exclama un agent aux yeux bleus. « Je viens à peine de rentrer de mission et j'apprends que toi et Cassidy avez chopés 50 Pokémons rares ?! C'est énorme ! Félicitations ! »

« Merci Frank, c'est gentil à toi, mais mon prénom c'est Butch... ! », s'énerva-t-il, passablement agacé. « Tu peux pas faire un effort pour le retenir ? »

Sa question eut le culot de faire rire son collègue, et même si l'adulte aux cheveux verts soupira d'épuisement en pensant qu'il n'aurait peut-être pas dû accepter de venir au barbecue, il suivit néanmoins son camarade qui le guida vers un petit groupe de sbires assis à même le sol et rassemblés en tailleur autour d'un tas de cartes.

Chapitre 2 : L'entrée

Dès que Butch entendit l'alarme de son réveil sur la table de nuit, il grommela de frustration et tendit le bras pour éteindre rapidement la sonnerie qui affichait 9h00.

Il se redressa et posa ses pieds au sol. Il bailla tout en frottant les yeux puis les ouvrit définitivement.

« Allez, on doit se préparer avant de partir. », dit-il en levant la tête vers le lit de sa partenaire. « Cass, t'as entendu ? »

Mais il ne récolta qu'un gémissement qui se faisait entendre depuis ses couvertures froissées. Il haussa les épaules et décida que maintenant qu'il l'avait prévenu, ce n'était plus à lui à faire le flic. Il se dirigea vers son armoire pour y pêcher ses vêtements et s'éclipsa dans la petite salle d'eau adjacente à la petite kitchenette qu'ils possédaient dans leur dortoir.

Une fois douché et habillé d'un jean, d'un tee-shirt noir et d'un sweat à capuche bleu, il tourna la tête à gauche pour voir que Cassidy n'était toujours pas levé. Elle était encore dans son lit, certes, mais elle était assise, les genoux ramenés contre son corps et la tête dans ses mains. Il alla naturellement la voir et s'accroupit à son niveau tout en posant sa main entre ses omoplates.

« Hé, ça va... ? », demanda-t-il doucement.

Elle bourdonna en guise de réponse, et Butch continua sur sa lancée à voix basse tout en lui massant lentement le dos.

« Je t'avais dit d'pas te mettre une murge hier soir... »

Il vit les traits de son visage se contracter et l'entendit gémir, signe évident de son irritation.

« Arrête de crier... ! », dit-elle d'une voix étouffée.

Butch se permit de lâcher un semblant de rire mais retrouva aussitôt son sérieux lorsqu'il rencontra le regard noir de la blonde qui le toisait entre ses doigts. Il leva les paumes en signe de capitulation et se releva en faisant craquer ses genoux.

Sans qu'elle n'ait eut à lui demander, il alla chercher un verre d'eau et des analgésiques avant de revenir auprès d'elle, choses qu'elle prit et avala sans un mot.

« Mieux ? », osa-t-il demander.

« Mieux... », respira la blonde en s'enfonçant dans ses coussins, la tête penchée en arrière contre le mur et le bras drapé sur ses paupières fermées. Plusieurs secondes s'écoulèrent sans qu'elle ne dise un mot. Néanmoins, elle s'obligea à parler à nouveau lorsqu'elle sentit encore la présence de son partenaire. « J'vais bouger, t'inquiète. Juste... deux minutes de plus, Barry... »

« Tu sais très bien que je m'appelle Butch. », réprimanda son partenaire dans une moue, à deux doigts de capituler.

« Presque sûre que c'est ce que j'ai dit. », assura-t-elle d'une voix rauque.

« Non. »

« Si. », rétorqua-t-elle puérilement.

« Peu importe, on n’a pas le temps de se chamailler. », soupira-t-il alors qu'elle gémissait fortement – probablement pour qu'il se taise. « Tu veux manger à la cafét' ou ici ? »

« …Ici. »

L'adulte aux cheveux verts fit alors demi-tour dans un « Ok », et arriva devant la petite kitchenette de la chambre. Il n'y avait qu'un placard, un évier et deux plaques de gaz, mais c'était suffisant pour ce qu'ils y cuisinaient puisque la plupart du temps, ils mangeaient à la cantine avec les autres collègues.

Il commençait donc à mettre en route la cafetière qui émit un vrombissement dès qu'elle fut allumée. Le bruit obligea Cassidy à s'éclipser en vitesse dans la salle de bain. Pendant que l'huile à l'intérieur de la poêle chauffait sur le gaz, il prépara les assiettes et les couverts sur la petite table qui se trouvait juste entre la cuisine et la salle de bain.

Il s'occupa ensuite de casser plusieurs œufs dans la poêle – qui crépitèrent aussitôt dans un doux grésillement, et de mélanger le tout à l’aide d’une spatule.

Il entendit des bruits de pas feutrés derrière lui et sentit ensuite des bras serpenter autour de sa taille pour venir se verrouiller sur son ventre. Si Cassidy venait lui faire un câlin, cela voulait dire qu'elle n'était pas de si mauvaise humeur pour une fois, raisonna-t-il. Le corps de sa partenaire se blottissait contre son dos, fredonnant en même temps qu'elle posait son front contre sa nuque. Les mèches de cheveux de Cassidy le chatouillaient mais il ne dit rien et coupa tranquillement le feu dans un tack.

« J't'ai fait des œufs brouillés pour ta gueule de bois. », annonça-t-il pendant qu'il remuait ce qu'il y avait dans la poêle.

Elle tourna finalement la tête, reposa sa joue entre ses omoplates, et resserrait légèrement sa prise sur son ventre.

« Merveilleux. », souffla-t-elle.

Butch s'accorda un sourire reconnaissant et profita de l'instant. C'était des petits moments volés qui ne duraient pas longtemps mais ils les appréciaient tout autant. A vrai dire, ils n'aimaient pas trop afficher leurs affections en public. Surtout avec les autres membres de la Team Rocket, il y avait toujours un malin qui faisait des remarques ou des commentaires à la con s'il avait la chance de les surprendre. Et même si Butch et Cassidy savaient les rembarrer lorsque cela se produisait, ils préféraient rester discret.

« Allez, c'est prêt ; petit-déj’ et après en route. », déclara-t-il tandis que la blonde se détachait de lui pour s'asseoir sur la première chaise à côté d'elle. En apportant le plat au milieu de la table et en servant sa partenaire, il ne put s'empêcher de lui lancer un regard et d'apprécier son apparence.

« J'adore les fringues que t'as choisi. », complimenta-t-il lorsqu'il vit qu'elle avait enfilé un jean bleu et portait un pull ample de couleur rose pâle qui laissait découvrir ses bretelles noires de soutien-gorge et un bout de ses épaules.

Tandis qu'il reposait la poêle entre eux, il attrapa le sourire sincère de Cassidy, qui replaçait une mèche de cheveux derrière son oreille percée de ses boucles d'oreilles violettes et se munissait de sa fourchette.

« Merci, Butch. », dit-elle avant de baisser les yeux sur son assiette et d'entamer ses œufs brouillés, imité de près par son co-équipier.

Étant donné que le QG de la Team Rocket se trouvait dans les montagnes de la Route Victoire, le chemin jusqu'à Jadielle ne dura pas très longtemps. Butch avait cependant tenu à allumer une cigarette en cours de route ; le stress ou l'envie, il ne savait pas trop, peut-être un peu des deux. En traversant la ville par l'autoroute périphérique, ils arrivèrent dans un quartier résidence, en bordure de ville, lorsque l’horloge de la voiture affichait 10h03.

« C'est charmant ici. », commenta Cassidy en observant les habitations.

Les maisons pavillonnaires se ressemblaient pratiquement toutes : une porte d'entrée avec un porche en bois blanc ou brun, et une place de parking pour se garer devant la bâtisse en pierre. Butch ralenti la camionnette à l'approche de la dernière maison de la route et s'arrêta devant. Il coinça sa clope entre ses lèvres pincées et changea de vitesse pour faire marche arrière sur la place vide.

« Je vais me garer en marche arrière, comme ça ce sera plus pratique pour accéder au coffre et tout foutre à l'intérieur. », expliqua-t-il en calant sa main sur l'appuie tête passager, coude levé et tête tourné pour faire attention à son angle mort.

« Oui, puis les voisins pourront moins nous épier si nous sommes partiellement cachés par les portes du coffre. Même si, au vu du logo de déménagement qu'il y a sur la camionnette, c'est un peu raté. », sourit-elle du coin des lèvres dans un air amusé.

« T'inquiète pas, si un curieux vient nous poser des questions, nous pourrons gérer. », rassura-t-il en remontant le frein à main dans un criick. « Nous avons tous les papiers nécessaires pour notre couverture et nous sommes bons en bluff ; ça va aller. »

Butch se mit au point mort et coupa le contact d'un coup de clé. Après s'être détachés, ils sortirent du véhicule et claquèrent les portes. Butch ouvrit les deux portes du coffre, dans lequel se trouvaient des cartons vides emboîtés ainsi que plusieurs rouleaux de sac poubelles noirs.

L'homme aux cheveux verts se pencha pour en prendre, sa partenaire fit de même, et ils se dirigèrent vers la porte de la maison après avoir refermé le coffre.

Après avoir calé ses cartons avec son genou levé, il fouilla dans la poche de son jean pour sortir son trousseau de clé et l'insérer dans la serrure. Il fit pivoter la clé dans un cliquetis, tourna la poignée de porte et la poussa pour dévoiler l'entrée de la maison qui n'avait pas changé d'un pouce.

A ce moment-là, un souvenir lui revint instantanément en mémoire :

Le petit garçon âgé de 4 ans qu'était Butch se trouvait assis sur le parquet dans l'entrée. Il faisait rouler un de ses véhicules miniatures à côté de lui tout en imitant des bruits de moteurs avec sa bouche.

« Bip, bip, bip. », fit-il d'une petite voix en faisant reculer son camion.

Soudainement, des bruits de pas lui firent cesser momentanément ses mouvements et l'obligèrent à relever la tête. La silhouette grande et élancé de sa mère, cheveux lisses et visage parfaitement maquillé, sortit d'une des pièces de la maison et arriva en trombe dans l'entrée. Il leva instinctivement son jouet en l'air, comme pour le tendre à sa mère, et sourit dans l'espoir qu'elle le prendrait.

« Maman ! », appela-t-il. « On joue ? »

« Je n'ai pas le temps, chéri. », rétorqua-t-elle aussitôt en mettant une main sur la tête de son fils et en l'enjambant pour accéder au meuble à chaussures et poser brusquement son sac à main au sol. « Et je t'ai déjà dit cent fois de ne pas rester dans le chemin. On pourrait trébucher et tomber. »

Le bambin aux courts cheveux verts cligna des yeux et l'observa en silence ; elle se penchait, prenait ses talons, les lâchait devant ses pieds, et se tenait au meuble d'une main pour ne pas perdre son équilibre tandis que l'autre crochetait ses chaussures au niveau de ses chevilles afin de les enfiler correctement.

« Maman, tu vas dehors ? », voulu savoir Butch en posant son véhicule par terre et en se relevant à l'aide de ses paumes.

« Oui et je ferais mieux de me dépêcher si je ne veux pas être en retard à la soirée avec les copines... », répondit-elle en se redressant et en enfilant son manteau beige et sa grande écharpe blanche qu'elle empoignait depuis le porte-manteau. Elle jeta un rapide coup d’œil à son fils et continua sa phrase tout en remontant sa fermeture éclair dans un zip. « Ton père va bientôt rentrer du travail pour te faire à manger. Alors sois sage en mon absence, d'accord Billy ? »

Alors que Butch ouvrait la bouche pour lui répondre, il vit que sa mère se baissait à nouveau pour pêcher son sac à main à bout de bras, qu'elle descendait la petite marche qui la menait à la porte d'entrée et qu'elle l'ouvrait avant de la refermer tout de suite après.

La porte claqua sans qu'il n'ait eut le temps de la corriger ou de lui dire au revoir, et Butch se mordit les lèvres tout en agrippant son tee-shirt bleu marine orné d'une fusée avant de baisser tristement les yeux sur son camion de poubelle abandonné au sol.

« D'accord, maman. Mais mon nom à moi, c'est Butch... »

Butch cligna des paupières pour revenir au présent. Il espérait que son moment d'absence n'avait pas duré trop longtemps mais visiblement, cela n'avait pas échappé à sa partenaire, qui venait de le secouer légèrement, une main sur son bras.

« Hé, ça va... ? », demanda-t-elle, soucieuse.

La mâchoire de Butch se contracta et il fut obligé de plisser les yeux pour dévisager cette maudite entrée dans un regard amer.

« Je vais bien. », assura-t-il avant de faire un pas pour pénétrer à l'intérieur. « Dépêchons-nous. J'ai pas envie de traîner ici plus que nécessaire. »

L'homme aux cheveux verts posait le carton remplis de rouleaux de sacs-poubelle dans un coin, imité de près par sa co-équipière, puis referma la porte d'entrée derrière lui.

« S'il y a des bottes ou des talons à ta taille, fais-toi plaisir. De toute façon, ça va partir à la benne. », dit-il alors que la blonde s'accroupissait pour jeter un coup d’œil aux nombreuses chaussures alignées dans le meuble à sa gauche.

Butch saisit un rouleau de sac noir et en détacha une partie. Il secoua le sac pour l'ouvrir et le donna à Cassidy qui avait le bras tendu. Elle le remercia et reporta son attention sur les différentes chaussures.

« Alors... », fredonna-t-elle en laissant planer ses doigts au-dessus, puis commença le tri dans des mouvements rapides. « Trop vieille. Hideuse. Celles-là, c'est mort. C'est quoi ces vieilles tongues ? Non mais regarde-moi ces pantoufles, Boutch. Oh mon dieu, ces talons ont vraiment trouvés une acheteuse ? Ils sont ho-rribles. », énuméra-t-elle au fur et à mesure qu'elle fourrait les chaussures dans le sac poubelle, avant de s'exclamer de surprise. « Naaan ; moi aussi j'avais ces petites chaussures tout en plastique pour marcher sur la plage ! Sauf qu'elles étaient roses, pas bleues. », raconta-t-elle avant de passer à la paire suivante. Elle tomba sur des bottes à fourrure et les observa sous toutes les coutures. « Mmh, c'est du combien celles-là ? 40 ? Un peu grande mais avec des chaussettes épaisses ça peut passer... Allez, je prends quand même. » 

Dans un sourire amusé, Butch la regardait mettre de côté ce qui l'intéressait avant de se concentrer sur la partie qu'il devait ranger : il prit également un sac poubelle et ouvrit la penderie à sa droite en faisant coulisser la porte en bois. Plusieurs manteaux et autres vestes reposaient sur leur cintre. Juste au-dessus, il y avait une étagère avec pleins de boîtes à chaussures vides parfaitement rangés.

