Chapitre 9 - Happy End
C’était un dimanche matin, on avait appelé le trio pour un dernier rendez-vous au bureau de la DRH afin de les faire signer les derniers papiers et factures qui leur restaient.
Ils firent une dernière fois le tour des lieux et prirent le temps de faire leurs adieux à ceux qui les avaient connus. L’heure était enfin venue, cela allait être la dernière fois que le trio poserait ses pieds sur ce bâtiment qu’ils avaient tant chéri. Ils avaient à peine franchi les grands escaliers de l’entrée principale qu’une vague de mélancolie s’était installée. Ils marchèrent tout droit, les mains pleines d’affaires mais toutes tremblantes, la tête baissée, vers le taxi qui les attendait.
Le coffre de la voiture était ouvert, et James, avec l’aide de Miaouss, tentait tant bien que mal de caser les derniers cartons qui leur restaient. Les affaires étaient un peu éparpillées dans tous les sens, surtout celles de Jessie qui occupaient presque toute la place. Alors que ces deux amis se démenaient pour ranger, celle-ci était assise sur une pierre, le visage offert au soleil, telle une fleur affamée.
– Jessica, vous nous quittez déjà ? J’imagine qu’une nouvelle mission vous attend avec votre équipe.
Cette dernière sursauta, enlevant directement les lunettes de soleil qu’elle portait.
– Oui, encore des affaires, enfin vous savez ce que c’est !
Jessie le regardait attentivement, elle le regardait dans les yeux. Celle-ci contemplait ainsi celui qui l’avait créée, avec qui elle partageait le sang. Au départ, c’était dur pour cette dernière de le fixer droit dans les yeux. Maintenant qu’elle savait qu’il était son père, elle ne pouvait plus nier son existence. Cependant, serait-il toujours nécessaire de lui dire la vérité ? Comment lui informer que sa fille biologique se trouvait juste devant lui.
Jessie contemplait attentivement ses sourcils qu’elle avait toujours trouvé trop dominants. Elle avait remarqué qu’ils avaient exactement le même nez grec, tous les deux, semblable comme deux gouttes d’eau. La jeune femme avait également hérité de sa bouche toute fine. Ce n’était pas l’un des agents d’élite que l’on croisait assez souvent dans les couloirs, il portait un masque. Derrière ce visage sérieux et intellectuel à la fois se dissimulait un homme tendre et généreux avec son prochain, un ami fidèle qui était prêt à sacrifier sa carrière pour retrouver celle qu’il avait toujours aimée. Finalement, son passé n’avait été que douleur et tragédie. La perte de Miyamoto avait été un des événements les plus bouleversants de sa vie, le rendant encore plus dépressif, le refermant petit à petit dans une bulle interminable de souvenirs.
– Oui, je vois. Ne perdez jamais espoir en tout cas, lui sourit-il gentiment avant de partir derrière elle.
– Jason…
– Oui ? demanda-t-il en se retournant.
La jeune femme accourut rapidement vers lui et l’enlaça fortement. Il ne fallait pas une grande déduction pour conclure que c’était bien lui, qui lui faisait face, enfin, en chair et en os. Elle ne voulait pas le lâcher, c’était son père, son unique père, le père qu’elle n’avait jamais vraiment connu et qui pourtant était toujours là pour elle dans les moments de sa vie où elle en avait le plus besoin. Comment l’oublier, comment oublier la seule famille qui lui restait ? C’était impossible ! Elle voulait lui dire, s’exprimer, lui crier, mais elle n’arrivait pas à parler. Pourtant, au fond d’elle, inconsciemment, elle avait le sentiment qu’il le savait.
Celle-ci était tellement prise par les émotions qu’elle ne voulait plus jamais se détacher de cet homme qui lui avait donné la vie. Elle se contentait seulement de retenir ses larmes face à lui, elle retenait sa respiration, son cœur se serrait en sachant que c’était la dernière fois qu’elle le voyait. Cette dernière voulait rester forte et ne voulait pas divulguer cette image impuissante et faible d’elle-même. Malgré tout, les mots finirent par sortir tout seuls de sa bouche.
– Merci beaucoup. Merci d’être toujours là pour moi... lui dit-elle, en souriant.
– Oh, que se passe-t-il ? Vous devenez sentimentale, maintenant ?
Elle se détacha de lui et l’observa, cette fois-ci, dans les yeux.
– Non. Enfin, j’ai fait une rencontre. Une