« La vache... ! », fit la voix choquée de Cassidy qui s'était visiblement retourné. « Tes parents gardaient vraiment toutes les boîtes de chaussures... ? »

« Ouais. J'ai toujours trouvé ça con d'ailleurs. », répondit Butch.

« Vérifie s'il n'y a pas de liasses de billets cachés sous le papier de soie. », conseilla la blonde dans un sourire malicieux.

« Bah pourquoi tu crois qu'ils auraient foutu de l'argent là-dedans ? », demanda-t-il en arquant un sourcil interloqué. « C'est une cachette beaucoup trop facile. »

Sa co-équipière haussa les épaules, l'air de dire qu'elle n'en savait rien, puis parla à nouveau alors qu'une idée lui traversait l'esprit.

« Tu te souviens de la maison qu'on avait cambriolé il y a quelques mois ? Celle avec leurs statues de décorations Pokémon dans leur jardin ? », questionna-t-elle tandis que Butch hochait la tête. « Bah les propriétaires avaient bien scotché leur enveloppe pleine de fric derrière leur radiateur froid. Donc je me dis que parfois, les cachettes les plus simples sont souvent les meilleures. »

« Mmh, pas faux. », concéda Butch en penchant la tête sur le côté et en croisant les bras, avant de croiser son regard. « Tu sais quoi ? Je vais tout foutre dans le coffre du camion et tu te démerderas après. »

« Oh, allez Benji ! », se plaignit Cassidy en faisant la moue. « Tu vas quand même les débarrasser de là-haut, de toute manière ; tu peux bien jeter un coup d’œil à l'intérieur ! »

« Non. En plus, je te ferais savoir que mes parents étaient partis en vacances avant de mourir donc ils ont certainement dû prendre tout l'argent qui était prévu pour les séjours. », expliqua-t-il d'une voix calme avant de claquer sa langue au palais. « Et je m'appelle Butch, pas Benji ! Putain mais tu vas les chercher où tous ces prénoms à la con ? », s'irrita-t-il alors que sa partenaire toussait un rire.

« Désolé, ça sort tout seul. », s'excusa Cassidy tout en levant les paumes au ciel dans un léger mouvement d'épaules. Elle n'avait pas la moindre once de culpabilité sur le visage, et affichait même un sourire goguenard qui l'agaçait encore plus.

Il soupira d'un air éreinté, ne prenant même pas la peine de relancer la conversation, et tourna la tête vers le long couloir, où seul un petit meuble en bois de chêne parsemés de bibelots décoratifs se trouvait là, de même qu'un miroir carré était accroché juste à côté.

Butch jetait un coup d'œil à la porte mystérieuse qui est encore et toujours fermé, comme d'habitude... Ils habitaient une maison pavillonnaire tout ce qu'il y avait de plus simple. Mais il y avait une pièce au fond du couloir à gauche qui était constamment fermée et auprès de laquelle Butch n'avait pas le droit d'entrer...

Lorsque Butch, âgé de 5 ans à ce moment-là, avait posé la question de savoir qu'est-ce que c'était que cette pièce étrange qui lui était interdite, ses parents avaient alors réagit différemment : sa mère avait éludé la question dans un rapide « Rien » tout en accrochant sa longue veste beige et son énorme écharpe blanche sur le porte-manteau, tandis que son père lui avait ordonné de se rendre dans le salon tout en lui mettant une main dans le dos afin de le pousser doucement pour se diriger dans la pièce d'à côté en marmonnant quelque chose à propos de ses devoirs d'école. Mais quand Butch s'était retourné et avait insisté, son père avait soupirer et, sans lui accorder une œillade, concentrer sur le fait de retirer ses chaussures marrons, avait répondu :

« C'est un bureau, il y a des papiers importants. Nous ne voulons pas que tu ailles fouiller là-bas. C'est tout. »

« Parfaitement. », avait renchérit sa mère. « Christophe a raison, c'est plein de poussière et rempli de vieux bouquins ennuyants. »

Au début, Butch n'avait pas remis pas en question la réponse de ses parents mais parfois, ça le démangeait de savoir. Parce que le garçon était curieux et qu'il restait malgré tout un gosse qui ne pouvait s'empêcher d'être attiré par les interdictions. A chaque fois qu'il passait dans le couloir ou devait s'arrêter, prêt à sortir dehors, il jetait des œillades dans la direction du mystérieux bureau.

« Pourquoi j'te vois jamais y aller ? », avait un jour demandé Butch pendant que son père mettait sa cravate devant le miroir qui se trouvait dans le couloir.

« Quoi ? »

« Ben les papas de mes copains, ils ont des bureaux et ils y restent toute l'après-midi mais toi, j'te vois jamais y aller... », expliqua l'enfant.

Le père resta un instant songeur avant de secouer la tête, certainement pour se défaire de ses pensées, puis s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.

« Et si les papas de tes copains sauteraient d'un pont, est-ce que tu penses que je devrais le faire aussi ? », préféra-t-il demander.

Le coin des lèvres de Butch se contracta à cette pensée mais le regard noisette et sérieux de son père lui dit qu'il ne plaisantait pas. Et malheureusement pour le garçon aux cheveux verts, son paternel l'avait remarqué.

« Je suis sérieux. », dit-il en le regardant droit dans les yeux et en pointant la porte interdite. « Il ne faut absolument pas que tu y entres. Je t'ai déjà dit qu'il était rempli de papiers mais j'y stock aussi des affaires importantes qui sont très précieuses. Si nous ne voulons pas que tu y entres, c'est pour ne pas casser quelque chose. Tu comprends ? »

Butch tourna la tête vers la porte et bourdonna, signe qu'il réfléchissait.

« Comme... des lampes et des grands vases ? », supposa-t-il.

« C'est ça. Des lampes et des grands vases. », affirma son père en se relevant.

« Et aussi des bols pour prendre des céréales ? », rajouta Butch, en pensant distraitement que les bols en porcelaine étaient effectivement fragiles.

« Oui oui, allez. », en balayant sa réponse d'un geste fébrile de la main avant de saisir sa veste sombre sur le porte-manteau. « Maintenant assez bavarder ; ta mère nous attend dans la voiture pour partir. Si on arrive en retard au repas de tes grands-parents, elle ne nous pardonnera jamais. »

Butch obéit tout en pensant distraitement que c'était assez bizarre que son père stock des bols pour les céréales dans son bureau mais haussa les épaules. Après tout, il avait peut-être plusieurs paquets de céréales cachés dans les placards qu'il aimait manger en cachette, s'imagina-t-il en sautant la petite marche qui menait à la porte de sortie.

Chapitre 3 : La cuisine et les sanitaires

Butch avait débarrassé les bibelots exposés sur le petit meuble du couloir, ainsi que l'annulaire et le vieux téléphone qui était stocké à l'intérieur. Ils avaient tout mis dans un des cartons qu'ils avaient stocké dans l'entrée et attendait d'en remplir plusieurs pour limiter le nombre d'aller-retour à la camionnette.

Lorsqu'il entra dans la cuisine, il vit qu'elle n'avait pas changé ; une table rectangulaire entouré de plusieurs chaises trônaient au milieu de la pièce. Un grand plan de travail sur sa droite arrivait jusque dans l'angle, muni d'un évier et de plaques chauffantes au gaz, le tout surmonté de plusieurs placards. Un grand réfrigérateur se trouvait dans le prolongement du plan de travail et s'arrêtait à la limite d'une autre pièce dans le coin gauche.

« On peut fouiller pour voir s'il y a de quoi manger pour le repas de midi ? », questionna immédiatement Cassidy.

« Tu perds pas le sens de tes priorités, toi. », répondit Butch en déposant le carton sur la table à manger.

« Pas du tout ; je suis prévoyante. », corrigea la blonde en croisant les bras.

« Bon, si tu veux mais tu ne trouveras certainement pas grand-chose. »

« Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? », voulu-t-elle savoir en arquant un sourcil interrogateur.

« Mes parents prenaient soin de tout vider ou de donner à des amis avant de partir en vacances ; de cette façon, ils n'avaient pas de restes et pouvaient éteindre les électro-ménagers pendant leur absence. Tu vois ? », prouva Butch en ouvrant la porte du frigo complétement vide. « Y'a pas de lumière qui s'allume. »

« Et le congèle ? », poursuivit-elle en baissant les yeux sur la deuxième porte intégré.

« Pareil. », prouva-t-il en s'accroupissant et en ouvrant le premier bac en plastique vide.

« Et dans les placards ? », tenta la blonde en y lançant une œillade septique.

« Vérifie quand même. », l'invita-t-il en ouvrant un deuxième tiroir.

Alors qu'elle entendait Butch pester dans son coin en refermant le troisième et dernier bac vide du congélateur, elle s'approchait des meubles en bois au-dessus du plan de travail. Cassidy ouvrit les portes en grand et sourit largement.

« Ha bah c'est parfait, il reste encore des pâtes et des épices ! En plus y'a des haricots verts et des petits pois-carotte ; on a qu'à faire ça. », proposa-t-elle.

« Ha non ! J'ai pas envie de me mettre à cuisiner. », rétorqua Butch en se relevant tout en fermant la porte du congélateur.

« Bah pourquoi ? Y'a toujours des casseroles et des poêles dans les placards. », argumenta la blonde en se penchant sur le côté et en ouvrant un placard à ses jambes, qui était en effet remplis d'ustensiles de cuisine. « Puis on ne va pas manger à même la conserve comme ces gros nazes de Jessie et James ! », fit-elle valoir.

« Bien sûr que non mais je suis pratiquement sûr qu'après avoir mangé, c'est MOI qui devrai me taper la vaisselle. », dit-il en se pointant du pouce, agacé. Il la pointa ensuite de l'index, sourcils froncés. « Parce que je sais très bien que TU n'oseras pas bouger le petit doigt pour m'aider. »

« Ok, c'est pas faux. », avoua-t-elle dans un sourire coupable.

« Voilà. », dit-il pour clore le débat en croisant fermement les bras. « Et puis comme ça, on mettra tous les paquets et les boîtes de conserves dans un sac de courses ; on les ramènera au QG. »

« Bah on peut en prendre deux ou trois pour notre stock personnel, oui, », concéda-t-elle, un poing sur le menton, avant d'arquer un sourcil interloqué. « Mais à qui tu veux donner le reste ? »

« Euh, ben genre à Attila et Hun ? Ou même au Boss ? – peut-être que ça lui ferait plaisir... », suggéra-t-il tandis que Cassidy aboya un rire qui le fit sursauter. Avec du mal, la blonde arriva à se calmer puis le regarda d'un air outré, une main sur le bas du visage, comme si une deuxième tête était soudainement apparue devant elle.

« Non mais t'as cru que le Boss allait accepter des pâtes Éco+ et des pauv' boîtes de conserves ? », s'offusqua-t-elle alors qu'un sourire menaçait de reprendre possession de ses lèvres. « On n’est pas désespéré comme Jessie et James au point de lui offrir des paquets de riz pour avoir ses faveurs ! »

Butch eut l'obligeance de paraître coupable, et sa partenaire en profita pour continuer sur sa lancée.

« En plus, j'te rappelle que le Boss ne mange que la bonne marque ! »

« C'est vrai qu'on avait parié avec les autres membres de l'organisation que la marque de pâtes qu'il achetait c'était des Giovanni Rana... », se souvint-il à haute voix.

Elle barbota un autre rire tout en s'essuyant le coin des yeux, soupira d'aise, puis se racla la gorge avant de reprendre son sérieux.

« Bon, c'était bien de rigoler un coup mais on va manger quoi alors ? », voulu-t-elle savoir en se tournant vers son partenaire qui reposait tranquillement son épaule contre la porte du frigo.

« La seule solution, ce serait d'aller chercher des sandwichs à la boulangerie du coin. C'est pas très loin ; après être sorti du quartier résidence, t'as juste la rue perpendiculaire à longer pendant dix minutes et tu tomberas dessus. »

« Quoi ? Pourquoi t'y va pas, toi ? Tu connais mieux le quartier que moi. », fit-elle valoir en le pointant de l'index.

« C'est vrai mais j'ai pas beaucoup changé physiquement. J'veux pas prendre le risque que quelqu'un me reconnaisse, ou pire ; croiser une ancienne connaissance. »

« Oui mais moi j'attire plus l'attention. », argumenta la blonde. « Tu comprends, avec mes cheveux magnifiques, mon physique de rêve, et mes yeux à faire tomber même un aveugle, on va forcément se retourner sur mon passage. »

Paupières fermées, il soupira discrètement tout en se pinçant l'arête du nez.

« S'il te plaît, Cass ? », insista Butch avant de sortir son portefeuille depuis la poche arrière de son jean. « On avancera plus vite si je reste là. »

Les yeux rivés sur les billets de Pokédollars qu'il lui tendait, elle sembla se débattre mentalement. Puis, au bout de plusieurs secondes, elle lâcha un soupire à fendre l'âme.

« Bon, très bien. », capitula-t-elle en s'emparant de l'argent. « Tu veux quoi ? »

« Ce qu'il y a. », répondit-il en haussant les épaules. « Tu sais très bien que j'mange de tout. »

« Et c'est pour ça que j'adore commander avec toi. », répondit la blonde dans un sourire en coin. « J'pourrais carrément te prendre des insectes grillés chez le chinois, j'suis sûre que tu les boufferais. »

« Abuse pas, non plus... », rétorqua-t-il dans un sourire amusé.

Cassidy lâcha un léger rire et s'éclipsa dans le couloir en levant la main en guise de salut. La porte claqua deux secondes plus tard et Butch se retrouva seul dans la cuisine.

Il se mit aussitôt au travail et commença à débarrasser les casseroles et les poêles qui se trouvaient dans les placards sous le plan de travail. Il rangea le tout dans deux cartons.

Les ustensiles de cuisine, eux, trouvèrent leur place dans un petit sac poubelle qui fut posé sur l'argenterie et les assiettes recouvertes de papier journal dans un autre carton.

Les verres, bols et autres ramequins en céramiques furent également enroulés dans du papier journal et placé dans une petite caisse.

Pour ce qui est des saladiers, boîtes de stockage en plastique, paniers en osier, ce fut un carton de taille moyenne qui les accueillaient. Quant aux différentes machines telles que la bouilloire et le robot-mixeur, elles furent ranger dans leur carton originel que ses parents gardaient toujours.

Butch déposa les cartons les plus légers sur une partie de la table tandis que les plus lourds restèrent au sol. Ensuite, il entreprit d'inscrire le mot « cuisine » à l'aide d'un feutre noir. De cette façon, ils pourront s'y retrouver quand ils videront la camionnette.

Un soupire fatigué quitta ses lèvres et il décida de se reposer l'espace d'un instant. Il tira une chaise dont les pieds grinçaient sur le carrelage et se mit assis à sa place habituelle, celle en bout de table. Il ferma ses paupières et soudainement, il fut replongé dans ses souvenirs, lorsqu'il n'avait que 6 ans...

Son père était au téléphone avec un ami tandis que Butch essayait d'attirer son attention.

« Papa, regarde cette carotte, elle est énorme ! », clama-t-il en brandissant sa petite fourchette.

« Oui, super. », dit-il automatiquement en ne lui accordant qu'une brève œillade. « Mange tes carottes, Benito. », ordonna distraitement son père avant de reprendre sa conversation téléphonique.

« Mais papa, moi j'm'appelle Butch. », corrigea-t-il d'une petite voix.

Sa reprise tomba dans l'oreille d'un sourd puisqu'il vit ensuite les lèvres de son père s'étirer et entendit un rire sortir de sa bouche après que la voix atténuée dans l'appareil portable eût dit quelque chose.

« Papa ? T'as entendu ? », insista le garçon en se penchant sur la table pour tendre ses bras potelés afin d'atteindre le bras ou le tissu de la chemise de son père et le secouer.

« Attend, quoi ? Tu peux répéter ? J'ai pas tout compris. », demanda Christophe en poussant son index dans son oreille tout en se levant de sa chaise en osier pour quitter la cuisine et s'éclipser dans le couloir, ne jetant aucun regard derrière lui. « Elle a fait quoi après ? »

Butch, les bras toujours tendus dans un sens et la tête tournée dans l'autre, observa en silence l'entrée de la cuisine, dans l'espoir de voir son père revenir, mais les secondes s'écoulèrent et il ne revenait toujours pas. Bien sûr, il entendait sa voix grave dire des choses incompréhensibles pour sa petite oreille, mais ce dernier ne passait même pas devant l'encadrement de porte.

« Papa ? »

Toujours rien. Il devait refaire une autre tentative.

« Papa ! »

Il balançait ses jambes dans le vide, signe évident de son impatience, et essaya à nouveau.

« Papa !! », cria à nouveau l'enfant aux cheveux verts.

« Quoi ? », râla-t-il en s'arrêtant enfin à l'entrée de la cuisine, clairement agacé. « Tu vois pas qu'je suis au téléphone ? »

Mais malheureusement pour le pauvre Butch qui appela une nouvelle fois son père avec plus de forces, il vit ce dernier soupirer ouvertement, faire demi-tour pour entrer dans le salon, et refermer aussitôt la porte derrière lui.

Le message était clair ; il ne voulait pas – et n'avait pas le temps, de faire attention à son fils. Sa conversation avait l'air d'être plus important, on dirait...

Son cœur se dégonfla et il baissa la tête pour regarder tristement ses légumes. Ses petites lèvres tremblaient et il sentait les larmes lui monter aux yeux. Cependant, quand il entendit d'autre bruits de pas sur le parquet du couloir, Butch releva aussitôt la tête et vit la silhouette floue de sa mère. Ses yeux marrons s'allumèrent d'une nouvelle lueur d'espoir, et un sourire fendit son visage.

« Maman ! », appela-t-il joyeusement en levant les bras, comme si elle pouvait miraculeusement étendre ses mains pour le porter de là où elle se trouvait.

Hélène se pencha sur le côté à l'appelle de son nom, son sac à main se balançant sur son épaule au même rythme que ses boucles d'oreilles, et lui lança une œillade derrière ses lunettes de soleil.

« Fini ton assiette, Hutch. Faut absolument que maman parte là, sinon elle va être en retard au travail. »

Puis elle prit ses clés sur le rebord de l'étagère dans un tintement métallique et enfila des talons qui claquèrent deux secondes avant la porte d'entrée.

Retournant au présent, Butch secoua la tête pour se débarrasser de ses souvenirs navrants. Il était de temps de ranger les denrées alimentaires ; il stocka donc les pâtes, conserves et pots de confiture dans un vieux sac de courses qu'il trouva dans le placard en dessous de l'évier. Tous les produits de lavage, eux, allèrent dans un sac poubelle.

Butch posa ses mains sur ses hanches et admira fièrement le résultat de son travail.

Un coup d’œil à la porte qui se trouvait dans un coin de la pièce lui rappela qu'il n'avait pas encore fait les toilettes. Chose qu'il fit immédiatement en enjambant les quelques mètres qui le séparaient de la petite pièce.

Une fois à l'intérieur, Butch ouvrit le placard qu'il y avait juste au-dessus des WC. Il vit qu'il restait encore quelques rouleaux de PQ à l'intérieur d'un sachet en plastique partiellement éventré.

« Ça peut toujours servir. », dit-il en haussant les épaules.

Il sortit le sachet et pivota le haut de son corps pour lâcher l'objet qui rebondit au sol. Il trouva également un vaporisateur parfumé, des paquets de lingettes, des serviettes hygiéniques.
Après une rapide réflexion et voyant que les paquets n'étaient pas ouverts, il décida de tout garder. Les serviettes hygiéniques pouvaient servir pour Cassidy, songea-t-il. Pour avoir été en acheter lorsque sa partenaire avait des crampes au point de ne pas bouger du lit, il savait à quel point ces merdes-là étaient cher.

Il vérifia la poubelle des toilettes -qui était bien évidemment vide grâce au maniérisme à ses parents. Une fois son inspection terminée, il lâcha les objets qu'il gardait dans un autre petit sac poubelle noir et, alors qu'il fermait la porte des toilettes derrière lui et qu'il déposait son sac poubelle sur la table, la porte d'entrée claqua, suivit de près par le soupir de Cassidy.

La blonde entra dans la cuisine et siffla à la vue de tous les cartons qui envahissaient la pièce. Elle leva ses yeux violets pour croiser le regard de son partenaire.

« Hé bah dis donc... ! Ça en fait, des cartons... », fit-elle remarquer.

« Il faut que tu m'aides à les charger dans la camionnette. Le sac de courses là, tu le poseras devant, à tes pieds. », répondit Butch tandis qu'elle hochait la tête.

« J'arrive, je vais juste mettre les sandwichs au frigo. » informa-t-elle en soulevant le sachet qui tanguait légèrement et en se dirigeant vers le réfrigérateur.

« Faut rebrancher la prise, attends... », dit-il en la suivant.

Butch fit le tour pour accéder au derrière de l'appareil et s'accroupit pour saisir la prise et la brancher au mur, bras tendu. Il entendit la porte du frigo s'ouvrir et le froissement du sachet en plastique.

« T'as pris quoi, au fait ? », voulu-t-il savoir.

« Un poulet-tomates et un jambon-beurre. Y'a aussi de la salade et du fromage dedans. »

« Cool. », approuva-t-il en se relevant et en s'essuyant les mains. « Personne ne t'as posé de questions ? »

La blonde referma la porte du frigo puis reposa tranquillement son épaule dessus pour se tourner vers son co-équipier tout en fredonnant, bras croisés.

« La boulangère m'a fait remarquer qu'elle ne m'avait encore jamais vu dans le coin mais je lui ai répondu que j'étais simplement de passage, donc ça devrait aller. », dit-elle en haussant brièvement les épaules.

« D'accord. »

« Par contre, y'a une petite vieille de la résidence qui était assise sur son fauteuil devant sa maison ; je lui ai dit bonjour par politesse, elle m'a répondue mais le problème c'est qu'elle n'a pas arrêté de me fixer d'un air méfiant pendant que je passais. C'était super désagréable. », grimaça Cassidy.

« Ha, j'me souviens de cette dame. Une plutôt maigre avec des lunettes ? Elle était toujours à sa fenêtre dès qu'un gamin sortait pour s'amuser dans le quartier. Combien de fois elle râlait parce que je jouais trop près de ses fenêtres avec mon ballon... », se souvint Butch dans un léger rictus tout en enfonçant ses mains dans les poches de son jean.

« Ouai bah si tu veux mon avis, elle n'a pas l'air d'avoir changé. », rétorqua la blonde, contrarié. « Heureusement que je me suis retenu de lui demander ce qu'elle avait à me fixer comme ça, sinon je suis sûre que j'aurais fait une scène. »

« Et tout le quartier t’aurait probablement entendu, ce qui n'aurait pas du tout été bon pour nos affaires. », compléta-t-il, paupières fermées.

« En parlant d'affaire, nous ferions mieux de nous dépêcher ; ça va prendre du temps pour charger tout ça dans le camion... », dit-elle en tournant la tête vers la pile de cartons.

« Oui. Allons-y. », approuva Butch.
 

Chapitre 4 : Le salon

Une fois les cartons de la cuisine et de l'entrée rangées dans le coffre de la camionnette, le duo reprirent des cartons vides et entrèrent dans le salon.

Butch traversait la pièce pour se poster devant une étagère et fourrer des romans dans le carton qu'il cala à sa hanche et qu'il tenait avec l'une de ses mains, bras tendu. Cassidy, quant à elle, se tourna à droite et avisa une armoire vitrée d'un air expert qui se trouvait dans le coin de la pièce.

« On en fait quoi du service à thé en porcelaine ? », demanda-t-elle en ouvrant la vitre.

« Enroule-les dans du papier et mets-les dans un carton à part. T'as des journaux dans le meuble en-dessous. », répondit-il, le dos tourné. « On pourra en tirer un bon prix. »

« Le Boss ne t'a pas dit de revendre les objets de valeurs pour le profit de la Team Rocket ? », s'étonna la blonde en s'accroupissant pour ouvrit les portes du meuble en chêne.

« Non. Et puis légalement, tout ceci me revient. », dit-il avant de s'arrêter et de réfléchir à voix haute. « Mais peut-être qu'il se prendra une commission sur l'héritage quand il s'occupera de la paperasse concernant le décès. »

« C'est très probable. On parle du Boss, après tout. S'il peut faire du profit sur n'importe quelle chose, il saisirait la moindre occasion. », affirma Cassidy avant de déchirer quelques pages du papier journal et d'enrouler une tasse autour.

« Mmh... C'est vrai. », fredonna-t-il tranquillement. « Mais je crois que ça m'dérangerais même pas s'il en prenait une partie. »

« On n'a jamais assez de fric, Frunch. », déclara-t-elle sur un ton savant tout en continuant d'emballer les tasses restantes et de les déposer soigneusement dans le carton à ses pieds.

« Mon nom c'est Butch ! », s'agaça-t-il en claquant la langue, sourcils froncés. « Et puis je m'en suis toujours sorti sans l'aide de mes parents. C'est pas maintenant que ça va commencer. »

« Dommage... On aurait pu se payer des belles vacances avec ton héritage. », rêvassa Cassidy.

« Et tu voudrais aller où ? »

« Aux Îles Orange. », répondit-elle. « Un jour j'ai entendu ce plouc de James dire à un collègue qu'il y avait une île où les Pokémon étaient roses. »

« Rose ? », répéta son partenaire alors tournait la tête et arquait un sourcil dubitatif dans sa direction.

« Ouais, genre un Rhinocorne rose, un Colossinge rose, un Nidoking rose... », énuméra-t-elle.

« C'est pas plutôt un Leveinard ou un Grodoudou qu'il aurait vu ? », demanda Butch, toujours septique.

« Non, il nous a assuré que, même si ce n'était pas leurs couleurs normales, tous les Pokémon devenaient roses à cause des fruits qu'ils mangent sur l'île ou une connerie comme ça. Bien sûr, on s'est foutu de sa gueule. », raconta la blonde sur le ton de l'évidence.

« Il a dut avoir les neurones qui ont disjoncté à cause des émanations de gaz de son Smogogo... », supposa Butch dans un sourire amusé. « Parce que sérieux, des Pokémons qui deviennent rose parce qu'ils bouffent des fruits ? Et pourquoi nos Pokémon ne deviennent pas bleu vu qu’on leur donne des baies Oran dans ce cas ? »

« Je sais pas. », rigola Cassidy avant de reprendre son sérieux. « Bref, tout ça pour dire que ça a éveillé ma curiosité et je me suis dit que ça serait cool qu'on aille faire un tour pour voir si ce couillon avait raison ou pas. Et on en profiterait pour passer les vacances sur l'Archipel, tu vois ? »

Elle déposa les coupoles et autres assiettes dans le carton, puis fit de même avec les supports et les tissus de couleur bleu qui couvrait les planches de l'étagère. Elle poussa ensuite le carton à côté du fauteuil, puis traversa les deux mètres qui la séparait du canapé pour se mettre assise et rebondir dessus.

« Hé au fait ; qu'est-ce qu'on fait des meubles ? », demanda la blonde alors que son co-équipier s'arrêtait juste à côté du fauteuil qui se trouvait en face de la table basse.  

Butch déposa le carton à ses pieds, histoire de faire faire une pause à ses muscles, et posa les mains sur ses hanches.

« Le Boss m'a dit qu’une autre équipe infiltrée dans le déménagement viendraient pour tout retirer une fois que nous aurons fini. »

Sa réponse fit sourire Cassidy.

« Ce n'est pas notre cher Boss pour rien ; il a pensé à tout. Peut-être qu'il va tout vendre aux enchères ? Y'a moyen pour que ce genre de mobilier parte pour une belle somme. », songea-t-elle en caressant le cuir du canapé beige du bout des doigts.

« Probablement, oui. », répondit Butch alors qu'un autre souvenir resurgit à la vue de sa partenaire assise sur le canapé familial.

L'enfant de 8 ans qu'était Butch à ce moment-là se tenait debout devant ses parents qui étaient assis sur le canapé, plusieurs cahiers posés sur la table basse devant eux, la tête relevée vers leur fils. Butch avait ses bras derrière le dos et ses poignets accrochés ensemble dans une posture coupable, un air contrarié sur le visage.

« Tu peux nous expliquer ça ? », exigea-t-elle en levant son cahier de correspondance ouvert.

Il lança une œillade vers l'avertissement qu'il avait reçu dans la section appropriée. En effet, la ligne qu'elle pointait et tapotait impatiemment de l'index était clair : « Bavardage et chahut en classe. »

« Alors, Dutch ? », poussa la voix de son père.

« C'était presque la fin du cours et la prof avait déjà donné les devoirs pour la prochaine fois. », marmonna-t-il en triturant la montre à son poignet, le regard fuyant. « Y'avait plus rien à faire. Et y'avait pas que moi qui faisait le bazar ; tout le monde criait et parlait entre eux... »

« C'est quand même curieux que ce soit toujours toi qui reçois l'avertissement. », argumenta sa mère en arquant un sourcil peu convaincu, tandis que son père prenait le relais.

« J'comprends pas ; elle ne t'avais pas déjà changé de place parce que tu bavardais trop avec ton voisin du fond ? », voulu-t-il savoir en se penchant et en plantant son bras sur une de ses cuisses.

« Si, mais c'était pas ma faute ! », rétorqua l'enfant. « Souvenez-vous : la dernière fois c'était Damian ! Il arrête pas de me demander des affaires parce qu'il a jamais de feuille double ou de cartouches d'encre ! »

« A t'entendre, ce n'est jamais de ta faute : un coup c'est Cécile qui n'a pas son crayon, un coup c'est Wendy qui a oublié son livre de maths, l'autre jour c'était Wayem qui avait perdu sa gomme, et maintenant c'est toute la classe... », énuméra-t-il en comptant sur ses doigts au fur et à mesure de son listing.

« Mais c'est la vérité ! », soutenu Butch, poings levés et coudes près du corps.

Son père soupira grassement tout en passant une main lasse dans ses courts cheveux vert foncé.

« Arrête de nous mener en bateau, Barry. »

« C'est Butch. », marmonnant l'enfant du bout des lèvres.

« Bon. », capitula sa mère dans un soupire avant de poser le cahier de correspondance et de prendre un autre cahier. « Et ça, Bryan ? »

A la page qu'elle venait d'ouvrir se trouvait une leçon de maths qu'il avait écrite. Du moins partiellement, étant donné qu'il n'y avait que la moitié d'inscrit.

« Maria était absente alors je lui ai passé mon cahier pour qu'elle puisse reprendre ce qu'elle avait loupé ; j'ai pas eu le temps d'écrire tout ce qu'il y avait au tableau. », répondit Butch en plissant le front.

« Vraiment ? », douta-t-elle avant de baisser les yeux sur son cahier. « Parce qu'il y a quand même pas mal de leçon qu'elle a dû rattraper... »

Joignant ses paroles à ses gestes, elle feuilleta d'autres pages, où plusieurs autres leçons étaient abandonnées en cours d'écriture.

« Et pas que pour le français. », renchérit son père. « Nous avons vérifiez tes autres matières – que ce soit les langues, les maths, l'histoire-géo, la musique ou la physique-SVT, elles sont toutes pareil. A chaque fois, tes cahiers contiennent seulement le tiers de tes cours. »

Butch frissonna à l'accusation et sentit ses joues chauffer d'embarras aux preuves accablantes qu'ils mettaient en avant.

« Qu'est-ce qui passe ? Pourquoi tu ne notes pas entièrement tes leçons ? », questionna sa mère.

« Ne nous dis pas que c'est juste parce que tu as la flemme d'écrire ou une connerie comme ça parce que ça va aller mal... ! », se fâcha le père tandis que Butch haussait mollement les épaules.

« Franchement, en quoi ça importe ? », marmonna-t-il en regardant ailleurs. « J'ai quand même de bonnes notes à mes contrôles donc j'vois pas où est le problème. »

« Pardon ? Le problème, c'est que tu ne notes pratiquement rien dans tes cahiers alors que c'est justement fait pour ça. On ne les a pas achetés uniquement pour faire joli sur la liste des courses ! », râla son paternel.

« Oui mais au final, j'ai toujours de bonnes notes lors des contrôles. », répéta-t-il d'une voix plus ferme, comme s'ils ne l'avaient pas entendu la première fois. Il avait l'impression d'être dans une conversation de sourd ; c'était insupportable. « J'comprends pas pourquoi je devrais les noter alors qu'ils ne me servent à rien ! », fit-il valoir.

« Non Bastien. », refusa sa mère dans un mouvement de la tête avant de lever un index autoritaire vers lui. « Si les professeurs veulent que tout leur cours soient écrit sur papier, c'est que tu dois tout écrire. Tu as compris ? »

« Mais c'est une perte de temps ! », renchérit-il en haussant le ton d'une voix désespéré.

« C'est d'accord ? », demandèrent ses parents en ignorant la supplication de son fils.

Poings tremblant, Butch soutenu leur regard imperturbable tout en triturant à nouveau la montre à son poignet, et relâcha ensuite la tension dans ses bras pour les laisser le long de son corps.

« Pff... », abandonna l'enfant aux cheveux verts en faisant la moue.

La tête baissée, il avait les yeux rivés sur ses baskets rouges et blanches, détaillant distraitement ses lacets qui avaient quelques tâches de saleté ici et là.

« Bastien, regarde-moi dans les yeux. », implora sa mère d’une voix fatiguée.

Un sentiment de colère bouillonnait en lui, si fort qu'il fut obligé de pincer les lèvres et de froncer les sourcils pour ne pas crier qu'elle s'était encore trompée de prénom.

« Est-ce que c'est d'accord... ? Bastien ? »

Ça lui fendait le cœur d'obéir, mais Butch releva la tête à contrecœur.

« Bill ? », appela Cassidy en penchant doucement la tête pour attraper son regard noisette alors qu'il papillonnait des yeux. « T'as encore eu un mauvais souvenir... ? »

Butch déglutit difficilement et repris rapidement son expression stoïque en serrant les dents. Il s'abaissa pour reprendre son carton -ainsi que celui qui contenait les assiettes en porcelaine- dans les bras puis lui tourna le dos.

« Je vais déjà déposer ça dans le camion, tu peux t'occuper du coin télé ? », demanda-t-il en montrant le meuble du menton et en sortant ensuite du salon.

En effet ; il y avait une télévision à écran plasma, devant lequel reposait un magnétoscope ainsi qu'un lecteur DVD. En ouvrant les placards coulissants du meuble bas, on pouvait y découvrir une ribambelle des vieilles cassettes, des vinyles, et autres CD de musique juste en-dessous. Une grosse lampe était logée près de la fenêtre pour éclairer le gramophone posé sur une table de nuit mais cela prendrait certainement moins de temps à débarrasser que tout le coin télé.

« Et j'm'appelle Butch, pas Bill. », marmonna-t-il malgré qu'il soit déjà dans l'entrée.

Une fois dehors, il ouvrit les deux portes arrière puis monta à l'intérieur du coffre pour y déposer lourdement les deux cartons juste à côté de ceux de la cuisine. Il souffla en se redressant et redescendit sur les dalles de béton dans un petit saut.

Le bruit du claquement des portes lui rappela un autre souvenir :

« Il y a plein de plats surgelés au congélateur ; tu n'auras qu'à les réchauffer au micro-ondes, ça sera plus simple pour toi plutôt que d'utiliser le gaz et les casseroles. », informa sa mère en claquant la porte du coffre.

Les mains dans les poches de sa veste de sport, Butch, âgé de 9 ans, se tenait debout devant l'entrée de la maison et regardait ses parents vérifier leur dernière affaire pour leur départ concernant leur voyage d'affaire annuel.

« Mais j'aime pas les plats surgelés. », rétorqua Butch dans un moue déçue. « Le milieu est toujours congelé. »

« Hé bien tu n'as qu'à mettre plus que le temps indiqué sur la boîte et ce sera bon. », répondit-elle comme si c'était l'évidence même.

« Même quand je fais ça, ça ne marche toujours pas. », dit-il en fronçant les sourcils, agacé.

Sa mère prit une profonde inspiration et souffla d'un soupir à fendre l'âme. Elle le regarda droit dans les yeux, les mêmes yeux marrons que lui, mais dans lesquels brillait une lueur d'irritation et d'épuisement.

« Écoute Bambi. », commença-t-elle avant de se faire interrompre par son fils.

« C'est Butch. », rappela-t-il.

« C'est ce que j'ai dit. », répliqua-t-elle en balayant sa réponse d'un revers de la main. « Est-ce que tu crois sincèrement que j'ai le temps de te préparer à manger pour la semaine et de tout mettre dans des tupperwares au réfrigérateur ? » demanda-t-elle avant de continuer sur sa lancée. « Non. Alors maintenant, tu arrêtes de faire tes caprices et tu fais ce que je dis. »

Le ton ferme de sa mère –qui avait également le don de le faire culpabiliser, énerva l'enfant aux cheveux verts. Il ne peut s'empêcher de pincer les lèvres et de froncer les sourcils alors qu'une bulle de désapprobation bouillonnait en lui.

« J'm'en fous, j'mangerais que des tartines et du lait. », grommela-t-il finalement.

« Ne raconte pas n'importe quoi, Brice. », intervint son père alors qu'il faisait le tour de la voiture pour accéder au siège conducteur. « A ton âge, tu dois manger équilibré. C'est pour ton bien et tu le sais parfaitement. Alors tu fais ce qu'on te dit, un point c'est tout. »

Butch se souvenait avoir désobéit les deux premiers jours en se nourrissant uniquement de tartines et de lait à chaque repas.

Mais les jours restants, ne voulant clairement pas se faire réchauffer ces infâmes plats surgelés, il avait tout de même voulu avoir un vrai repas. Alors il s'était servi d'une petite partie de l'argent dans la jarre à gros-mots pour aller acheter ses ingrédients à la supérette et se faire cuire lui-même ses plats. Après tout, ses parents mangeaient certainement du Tauros, du Kangourex, voir même du Magmar de qualité à l'autre bout de la région ; il n'y avait pas de raison pour qu'ils soient les seuls à se faire plaisir alors que lui devait se taper ces horribles repas préparés.

Un sourire se faufila sur son visage lorsque Butch repensa au dernier jour avant que ses parents ne reviennent ; il avait pioché une seconde fois dans le pot de Pokédollars afin de se payer un menu fast-food dans le centre-ville de Jadielle. Sachant qu'il serait très certainement privé de fast-food pendant un long moment, il avait donc pris son temps pour déguster son hamburger, ses frites, son Soda Cool, et avait apprécié son chocolat chaud à la douce crème de lait Meumeu.

Lorsque ses parents étaient rentrés de leur voyage d'affaire annuel et avaient vu la vaisselle sale de ses précédents repas qu'il avait intentionnellement laissé dans l'évier, Butch s'était évidemment fait engueuler, renvoyé dans sa chambre, et il fut privé de console de jeux pour toute une semaine mais cela en valait la peine ; il avait pu les entendre se disputer pour savoir qui allait manger le stock de plats surgelés qu'ils avaient inutilement acheté pour leur idiot de fils.

Quand Butch revient dans le salon, il vit Cassidy confortablement assise sur le canapé en cuir qui avait un livre ouvert sur ses genoux, les yeux rivés sur les pages.

« Bordel Cass ! », râla le jeune homme aux cheveux verts dans un soupir en s'approchant de la table basse. « Je t'avais dit d'avancer pendant que j'étais parti mettre les cartons dans la camionnette ! »

« J'le faisais ! », répliqua-t-elle dans un semblant de sérieux. Mais elle n'arrivait manifestement pas à contenir son sourire qui n'arrêtait pas d'étirer ses lèvres d'un air amusé.

« C'est ça, ouais, vachem – ! »

Attends.

Maintenant qu'il s'était rapproché et immobilisé sur place par la même occasion, il voyait parfaitement que l'objet qu'elle tenait entre les mains n'était pas un simple livre.

« C'est notre album photo... », lâcha-t-il du bout des lèvres.

Elle releva la tête dans un faux sourire désolé.

« Je l'ai trouvé dans un des placards à côté des vinyles et des vieilles cassettes. », expliqua-t-elle en haussant les épaules.

En tournant la tête à droite, il vit effectivement que les placards coulissants du meuble télé étaient ouverts. Une partie des différentes boîtes de films étaient encore alignées. Un carton dans lequel se trouvait quelques VHS et CD, laissé à l'abandon lorsque Cassidy avait certainement trouvé l'album photo, reposait juste devant le long meuble.

« Oh c'que t'étais adorable quand tu étais petit. », commenta la voix de Cassidy qui attira son attention. « Tu avais des joues toutes rondes et dodues, ça m'donne envie de les pincer. Par contre, la coupe au bol te donne un air ringard, ça t'va pas du tout. »

« Hé oh, c'était la mode à l'époque. Et puis, j'suis sûr que tu n'étais pas mieux à cet âge. », rétorqua Butch, le front plissé.

« Tu plaisantes, Bill ? J'étais une vraie petite poupée, moi. », se vanta la blonde en fermant les yeux en bombant le torse d'un air fier.

« Bah j'demande à voir. », finit-il en croisant les bras, puis prit un air contrarié. « Et mon nom, c'est Butch... ! »

« Mais c'est bizarre ; j'ai pas trouvé d'autres albums photos si ce n'est celui que j'ai dans les mains. », s'étonna-t-elle calmement en levant brièvement l'ouvrage.

« Nous n'étions pas très photos. », répondit son co-équipier aux cheveux verts.

Tandis qu'elle fredonnait en guise de réponse, quelque chose attrapa le regard de Cassidy puisqu'elle s'arrêta et se pencha très légèrement sur l'album – certainement un détail sur une des photos. Elle se redressa en même temps que ses yeux brillaient d'amusement.

« Hé regarde Boutch ; y'a écrit « Brice » en dessous de la photo alors que tu t'appelles Bill. », pouffa la blonde en pointant ledit cliché avec son index.

Maintenant que Butch s'en rappelait, pendant que ses parents écrivaient à tour de rôle les légendes et les dates auxquelles les photos avaient été prises, il n'avait pas arrêté de leur dire qu'ils s'étaient trompés. Jusqu'à ce que sa mère ne se fâche et ne le réprimande d'un air outré : « Brice ! Je suis ta mère, je sais quand même comment tu t'appelles, enfin ! ». Et il se souvenait encore avoir grommeler entre ses dents que c'était un prénom de merde, tout ça pour se prendre une remontrance de la part de son paternel juste après.

« La vache, même tes parents se trompent de prénom, ça craint. », se moqua-t-elle.

Butch fut tenté de rétorquer à Cassidy qu'ils n'étaient pas les seuls à se tromper puisque même sa partenaire faisait l'erreur. Mais il n'arrivait même pas à formuler la phrase. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était la regarder avec des yeux plissés de tristesse et un air blessé sur le visage.

Ses yeux améthyste de la blonde s'écarquillèrent aussitôt qu'elle relevait la tête. Ne pouvant pas soutenir son regard plus longtemps, Butch ferma douloureusement les yeux et lui tourna le dos pour quitter à nouveau le salon et accéder à la sortie.

« J'ai besoin d'une clope. », déclara-t-il.

« Buke, attends ! », appela-t-elle en tendant la main devant elle.

Malheureusement pour elle, son co-équipier aux cheveux verts ne répondit pas à son appel, et jetait encore moins un regard derrière lui, clairement vexé. Quelques secondes plus tard, la porte d'entrée claqua et le silence s'imposa lourdement dans la maison.

« Et merde... », grommela la blonde en claquant sa langue au palais.

Butch, de son côté, s'était arrêté devant le porche en bois blanc et venait de s'asseoir sur la petite marche qui se trouvait à l'entrée. Il sortit son paquet de cigarettes, en prit une qu'il porta à sa bouche, puis fourra à nouveau son paquet à l'intérieur de la poche ventrale de son sweat. Ce fut ensuite au tour de son briquet d'être sortit dans le but d'allumer sa clope. Il inspira et plissa les yeux tout en observant distraitement la rue. Son quartier n'avait pas changé depuis toutes ses années ; c'était calme. Paisible. Sans bruit ou presque – les insectes qui grésillaient dans les jardins et l'aboiement d'un Caninos résonnait toujours dans le secteur. Il soupira longuement un nuage de fumée dans l'air.

Il entendit la porte d'entrée derrière lui craquer et s'ouvrir dans un bruit sourd, signe que Cassidy avait enfin décider de le rejoindre.

« Hé... », l'appela-t-elle doucement en le caressant dans l'omoplate à l'aide de ses ongles tandis qu'il lui jetait une brève œillade par-dessus son épaule. Elle s’assied à côté de lui, les bras reposés contre ses cuisses, mains jointes, et le cou légèrement rentré dans ses épaules. Elle observa les alentours sans rien dire ; des quelques rayons de soleil qui perçaient dans les nuages grisâtres en passant par les autres voitures garées devant leur propriété.

« C'est tranquille. », fit-elle remarquer au bout d'un moment.

Butch fredonnait en guise d'affirmation tout en reprenant une bouffée de tabac. Du coin de l’œil, il vit qu'elle lui lançait une œillade rapide mais préférait se concentrer sur sa clope entre ses doigts ; il la tapota légèrement avec son index pour faire tomber la cendre à ses pieds.

« Moi j'habitais plus proche de la ville, du coup c'était souvent le bordel. », raconta-t-elle dans un mince sourire nostalgique. « Y'avait toujours des gens bourrés qui criaient dans la rue lorsqu'ils sortaient des boîtes de nuit. »

« Impossible de dormir avant 2-3h du matin, je parie ? », devina Butch tandis que Cassidy acquiesçait d'un hochement de tête.

« Et quand ce n'était pas les gens bourrés, c'était les camions de verre dès 7h du matin. Ça faisait un boucan du diable vraiment insupportable. »

« C'est vrai que dit comme ça, la ville fait nettement moins envie. », dit-il avant de lever les yeux et d'observer les nuages qui traçaient paisiblement leur route dans le ciel. « J'suis peut-être pas mécontent d'avoir vécu dans un quartier-résidence, en fin de compte... ? »

En voyant son partenaire perdu dans ses pensées, Cassidy en profita pour serpenter un bras autour de sa taille et Butch se tendit instinctivement alors qu'un frisson lui parcouru l'échine. Lorsqu'elle vit qu'il ne fit aucun mouvement pour la repousser, elle lui caressa délicatement la hanche à l'aide de son pouce d'un mouvement apaisant.

« Pardon de m'être encore foutu de toi, Butch. », admit-elle enfin après une longue minute de silence.

« Ça va. », répliqua-t-il en roulant des épaules comme pour se défaire d'une sensation désagréable. « J'suis habitué depuis le temps... »

« Mais ça fait toujours mal... ? », devina-t-elle en se penchant pour reposer sa tête sur son épaule tandis qu'il portait sa cigarette raccourcie à ses lèvres.

« Ouais. », déglutit-il en soufflant un nuage de fumée.

Elle ajusta sa position pour être confortablement lover contre lui dans la fraîcheur de la fin de matinée. Butch se détendit, les yeux rivés sur les pneus de leur camionnette blanche – qui était soudainement très intéressante. Après un long moment de silence paisible, où le duo profitait de la chaleur de l'autre, l'homme aux cheveux verts sentit Cassidy gigoter.

Il comprit qu'elle brûlait d'envie de lui poser un tas de questions concernant ses parents et le fait qu'eux non plus n'arrivaient visiblement pas à retenir le prénom de leur fils. Il attendit tout en aspirant à nouveau de la nicotine sur sa cigarette, mais les interrogations ne vinrent jamais. Peut-être était-elle en train de tourner les questions dans sa tête ou bien attendait-elle tout simplement qu'il se mette à parler de lui-même ? Il décida de lui donner une petite partie de ce qu'elle voulait et prit la parole après avoir expirer la fumée contenue dans sa bouche.

« Mes vieux n'arrivaient jamais à retenir mon nom. », confia-t-il d'une voix rauque et lointaine. « Je les reprenaient à chaque fois. », dit-il avant de ricaner sèchement. « J'faisais que ça... »

« Mais comment ils pouvaient oublier ton prénom ? J'veux dire, ils t'ont quand même nommé « Butch » à la naissance, non ? », voulu savoir la blonde, son poing contre le menton, alors que le concerné réfléchissait.

Il finit par hausser les épaules.

« C'est le genre de parents à faire un gosse et à ne pas s'en occuper lorsqu'il devient trop turbulent. Alors forcément, le prénom importe peu lorsque tu ne te soucie pas plus que ça de lui. »

Lorsque Cassidy se détachait légèrement de lui pour le fixer sans un mot, il tourna la tête et arqua un sourcil interrogateur, intrigué qu'elle le dévisage autant avec ce regard analyseur.

« J'ai quand même dû mal à t'imaginer en gamin super turbulent. », finit-elle par déclarer. « Parce que malgré tes sauts d'humeurs lorsque l'on prononce mal ton prénom, tu es quelqu'un de plutôt calme et posé. »

« Hé pourtant si ; j'étais une vraie fripouille à l'époque. », avoua-t-il en penchant la tête sur le côté dans un sourire en coin, les traits de son visage amusé par la prochaine chose qu'il allait dire. « Ma voie dans le crime était probablement déjà toute tracée. »

La blonde souffla un rire alors que ses lèvres s'étirèrent et qu'elle se penchait pour reposer sa tête contre celle de son partenaire. Butch ferma ses paupières pour profiter de sa proximité, l'odeur de la cigarette flottant dans l'air.

« Je comprends pourquoi tu me disais hier que c'était des connards. », réfléchit Cassidy au bout de plusieurs secondes de silence.

Butch ré-ouvrit les yeux pour tirer une dernière fois sur sa cigarette, pensant que sa co-équipière ne savait encore pas toute l'histoire, avant d'écraser sa cigarette sur le béton à côté de sa cuisse et de jeter son mégot devant lui.

L'heure tournait et il restait encore plusieurs pièces à débarrasser.

« Allez : la pause est terminée. », se força-t-il en fourrant ses mains dans les poches de son sweat et en se relevant. Cela fit grogner la blonde, qui lui fit comprendre qu'elle aurait souhaité rester encore un peu plus longtemps dans ce cocon paisible. « A ce rythme-là, on n’aura jamais fini aujourd'hui et je n’ai pas envie d'y retourner demain. Il faut que tout soit terminé pour ce soir. »

Cassidy soupira pour la forme, puis se leva à son tour et le rejoignit à l'intérieur de la maison.

Chapitre 5 : Salle de bain

Butch ouvrit la porte de la salle de bain qui, elle non plus, n'avait pas changé depuis toutes ses années.

Le mobilier était toujours d'une couleur bleu foncé ; le lavabo sur sa gauche était surmonté d'un miroir rond, la baignoire dont les shampoings et gels douche étaient tous alignées soigneusement contre le rebord du mur dans l'angle. Le meuble de rangement à tiroirs se trouvait dans l’espace à côté, de même qu’un étendoir à linge en fer était replié dans le coin.

C'était une petite pièce mais pour une salle d'eau, c'était suffisant.

Le jeune Butch, âgé d'une dizaine d'années à ce moment-là, était debout devant le lavabo de la salle de bain, les yeux rivés sur son reflet dans le miroir, sourcils froncés. Son visage était tout égratigné et des bleus faisaient déjà leur apparition. Son menton était rouge du sang qu'il avait essuyé avec son avant-bras, sa joue droite était râpée ; elle avait plein de saleté et saignait encore, sa pommette gauche avait enflée, et il ne pouvait plus respirer par une de ses narines puisqu'il avait mis morceau de coton pour arrêter le saignement.

Son tee-shirt blanc n'avait pas non plus été épargné ; il tenait à peine sur ses épaules, les coutures avaient craqués à certains endroits, dévoilant ainsi toute sa clavicule et lui donnait l'air que son vêtement était trop grand pour lui. Son tee-shirt avait également de nombreuses tâches et traces de sang qui avaient séchés lors du retour à la maison.

La raison était simple ; il s'était bagarré au collège contre plusieurs camarades de classe parce que ces derniers n'arrêtaient de l'appeler par d'autres prénoms pour l'embêter et se moquer de lui. Butch, évidemment, n'avait pas su contenir sa colère et s'en était pris à la bande de garçons. Le groupe avait bien sûr riposté et c'est de cette façon que le jeune aux cheveux verts s'était retrouvé dans cet état.

Ses parents se trouvaient dans la salle de bain avec lui, dans une atmosphère tendue ; son père était assis sur le rebord de la baignoire tandis que sa mère était derrière lui et le surveillait panser ses blessures lui-même.

« Pour la peine, tu n'as qu'à te soigner toi-même ; ça t'apprendra à t'attaquer aux autres avec autant d'acharnement... », avait-elle dit.

Tandis que Butch tapotait doucement sa joue rouge et égratigné avec du coton imbibé de désinfectant -non sans grimacer, il jeta une œillade sur ses parents à travers le miroir en face de lui et vit qu'après s'être consulter du regard, les deux soupirèrent, épuisés, comme si c'était eux qui s'étaient bagarré de toutes leurs forces. Ses parents faisaient souvent ça ; soupirer. Ça avait le don d'agacer Butch au plus haut point. Il avait l'impression qu'ils étaient constamment fatigués de s'occuper de leur fils, comme s'ils avaient envie d'être n'importe où mais ailleurs qu'en sa présence.

« J'comprends toujours pas pourquoi tu as fait ça, Boris... », soupira sa mère d'un air perdue.

« C'est eux qui l'ont cherché... », répéta doucement Butch sur un ton borné. « Et j'm'appelle Butch, pas Boris. »

« Tu sais, ça peut arriver à tout le monde de se tromper de prénom. », renchérit-elle, comme si elle n'avait pas entendu ce qu'il venait de dire. « Ce n'est pas une raison pour partir au quart de tour et frapper tout le monde. »

Butch pinça les lèvres alors qu'il était plus que tenté de lui répondre que, si, c'était une raison parfaitement valable d'en venir aux mains. Mais bon, pas qu'ils auraient pu comprendre vu qu'ils faisaient la même erreur...

Il reposa le coton sale sur le bord du lavabo, prit une compresse carrée, et l'attacha sur sa joue à l'aide des deux rubans de scotch qui étaient préalablement fixés dessus. Il grimaça à nouveau lorsque le produit froid toucha sa joue et retira doucement ses mains en regardant son reflet dans le miroir. Bien, pensa-t-il en voyant que la compresse tenait toute seule. En espérant qu'il n'aurait pas à la garder jusqu'à la fin de la semaine, elle allait très certainement le gêner pour manger ou dormir...

La voix de son père le tira de sa concentration et l'obligea à tourner la tête vers lui.

« Est-ce que tu te rends compte dans quelle situation tu nous as mis ? Nous faire convoquer ta mère et moi dans le bureau du directeur...  je n'avais jamais eu aussi honte de ma vie ! Et maintenant, te voilà renvoyé une semaine, être contraint de rester à la maison, sans compter les heures de colle que tu as reçu... », énuméra son père en secouant la tête d'un air déçu.

Tant pis, pensa obstinément Butch en faisant la moue. Ça valait le coup. Et ils le méritaient, de toute façon.

« Et notre voyage d'affaire annuel qui tombe la même semaine... », se plaignit la mère en se passant une main dans les cheveux et en se frottant la tête, comme pour réfléchir à un moyen de résoudre le problème. Elle finit par baisser le bras, soupirer en fermant brièvement les yeux, puis prit enfin la parole. « Nous ne pourrons toujours pas te garder. Et tu sais bien que nous avons encore moins les moyens de payer une nounou pour veiller sur toi, alors que tu devras encore te débrouiller tout seul en notre absence. »

« Ce n'est pas comme si vous vous occupiez tant que ça de moi, de toute manière... », marmonna Butch en détournant le regard et en faisant à nouveau face au miroir.

« Pardon ? Tu peux répéter, Brice ? », tiqua sa mère.

« J'ai dit « j'peux m'débrouiller tout seul » ! », cria-t-il en rentrant son cou dans ses épaules. « Et mon nom, c'est Butch, bordel de merde ! »

Sans avertissement, il reçut une lourde claque derrière la tête qui lui fit pencher la tête en avant alors que des frissons l'électrifiait sur place et que son cœur se mit à battre à toute vitesse.

« Ne hausse pas le ton sur ta mère ! », sermonna son père. « Et qu'est-ce qu'on avait dit pour les gros-mots ?! T'as intérêt à mettre un billet de 10 Pokédollars dans la jarre ! »

Poings durement fermés, Butch serra ses dents lorsqu'il sentit sa bouche trembler et les larmes lui monter aux yeux. Ce n'était pas juste. C'était lui qu'on avait harcelé et embêter, et c'est sûr lui que tout retombait ! Pourquoi ses parents n'étaient-ils pas de son côté ? Pourquoi n'essayaient-ils pas de comprendre ? De se mettre à sa place lors d'un instant ? La phrase de sa mère le tira de ses réflexions et il essaya de contrôler sa respiration en inspirant par le nez du mieux qu'il pouvait et en déglutissant pour faire passer le nœud qui s'était formé à l'intérieur de sa gorge.

« Ah, et tu n'oublieras d'écrire la lettre d'excuse à l'attention de tes camarades de classe que la direction t'a demandé. »

« J'la ferais pas, cette putain de lettre... » grommela Butch d'une voix tremblante en reniflant.

« Ooh que si, tu vas la faire ! », contra-t-elle en calant ses poings sur ses hanches.

« Nan. », rétorqua puérilement Butch.

« Si. »

« Nan. »

« Si. Y'a pas de négociations possibles, Bobby. », répondit sa mère en croisant fermement les bras sur sa poitrine.

« Tu n'as pas le choix, Bob. », continua son père d'une voix grave. « Et si tu continues comme ça, on prend ta console de jeux avec nous et tu seras privé pendant une semaine. »

Butch ouvrit instinctivement la bouche mais la referma aussitôt, obligé de ravaler sa fierté en silence. Il n'avait pas envie que sa précieuse Nintendo NES se fasse confisquer.

« Bon sang, mais qu'est-ce qui m'a fichu un fils aussi insolent... ? », se lamenta sa mère en se passant une main fatiguée sur le front.

« Tu sais bien ce qu'ils disent Hélène ; c'est la crise d'ado qui commence, à cet âge-là... », rassura son père.

« Il n'a que 10 ans, ce n’est pas super tôt ? », fit-elle valoir en arquant un sourcil.

« Non, j'crois pas. », répondit-il en haussant les épaules. « Enfin, ça doit dépendre des gamins. Certains arrivent plus en avance que d'autres, je pense. »

« Comme si nous avions besoin de ça maintenant... », se plaignit la mère en secouant la tête.

Les plaintes de ses parents furent comme un pieu qui s'enfoncèrent dans la poitrine de Butch.

Butch se frotta les yeux à l’aide de son pouce et de son index pour sortir de ce mauvais souvenir, puis déposa le carton qu’il tenait dans l’autre main dans un coin de la pièce.

Il prit un sac poubelle noir et se dirigea vers la baignoire pour se pencher au-dessus.

« Je m’occupe des gels douches et des shampoings usagés, et toi tu mets de côté ceux qui sont encore stocké dans le placard à ta gauche au-dessus du lavabo. », dit-il alors qu’il enfournait les bouteilles dans son sac poubelle.

« Ok. », acquiesça Cassidy en ouvrant le placard et en énumérant les objets un à un qu’elle sortait pour les mettre dans le carton qu’elle avait également apporté. « Alors… Comme tu l’as dit, il y a encore des shampoings -qu’est-ce que c’est comme marque ? « Tahitiplouf » et c’est quelle sorte ? « cheveux secs et cassants, brillance garantie », tout pile ce qui me convient. », dit-elle comme si elle faisait ses courses au supermarché, avant de passer à la suite. « Oh énorme ! Y’a aussi des bombonnes de shampoing des secs ! C’est parfait lorsque je suis en retard ou que je n’ai pas envie de me laver les cheveux… » 

« D’aussi loin que je m’en souvienne, ma mère a toujours été pressé. », raconta soudainement Butch alors qu’il passait derrière elle pour aller déposer le sac d’ordures dans le couloir contre le mur. « Toujours à courir à droite et à gauche. »

« Je vois ce que tu veux dire, c’était pareil pour moi. », répondit la blonde alors qu’elle prenait des gels d’après-rasage tout neuf, des boîtes de dentifrice encore emballés, des brosses à dents neuves. « Oh, des rasoirs jetables ! », s’exclama-t-elle ensuite. « Et le paquet n’est même pas ouvert ! »

« C’est cool, on n’en avait plus du tout d’ailleurs. », dit Butch en repassant à nouveau derrière elle pour aller ouvrir les tiroirs du meuble du fond.

« Oui. Je pourrais en redonner à Wendy qui m’avait dépanné la dernière fois. »

Butch remplit son carton avec les serviettes de bain propres et les gants de toilettes qui étaient déjà soigneusement pliés, puis scella l’ouverture avec une bande de gros scotch brun.

Une fois les placards et tiroirs débarrassées, non sans oublier l’étendoir à linge, ils emmenèrent le tout dans la camionnette. Ils firent demi-tour et rentrèrent dans la maison avec les bras remplis de nouveaux cartons vide et de sacs poubelles, qu’ils déposèrent à l’entrée.

Cassidy s’étira les muscles en tendant les bras au-dessus de sa tête, mains jointes. Butch, quant à lui, massa la jonction entre sa nuque et son épaule tout en faisant rouler son bras dans un mouvement circulaire.

« Bon, on fait une pause ? », soupira la blonde en laissant tomber ses bras avant de poser ses mains sur ses hanches et se tourner vers lui. « J’ai faim. Il doit être au moins 13h là, non ? »
 
« Tu as raison. Faisons une pause pour reprendre de forces. », acquiesça son partenaire en se dirigeant vers la cuisine.

Chapitre 7 : La pièce interdite

Quand ils arrivèrent enfin près de l’avant dernière pièce de la maison – la pièce mystérieuse qu'il n'était jamais censé ouvrir, Butch se retrouva bloqué devant, n'osant plus entrer comme il l'avait fait en douce lorsqu'il était adolescent.

« Allez, on arrive presque au bout. », encouragea Cassidy en lui tapant légèrement dans le dos.
 
Le membre de la Team Rocket aux cheveux verts acquiesça en silence et ouvrit finalement la porte. Il fit un pas, suivit de près par sa partenaire qui fut confuse par ce qu’elle voyait.

« Attends, pourquoi il y a une chambre de nourrisson ? Tes parents étaient trop attachés à la tienne quand tu étais bébé qu'ils en ont fait une deuxième ? », plaisanta-t-elle. « Ou alors t'as un frère caché et tu ne me l’as pas dit ? »

Butch ne lui répond pas et observa à nouveau ce cocon protégé. Même après toutes ces années, la pièce n'avait pas du tout changé. Le petit lit à barreaux se trouvait toujours contre le mur en face de lui, le fauteuil pour donner le sein se trouvait encore à côté de la fenêtre, l'armoire se trouvait toujours dans le fond de la chambre, les peluches étaient encore éparpillées dans un bac en plastique, la table à langer se trouvait toujours à sa gauche, de même que le meuble à tiroir qui servait de support pour y mettre des cadres photos et autres ustensiles pour bébé.

« Cette pièce, c'est le point de départ où ma vie – déjà pas si belle à l’époque, a totalement basculé... », commença-t-il.

Agé de 14 ans, Butch était debout contre l’encadrement de la cuisine et regardait ses parents faire des aller-retours entre leur chambre et le salon en traversant le couloir pour faire leurs valises et se parler d’une pièce à l’autre.
 
Ils se préparaient à partir pour leur voyage d’affaire annuel. Cette fois-ci, ils allaient dans la région de Hoenn. Ils devaient se rendre jusqu’au port de Carmin-sur-Mer pour prendre un ferry et ils voulaient y être quelques heures avant afin de pouvoir se réunir avec leurs collègues de travail.

Butch, qui observait paresseusement ses parents courir partout comme s'ils allaient louper un train alors que leur voiture les attendait sagement devant leur pavillon et qu’ils avaient encore largement le temps, s'aperçut que la pièce secrète – qui lui était jusque-là interdite, n'était pas fermé à clé. 

Elle était même très légèrement ouverte. Sa curiosité, qui avait été atténué avec le temps, fut soudainement renouvelé, lui provoquant des picotements jusqu’au bout des orteils. C’était une occasion en or et l’adolescent aux cheveux verts n’allait pas la rater.

Tournant la tête vers ses parents qui disparaissait encore de son champ de vision à toute vitesse pour voir s'il ne craignait pas de se faire prendre, il décida de s'y aventurer. De toute façon, ses parents ne faisaient pas attention à lui, alors il pouvait très bien entrer et ressortir une minute après ; ils n'en sauraient rien du tout.

Il enjamba rapidement les mètres qui le séparait à la pièce secrète, faisant bien attention à ne pas taper ses pieds sur le parquet grinçant, puis saisit la poignée de porte.

En entrant à l’intérieur, il fut déconcerté de découvrir une chambre de nourrisson. Tout l’équipement pour bébé était installé ; du berceau à la table à langer.

Qu’est-ce que ça voulait dire ? se questionna-t-il, confus. Ce n’était pas un bureau comme son père lui avait dit lorsqu’il était petit. S’ils avaient rénové la pièce, il l’aurait forcément vu : A moins qu’ils aient fait les travaux pendant qu’il était parti en séjour à la montagne avec son école ? Est-ce que sa mère était attendait vraiment un autre bébé ? Non, ça ne collait pas, réfléchit Butch en secouant la tête. Ses parents lui auraient forcément annoncé la bonne nouvelle. Malheureusement, il n’eut pas le temps de pousser ses réflexions plus loin puisqu’il entendit des pas derrière lui et un halètement de surprise.

Il se retourna et vit le visage horrifié de sa mère qui avait une main sur sa bouche. Son père se matérialisa ensuite à côté d’elle en lui demandant ce qui n’allait pas, avant de tourner la tête vers la source du choc de sa femme.

Quand Butch croisa le regard marron sur le visage tétanisé de son père, il décida de prendre la parole.

« C’est quoi, ça ? », demanda-t-il en faisant un léger geste des bras à la chambre. « T’es enceinte, maman ? »

Sa mère déglutit difficilement avant de secouer la tête en guise de réponse. Elle était visiblement dans l’incapacité de parler, alors c’est son père qui prit la parole.

« Ta mère n’est pas enceinte. », répondit-il en entourant les épaules de cette dernière d’un bras rassurant, avant de regarder son fils et de froncer les sourcils d’un air désapprobateur. « Et puis d’abord, qu’est-ce que tu fabriques dans cette pièce ? Je t’avais pourtant défendu d’y entrer… ! »

« Elle était entrouverte et je – »

Son père soupira longuement pour lui couper la parole, comme s’il était résigné, et fit un mouvement du menton vers le couloir à l’attention de Butch. « Viens dans la cuisine, nous allons t’expliquer. »

Une fois dans la cuisine, il ignora leur chuchotement et s’attabla à la place du roi, alors que ses deux parents avaient pris chaque côté de la table. Sa mère prenait des inspirations discrètes en essayant de se calmer tandis que son père triturait ses mains jointes, clairement mal-à-l’aise.

« Alors… », commença lentement Butch. « C’est quoi, cette chambre ? » 

« Cette chambre, c’était… celle de ton frère. », avoua son père d’une voix grave.

« Mon frère ? Pourquoi il est pas là ? Il est mort ? », questionna-t-il simplement alors que sa mère étouffait déjà un sanglot.

Il vit la pomme d’Adam de son père monter et redescendre avant qu’il n’acquiesce sombrement d’un hochement de tête.

« Il s’appelait Brice. », avoua-t-il avec un tremblement dans la voix qu’il masqua aussitôt en se raclant la gorge.

« Brice… », répéta le garçon aux cheveux verts dans un souffle.

Voilà pourquoi ce prénom revenait souvent lorsqu’ils l’appelaient lui..., pensa-t-il.

« Qu’est-ce qu’il lui ait arrivé alors ? », voulu savoir Butch en relevant la tête.

« Lorsque nous avons eu Brice, nous étions comblés de bonheur. C’était un bébé adorable. Malgré les nuits agitées, il découvrait le monde avec des grands yeux marrons plein de curiosité et il nous souriait tout le temps. », raconta-t-il alors qu’un sourire étirait lentement ses lèvres. Le sourire de son père ne dura pas puisque son visage se refermait et sa bouche se pinçait en une fine ligne. « Malheureusement, quelques temps après sa naissance, il y a eu… des complications. »

« Des complications ? », répéta à nouveau Butch.

« Brice était un bébé prématuré. Il avait des poumons fragiles et nous faisions attention à ce qu’il ne se retourne pas sur le ventre ; cela pouvait lui bloquer la respiration et être dangereusement pour sa santé. Nous le surveillions toute les nuits, quitte à ne pas fermer l’œil. Une nuit, nous avions dû tomber de sommeil et nous assoupir. Lorsque nous nous sommes réveillés en sursaut, c’était déjà l’aube. Nous avons immédiatement foncé dans sa chambre pour vérifier son état et… ». Son père fit une pause, paupières fermement closes, puis serra ses doigts au point d’en trembler. Il relâcha sa pression et il soupira lourdement. « Et il ne respirait plus. Nous l’avons emmené à l’hôpital en urgence. Malheureusement, même avec les meilleurs médecins de la région, ils n’ont pas pu le réanimer. »

« J’étais effondré. », reprit alors sa mère en s’essuyant les yeux avant de continuer d’une voix fébrile et rapide. « Je ne me nourrissais plus et je sortais rarement du lit ; uniquement pour faire aller aux WC et faire ma toilette. C’était une période horrible. Je voulais à tout prix sortir de cette situation. En voyant ma détresse, Chris m’a proposé de faire un autre bébé. », dit-elle en tournant la tête vers son mari.

« Évidemment, nous savions que faire le deuil de Brice n’allait pas se résoudre en quelques mois, surtout avec un autre bébé, mais cela valait le coup d’essayer. », rajouta son père. « Nous avons donc tenté notre chance, et puis tu es né. »

« Je pensais désespérément qu’avoir un deuxième enfant pourrait m’aider à guérir… », articula tristement sa mère. « Mais j’avais tort. »

« Nous avions tort. », corrigea doucement son père en posant une main sur celles de sa femme, avant de relever la tête vers Butch dans un regard implorant. « Ceci dit, il faut que tu comprennes que nous avons tout fait pour repartir à zéro lorsque tu es né. » 

« Les mois passaient et avec la reprise de notre quotidien, en plus de toi, il nous était impossible de débarrasser les affaires dans la chambre de Brice. Le temps nous manquait et ton père et moi n’avions de toute façon pas la force nécessaire, tu comprends ? », implora sa mère. « De plus – »

Soudainement, il y avait trop d’informations pour son cerveau d’adolescent. Ses yeux passaient d’un parent à l’autre alors qu’ils débitaient un deuxième flot de paroles. Ils lui expliquaient sans doute qu’ils avaient vraiment essayé de faire fonctionner leur famille détruire malgré leur peine ou quelque chose comme ça mais Butch n’écoutait déjà plus.

Il avait l'impression d'être dans un nuage de coton, à ne saisir qu'une partie des mots que lui disait le regard coupable, désolé et suppliant de ses parents. Tout ce que l’adolescent aux cheveux verts comprenait, c’était qu’il n’était que le remplaçant de ce « Brice ». 

Probablement conçut pour n’être qu’une pâle copie, pensa-t-il alors que son estomac se retournait et qu’il pinçait ses lèvres en retenant un haut-le-cœur qui menaçait de s’échapper.

Lorsque ses yeux vides accrochèrent ceux de sa mère, son cerveau se remit en marche et il regagna doucement la réalité. Devant le visage troublé de ses parents qui le regardèrent d’un air peu assuré, il reprit contenance et s’adressa enfin à eux.

« Ok, j'ai compris. Je peux retourner dans ma chambre maintenant ? », demanda-t-il d’une voix neutre sortant une jambe de sa chaise. « De toute façon, vous devez partir pour votre voyage annuel, non ? »

Sa mère cligna des yeux.

« Je... Euh, oui oui, bien sûr. », balbutia sa mère, l’air étourdi, tandis que son père marmonnait un « c’est vrai, on va être en retard… »

Sans un mot, Butch se leva en repoussant sa chaise de côté dans un grincement et sortit de la cuisine. Il entra dans sa chambre en prenant de soin de fermer la porte, puis s’allongea sur son lit, les bras croisés derrière sa tête.

Les yeux rivés sur son plafond, il ne savait même plus quoi penser. Il ne regrettait pas cependant pas d’avoir ouverte cette fameuse porte. Au moins, il avait eu des réponses aux questions qu’il se posait depuis tout de temps. Il aurait voulu juste que ses parents lui en parlent plus tôt. Il aurait aussi souhaité qu’ils apprennent à faire le deuil de leur enfant décédé pour passer à autre chose et mener une vie plus saine d’esprit. Mais c’était trop tard maintenant…

« Butch… », appela doucement sa mère en toquant doucement sur sa porte. « Nous partons. »

Lèvres pincées et le visage renfrogné, Butch ne répondit pas. Maintenant que la vérité avait éclaté, ils l’appelaient enfin par son vrai prénom hein. Quels faux-cul…, pensa amèrement le garçon aux cheveux verts en se roulant sur le flanc pour faire face au mur. 

Dehors, il perçut le vrombissement du moteur de la voiture de ses parents. Le bruit s’estompa petit à petit et lorsqu’il n’entendit plus rien, Butch sut qu’il était enfin seul. La tension dans ses épaules se relâcha automatiquement et il se leva pour s’asseoir sur son lit, les pieds sur le parquet. 

Un regard sur son horloge murale lui indiqua qu’il était 15h18. Il devait s’occuper avant l’heure du goûter, pensa-t-il distraitement alors que ses yeux tombaient sur sa NES et sa télé cubique qui se trouvait au sol devant lui. 

Une fois sa console allumée et son jeu lancé, Butch jouait comme s’il était réglé sur pilote automatique, presque comme s’il ne voyait pas l’écran où son héros au bonnet vert se dirigeait. Mais même lorsqu’il résolu l’énigme du temps qui le faisait rager depuis plusieurs jours, il ne ressentait aucune joie. 

Tout ce qu’il éprouvait, c’était une colère sourde ne cessait de gronder en lui.

--

« Wow… », souffla Cassidy, abasourdi. 

Elle cligna des yeux pour se remettre de l’histoire de son compagnon et croisa son regard marron. Elle baissa les yeux sur son sourire contrit et perçut un bref haussement d’épaules alors qu’il tournait la tête pour poser une main sur le bois du berceau, les yeux rivés sur le matelas.

« Lorsque j’ai su la vérité, j’ai enfin compris d’où venait le mal-être que je ressentais souvent lorsque j’étais enfant. », avoua Butch. « J’étais constamment appelé par des noms autre que le mien ; que ce soit par mes profs, mes camarades de classe ou mes parents, ça m’énervait au plus haut point. J’avais toujours l’impression d’être quelqu’un d’autre, de ne pas avoir d’identité malgré le fait de de le clamer sans cesse. »

Cassidy bourdonna en guise de réponse, signe qu’elle était à l’écoute de ce qu’il racontait.

« Et lorsque mes parents se trompaient, surtout lorsqu’ils prononçaient le nom de leur premier enfant… ça me déchirait. », admit-il. « Je ne leur montrai pas toujours, mais mentalement parlant, c’était très éprouvant. Ils pensaient que j’avais besoin de temps pour digérer la nouvelle et ils me laissaient tranquille. J’crois que dans un sens, ça les arrangeait bien. Pour me venger, je faisais tout et n’importe quoi ; encore plus que lorsque j’étais môme. Alors quand j’atteignais mes limites parce qu’ils m’appelaient « Brice », je pétais des câbles. »

« En même temps, t’étais adolescent. », répondit la blonde sur un ton compréhensif. « A cet âge-là, c’est normal de faire des crises. Surtout que ta situation n’arrangeait pas les choses. »

« C’est vrai. », acquiesça-t-il doucement.

Cassidy s’aventura un peu plus dans la chambre et ouvrit l’armoire qui contenait encore plusieurs vêtements pour bébé. Ses parents n’avaient probablement pas pu se résoudre à lui donner les vêtements qu’ils avaient prévus pour leur premier enfant, pensa Butch.

« Et ils n’ont jamais voulu faire d’autres enfants après toi ? », demanda-t-elle curieusement en sortant un petit body couleur indigo.

« Au début non ; je crois qu’ils se sentaient coupable et que s’ils mettaient un autre enfant en marche, je le prendrais encore plus mal – ce qui n’était pas totalement faux. Mais le voisin m’a dit qu’ils avaient essayé plusieurs fois mais que ça c’était terminé en fausse couche. »

« Oh… Comme quoi, le karma peut être puissant contre certaines personnes. »

La phrase de sa co-équipière arracha un sourire à Butch pendant qu’il s’avançait à son tour dans la pièce.

« C’est exactement ce que j’ai pensé quand il m’a lâché cette information. »

« Et toi, tu aurais voulu avoir un frère ou une sœur ? », questionna la blonde dans un sourcil interrogateur en tournant la tête vers lui.

Butch s’arrêta près du meuble à tiroir qui se trouvait à gauche et baissa les yeux vers les cadres photos qui reposaient encore là. Il en prit un, souffla dessus pour faire partir la poussière, puis essuya le reste avec ses doigts. Au centre de la photo se trouvait un bébé endormi qui avait un duvet verdâtre sur le haut de son crâne.

« Une sœur. », dit-il doucement.

Un sourire se formait sur son visage alors qu’il imaginait un monde alternatif où il avait une sœur. Cela aurait pu être chouette...

« C’est vrai que je te vois bien avoir une sœur ; aussi sérieuse et calme que toi. », répliqua Cassidy dans un rictus taquin, avant de lever le nez en l’air tout en jetant ses cheveux par-dessus son épaule. « Mais pas aussi belle que moi, évidemment. »

« Bien entendu. », acquiesça-t-il, amusé par le comportement de la blonde.

Il reposa le cadre photo sur le meuble et tourna la tête pour voir sa partenaire passer dans son dos.

« Allez, Butch. », lâcha-t-elle en lui donnant une légère tape sur les fesses pour le motiver à bouger. « Dépêchons-nous d’enlever toutes ces affaires de cette maudite pièce. »

Il la regarda sortir dans le couloir pour se munir d’un carton et commencer le rangement. Oui, pensa-t-il en fermant ses yeux l’espace d’un instant. Il était grand temps de débarrasser cette chambre.
 

Chapitre 8 : Chambre de Butch

Quand Butch arriva devant sa porte blanche de chambre avec de nouveaux cartons en main, il ralentit lorsqu'il vit que son prénom était toujours écrit rageusement en lettre majuscule et souligné d'un grand trait noir.

« La vache... J'en connais un qui était de mauvais poil lorsqu'il a écrit ça. », commenta Cassidy dans un sourire taquin en pointant l’écriteau du pouce.

« T'as pas idée... », répondit-il dans un semblant de sourire.

Dès lors que Butch avait appris la vérité sur son petit frère décédé très tôt, à chaque fois que ses parents l'appelaient par un autre prénom que le sien, ces derniers tentaient de se corriger dans un douloureux effort mais cela ne changeait en rien le fait que c'était toujours blessant pour Butch. Cela avait le don de rendre Butch encore plus malade.

Et au fur et mesure que les jours passaient, même s’il faisait de mon mieux pour paraître impassible, sa colère intérieure ne désemplissait pas. Il avait de plus en plus de mal à supporter la situation.

Pour ne rien arranger, depuis quelques jours maintenant, ses parents ne se reprenaient même plus pour dire son vrai prénom. Évidemment, cela horripilait Butch au plus haut point, qui était obligé de subir leur erreur en silence. A quoi bon les corriger ? Ils faisaient comme avant et s'ils se souciaient vraiment des sentiments de leur fils, ils feraient plus d'efforts que ça. Malgré sa résolution, Butch ne pouvait pas s'empêcher de les reprendre ; c'était devenu un réflexe.

« Bill, tu peux venir mettre la table, s'il te plaît ? », demanda sa mère. « Le dîner est bientôt prêt ! »

« J'm'appelle Butch, pas Bill... », marmonna-t-il automatiquement.

Concentré sur son jeu vidéo, il fit trembler anxieusement sa jambe et tenta d'ignorer les appels de sa mère. Le plombier rouge à moustache sur l'écran de sa télé cubique venait de perdre sa forme gigantesque et continuait son chemin en sautant sur les briques rouges pour espérer récupérer un nouveau champignon ou même une étoile.

« Biff ! La table ! »

« C'est Butch putain... pas Biff. », grommela-t-il.

Sa jambe trembla de plus en plus frénétiquement au fur et à mesure que son personnage évitait les carapaces de tortues qui se présentait sans cesse sur son chemin et que sa mère l'appelait toutes les dix secondes.

« Bick, ta mère va pas te l'répéter cent fois ! », intervint la voix de son père.

Agacé, Butch enfonça son bouton pause à l'aide de son pouce, claqua sa manette au sol, et se leva pour sortir en trombe de sa chambre. Il traversa le couloir et arriva dans la cuisine, où sa mère refermait la porte du frigo à l'aide de son dos, boissons fraîches et fromages plein les bras, tandis que son père était déjà attablé et se servait un verre de vin.

Il se dirigea vers les placards au-dessus du plan de travail pour en déloger les assiettes roses qui reposaient à l'intérieur. Il posa brusquement les assiettes dans un fracas devant lui, puis fit de même avec les fourchettes et couteaux qu'il choisit dans le tiroir du meuble juste en-dessous. Il saisit ensuite trois verres de taille moyennes -qu'il équilibra à côté des couverts au milieu des assiettes, emmena le tout à la table, et les plaça en quatrième vitesse à leur place habituelle dans un vacarme assourdissant.

« Hé ! », cria sa mère en levant un index autoritaire vers lui et en le fixant avec un regard perçant. « Les affaires ne t'ont rien fait alors tu ne les claques pas comme ça ! Si elles sont cassées, c'est toi qui en rachèteras avec tes sous ! »

« Hé bah j'en rachèterai et puis c'est tout ! », répliqua Butch sur un ton mi-nonchalant et mi-irrité.

« Qu'est-ce qu'on t’a déjà dit à propos de ton insolence, Bock ?! », s'énerva le père.

Bouillonnant de frustration, l'adolescent aux cheveux verts ignora les remontrances de ses parents puis retourna dans sa chambre en faisant de grandes enjambés. Une fois devant son bureau, il s'empara du premier gros feutre indélébile qui roulait dans le tiroir qu'il tira sèchement, et fit demi-tour pour se poster debout dans le couloir. Après avoir refermé sa porte de chambre -non sans la claquer pour montrer son énervement, il entreprit d'écrire sauvagement son prénom avec les plus grandes lettres capitales qu'il pouvait gérer sur le bois blanc de la porte. Pour finir, il souligna son prénom d'un seul et grand trait oblique.

« Voilà, vous ne vous tromperez plus, comme ça ! », lâcha-t-il à haute voix alors qu'une légère vague de soulagement l'inondait.

Il ré-encapuchonna le bout de son feutre dans un clic, et tourna la tête vers ses parents qui déboulaient dans le couloir et constatait les dégâts avec un visage horrifié.

« Oh mon dieu, mais qu'est-ce que tu as fait, Bobby ?! », paniqua sa mère en se tenant la tête.

« Non mais t'es pas net ?! », enragea son père avant de se jeter sur la porte et de tenter d'effacer l'écriture noir que son fils avait fait.

« Christophe arrête ; tu vois bien que ça ne part pas ! », ordonna sa mère tandis que son père se tournait vers Butch. « C'est sûrement de l'indélébile... ! »

« Espèce de p'tit con ! », insulta son père en lui agrippant les cheveux dans un mouvement vif. Jambes légèrement fléchies, le rythme cardiaque de Butch monta en flèche et il grimaça aussitôt tout en levant instinctivement ses mains pour serrer le bras de son père dans l'espoir de lui faire lâcher prise. « On n'arrivera plus jamais à ré-avoir la porte propre, maintenant ! Même en frottant assez fort, ça laissera quand même des traces ! »

« Oh mon dieu, tu nous auras vraiment tout fait, Bob... », pleura sa mère alors qu'elle passait plusieurs fois ses mains fébriles pour se débarrasser de ses cheveux qui la gênait.

« Non mais tu te rends compte ?! », continua Christophe. « Nous allons devoir en racheter une neuve avec tes conneries ! Tu sais combien que ça coûte une porte comme ça ?! Sans parler de la baisse du prix de la maison si jamais nous voulons la vendre un jour... ! »

Au fur et à mesure des cris de son paternel qui lui vrillait l'oreille, Butch, qui avait la tête légèrement penchée, ne put s'empêcher de trouver la situation marrante et de ricaner, fier de sa bêtise.

Soudainement, la prise ferme sur ses cheveux se relâcha. Butch tangua alors qu'il reprenait son sens de l'équilibre, puis recula d'un pas à cause de la répulsion de son père. Narines fumantes et respiration erratique, ce dernier le fusillait du regard.

« Et ça te fait rire ?! », s'époumona-t-il.

Sa mère s'avança à son tour près de son fils, les mains jointes près de sa poitrine dans un geste de protection et d'inquiétude.

« Mais qu'est-ce qui te prend enfin... ? On ne te reconnaît plus, Brice... », s'apitoya-t-elle dans un regard larmoyant.

Le léger sourire de Butch disparu immédiatement de son visage à la mention de ce nom. Sourcils froncés au maximum, mâchoire serré et poings fermés, l'adolescent aux cheveux verts craqua.

« Bordel mais mon nom c'est Butch ! Butch ! », s'énerva-t-il en insistant et pointant le nom sur la porte. « Vous savez pas lire ce que je viens d'écrire sur cette putain de porte ou quoi ?! Vous êtes des illettrés, c'est pas possible !!  Ha non, j'oubliais ; c'est vrai que vous me confondait encore avec votre premier rejeton mort après 14 ans d’existence ! Pas étonnant qu'il n'ait pas voulu vivre longtemps dans cette baraque ; avec des parents comme vous, il avait tout de suite flairé le mauvais plan ! »

La claque monumentale qu'il s'était pris ce jour-là restait encore gravé dans sa mémoire, pensa-t-il en passant une main sur sa joue lorsqu'il sentit le fantôme d'un picotement sur sa peau.

« C'était pour faire comprendre à tes parents comment tu t'appelais, j'imagine ? », devina sa partenaire.

« Ouais. Ils ont pété un plomb quand ils ont cramé que c'était du feutre indélébile... », raconta-t-il alors que la blonde haleta doucement dans un soupire faussement choquer.

« Ça s’fait pas... », chuchota-t-elle, le sourire toujours aux lèvres, tandis qu'il haussait les épaules.

« Ils l'avaient cherché, en même temps... »

Cela fit ricaner Cassidy, qui porta instinctivement une main devant sa bouche. Butch saisit la poignée et ouvrit enfin la porte de sa chambre d'enfance.

Curieusement, sa chambre n'avait pas changé depuis ce fameux soir ; Son bureau se trouvait toujours contre le mur juste en face de la porte. La fenêtre coulissante était toujours fermée, son armoire se trouvait de l'autre côté de la fenêtre, dans le coin droit de la chambre, tandis que son étagère à romans et à bande-dessinées se trouvait dans le coin gauche. Son lit était toujours devant, de même que la table de chevet qui était positionné au pied du lit.

Une horloge murale d’où sortait un Roucool que tout le monde avait à l’époque était accroché au-dessus de son bureau, encore recouvert par des cahiers d’écoles.

« Oh ! Voyons voir si tu étais un bon élève au collège, Billy ~ », fredonna Cassidy en s’approchant et en feuilletant un des cahiers à la recherche d’un contrôle.

« Fais-toi plaisir, je n’ai rien à cacher. », répondit-il en croisant les bras. « Et je m’appelle Butch, pas Billy. »

« Alors ; 14, 16, 15, 18… », énuméra-t-elle. « Pas mal, hé ! Y’a pas une seule note en-dessous de 14. Par contre, je vois que t’écrivais jamais toutes les leçons. », remarqua-t-elle en arquant un sourcil interrogateur, ce à quoi Butch haussa les épaules.

« Je suis plus du type auditif que visuel. », dit-il en tournant la tête pour jeter un coup d’œil aux répliques de Pokéball en plastique qui étaient également bazardé dans un coin de son bureau ainsi qu’aux figurines poussiéreuses à l’effigie de certains champions d’arènes qui prenaient la pose sur la petite étagère collée contre le mur.

Pendant que Cassidy fredonnait et reposait doucement son cahier, elle se retourna et parcourra le reste de la chambre des yeux. Il avait quelques affiches de groupe de musique des années 80 épinglés ici et là, mais le poster qui attira le plus l’attention, ce fut le grand qui était accroché au mur juste au-dessus de son lit ; celui de l’équipe de base-ball des Élektek. 

« Mais naan… ! T’étais fan de base-ball quand t’étais petit ? Toi ? », pouffa Cassidy en marchant sur le tapis orange avec des flammes qui rappelaient l’attaque Déflagration.

Elle repéra rapidement une casquette blanche rayé avec un éclair au centre à leur effigie qui reposait toujours sur la table de chevet. Elle l’essaya sans demander la permission et se retourna pour faire face à son co-équipier dans un sourire taquin.

« Alors, j’ai l’air aussi ringard que les joueurs de l’équipe… ? »

« Tais-toi. », répliqua aussitôt Butch sans grande hostilité en lui retirant sa casquette et en l’enfilant à son tour sur son crâne. « Ils étaient super fort à l’époque ; les gens des autres villes de la région se déplaçaient en masse pour venir assister à leur match. »

« Et tu étais inscrit dans un club de base-ball ? », demanda-t-elle, curieuse. « Ou c’était simplement de l’admiration ? »

« J’étais inscrit dans un club. », répondit-il en se penchant sur sa table de chevet pour prendre sa balle et examiner délicatement les coutures. Un léger rire jaune sortit de sa bouche après un court moment, signe qu’il venait de repenser à quelque chose. « Tu penses bien que pour avoir la paix pendant deux heures, mes parents était d’accord pour payer mes cours et me coller dans un club de sport. »

« Évidemment. », dit la blonde alors que ses lèvres se contractaient et qu’elle haussait les épaules d’un air désinvolte.

« D’ailleurs, en parlant de base-ball, je suis presque sûr que le morveux au Pikachu que poursuivent toujours ses idiots de Jessie et James en faisait aussi quand il était petit. », fit remarquer Butch.

« Ah bon ? T’es sûr ? », s’étonna Cassidy alors qu’elle tournait à nouveau la tête vers son co-équipier aux cheveux verts, son intérêt piqué à vif.

« Oui. Sa manière de lancer ses Pokéball sont les mêmes que celui des novices qui ont pratiqué le base-ball. Son bras est parfaitement arqué et son geste, en plus d’être ferme, est aussi très vif. », expliqua-t-il en lui montrant le mouvement, balle toujours en main. 

« J’ai jamais fait gaffe… », réfléchit la blonde, son poing contre le menton et bras croisé.

« Ses tirs doivent être précis et il doit certainement toucher les Pokémon qu’il veut capturer du premier coup. », répondit Butch en reposant doucement sa balle de base-ball sur sa table de chevet.

« Possible, mais ça ne va pas beaucoup nous avancer d’avoir découvert ça. », dit-elle en prenant une des poupée Pokémon qui étaient encore éparpillées sur son lit.

« Je sais. », reconnu-t-il avant de glisser un regard sur la peluche Ectoplasma qu’elle avait entre les mains. « J’faisais juste la remarque. »

Il tourna ensuite la tête vers le sol en-dessous de sa fenêtre. C’est à ce moment-là qu’il remarqua quelque chose qui aurait dû lui sauter immédiatement aux yeux : Il n’y avait plus rien à l’endroit où était censé se trouver sa NES et sa petite télé cubique. 

Ses enfoirés de parents avaient dû vendre sa précieuse console pour se venger. Et si sa console avait été vendue, cela devait aussi être le cas pour ses jeux vidéo, pensa-t-il en enjambant les mètres qui le séparait de sa bibliothèque. Et sa déduction s’avérait exacte puisque plus aucune boîte de jeu ne se trouvait sur l’étagère. Adieu Mario Bros, Zelda, Donkey Kong, et tous les autres avec lesquels il avait passé de nombreuses heures. Lèvres pincées, une colère mélancolique bouillonnait en lui. Il voulait tellement que ses parents soient toujours en vie rien que pour leur crier dessus d’avoir faire ça.

Une présence dans son dos le sortit de ses pensées et il fit pivoter son tronc pour voir ce que Cassidy faisait. Cette dernière venait de s’approcher du coffre à jouets qui se trouvait entre sa bibliothèque et son armoire. Elle s’accroupit pour l’ouvrir et Butch fit de même en s’accoudant sur le bord et en jetant un œil à l’intérieur. 

Il y avait toute sortes de jouets qui provoquèrent une nouvelle vague de nostalgie chez Butch ; des robots de toutes les couleurs, des figurines d’hommes bodybuildés et articulés avec la moto qui allait avec, des petites voitures, une corde à sauter usée, un jeu de lancer d’anneaux aqueux rouge, un rubix cube inachevé, un ballon de foot dégonflé, un puzzle pousse-pousse, un ressort magique arc-en-ciel, une dictée magique, une balle rebondissante avec un Aquali à l’intérieur, plusieurs jeux de cartes démodés…

« Oh mon dieu, t’avais vraiment toutes ces merdes… », critiqua-t-elle dans un souffle amusé. Elle sortit quelques toupies à l’effigie de Pokémon et rigola. « Attends, c’est pas les jouets qu’on pouvait obtenir uniquement dans le menu enfant des fast-foods, ça ? »

Les remarques taquines de sa partenaire gênèrent Butch au point de le faire rougir jusqu’aux oreilles. L’air contrarié, il se gratta l’arrière de la tête et regarda ailleurs.

« Oui bon bah ça va ; j’te rappelle que j’avais 14 ans quand je me suis barré de chez moi. », se justifia-t-il avant de rajouter, sourcils froncés. « Et puis d’abord, j’te permets pas ; mes jouets étaient tous super cool, ok ? »

« Tiens d’ailleurs en parlant de ça, il faut vraiment que tu me racontes comment tu as fugué et où est-ce que tu es allé avant de finir dans la Team Rocket. », exigea-t-elle en ignorant sa dernière phrase sur un ton léger, avant de relâcher les jouets dans son bac, ce qui provoqua un bref fracas.

Butch bourdonna, une expression renfrognée sur le visage.

« Je suis vraiment obligé ? », finit-il par demander en faisant la moue.

« Mmh… oui. », répondit-elle en se penchant et en l’embrassant rapidement sur la joue. « S’il te plaît. »

Il observa ses yeux améthyste briller d’une lueur sérieuse, dans lesquelles se trouvait un soupçon d’encouragement qui lui disait qu’elle ne le jugerait pas. Après tout, elle savait déjà pratiquement toute l’histoire, il n’avait qu’à finir les détails. 

« Bon, d’accord… », céda Butch avant de se relever et de poser ses mains sur les hanches. « Mais on débarrasse en même temps sinon je ne te dis rien. »

Après l’approbation de sa partenaire et une fois qu’ils avaient chacun un carton en main, prêt à faire le vide dans ses affaires d’enfance, il commença son histoire :

Un soir, alors qu'il faisait semblant de dormir dans son lit, Butch finit par se réveiller. L'horloge sur sa table de chevet indiquait qu'il était déjà 1h30 du matin mais il n'en souciait pas plus que cela. C'était même parfait pour le plan qu'il avait longtemps mijoté d'un regard déterminé. Il y avait longuement et sérieusement réfléchit, à la maison comme à l'école, si bien que ses professeurs n'arrêtaient pas de le réprimander pour être aussi souvent dans la lune.

Et cette nuit, il passait enfin à l'action : il allait s'enfuir de chez lui.

Des parents qui n'avaient toujours pas fait le deuil de leur premier enfant après quinze ans, qui lui donnait un semblant d'attention, qui feignait une sorte d'amour malsain en essayant de recoller les morceaux de leur cœur brisé... il n'en voulait pas. Il ne pouvait plus supporter cette situation. Alors autant partir plutôt que de continuer à souffrir.

Butch avait déjà préparé un sac à dos avec quelques fringues ; des sous-vêtements, un pantalon de rechange, des shorts, et des tee-shirts propres. Il avait également emporté sa brosse à dents, son peigne, et son désodorisant après être passé à la douche il y a quelques heures. Il ne manquait plus que les provisions.

Sur la pointe des pieds, il sortit de sa chambre et entra dans la cuisine afin de voler un gros paquet avec pleins de gâteaux et quelques briques molles de Capu-Sun dans le frigo. S'il devait survivre, autant qu'il prenne des réserves qui étaient déjà à disposition.
Il rapporta le tout dans sa chambre pour le ranger dans son sac, puis fit demi-tour pour aller chercher plusieurs petits paquets de bonbons qu'il fourra dans les poches de son sweat à capuche.

En passant devant la jarre à jurons qui était remplit de billets, il ne réfléchit pas à deux fois avant de la prendre sous son bras. Après tout, la plupart de son argent de poche s'était retrouvé à l'intérieur ; il ne faisait que reprendre ce qui était à lui. Après un bref temps d'arrêt, il s'empara de la deuxième jarre, celle qui était prévue pour les vacances d'été et que ses parents avaient l'habitude de remplir. De cette façon, il pourrait se réapprovisionner en gâteaux et jus de fruits lorsqu’il en manquerait. Il pourrait aussi varier avec des sandwichs triangle, et s'il faisait attention à ses dépenses, il pourrait même s'offrir un menu dans son fast-food préféré.

Son regard accrocha le couteau-suisse de son père qui était accroché à son porte-clé.
Parce qu'il ne fallait jamais être trop prudent, il s'empara de l'arme blanche et vérifia si les différents ustensiles en métal étaient opérationnels.
Lorsqu'il vit la lame brillante du couteau au clair de lune, Butch repensa brièvement à ce moment de détresse où, seul dans sa chambre à étouffer ses sanglots sous ses couvertures, il avait pensé à se suicider ; pour en finir avec sa vie merdique et pour que ses parents aient sa mort sur leur conscience. Mais cela aurait été peut-être trop simple pour eux. Tout le voisinage les aurait plaints et ses parents auraient eu une position de victime – alors qu'ils auraient été clairement coupable. Donc il avait décidé qu’ils les feraient souffrir pendant un moment, et la fugue semblait être une bonne alternative.

Butch rangea le couteau-suisse dans la poche de son jean et regagna sa chambre en fermant doucement sa porte. Les billets qui se trouvaient dans les pots en verre trouvèrent eux aussi leur place dans l'autre poche de son pantalon.

Le garçon aux cheveux verts fut tenté de rapporter les jarres vides dans la cuisine mais il secoua la tête pour chasser cette idée. C'était beaucoup trop risqué de faire autant d'aller-retour. Il les cacha donc sous son lit, au milieu des boulettes de poussières et des jouets qu'il avait bazardés un jour quand ces parents lui avaient ordonnés de ranger sa chambre.

Pour finir, il s'installa à son bureau et se pencha sur la feuille à carreau qui se trouvait devant lui, un stylo en main. Le clair de lune fournissait assez d'éclairage pour qu'il puisse inscrire les derniers mots qu'il voulait dire à ses parents sans qu'il n'ait à allumer sa lampe. Ainsi, lorsqu'il abandonna son pupitre en jetant y un dernier coup d’œil, la phrase « Je pars. Si vous tenez tant que ça a avoir un enfant, vous n'avez qu'à faire un autre gosse pour me remplacer. Je pense que ça devrait pas être trop difficile. » pouvait être lue dans une écriture difforme.

Une fois toutes ses affaires et son nécessaire de voyage stockés confortablement dans son sac à dos, il rabattu sa capuche sur sa tête, bien décidé à partir. Il souleva doucement la fenêtre sans un bruit et enjamba le rebord. Heureusement, sa maison était un plain-pied ; il n'avait pas à glisser le long de la gouttière comme les pompiers pour descendre. Avec un petit saut, il atterrit sur le côté de la maison dans un léger bruissement de feuilles, le cœur battant jusque dans ses tempes. Il inspira pour calmer ses nerfs et regarda une dernière fois sa chambre, regrettant de devoir laisser tous ses jouets et sa NES derrière lui ; il savait très bien qu'il devait voyager léger et ne pouvait pas se permettre d'être ralenti inutilement. Son walkman avec deux mini cassettes de musique et son roman préféré étaient déjà bien suffisants.

Il rebaissa à nouveau la fenêtre, se retourna et s'enfuit à toute jambe en faisant le moins de bruit possible, sans un regard en arrière.

Une fois qu'il fut sorti furtivement de son quartier en prenant soin de rester en dehors des lampadaires de lumières, il se dirigea vers le sud, où habitait son ami Damian. Sa maison se situait à une bonne demi-heure de marche mais Butch ne s'en souciait pas tant que ça. Après tout, plus il était loin et plus ses parents prendraient du temps pour le retrouver. S'il voulait même le retrouver, pensa-t-il amèrement dans une grimace. Le chemin jusqu'à la maison de son ami se déroula sans encombre ; il fallait dire qu'en pleine nuit, il ne croisa pas beaucoup de monde, si ce n'est que quelques voitures et un groupe de personnes qu'il évita en se cachant dans un cul-de-sac entre deux immeubles.

Une fois arrivé chez son ami, il sonna et attendit devant la porte. Après deux bonnes minutes de silence, ce sont les parents de Damian qui lui ouvrirent. Leur air méfiant se mua instantanément en surprise lorsqu'ils virent le camarade de leur fils sur leur palier.

« Butch ? », lâcha le père.

« Qu'est-ce que tu fais ici en pleine nuit ? », s'étonna la mère de famille.

« Je... Je m'suis disputé avec mes parents... », avoua l'enfant aux cheveux verts en baissant coupablement les yeux. « Je voulais être seul pour réfléchir et reprendre mes esprits avant de retourner chez moi, alors j'ai pensé à Damian... »

« Oh... Je comprends ; à ton âge, ce n'est pas toujours facile la relation avec ses parents. », dit-elle dans un petit sourire contrit

« Alors est-ce que... je peux rester chez vous ? Juste le temps d'une nuit ! Promis ! », implora-t-il en joignant ses mains en guise de prière.

« Bien sûr, tu peux rester ici cette nuit, mon garçon. Viens, entre... », permit le père de Damian en ouvrant un peu plus la porte et en se décalant pour le laisser passer.

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Commentaires (1)

1. Kenji Stan 03/09/2020

Le pauvre même ses parents retenaient pas son prénom tu m’étonne qu’il en garde un trauma.

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Date de dernière mise à jour : 18/01/2022

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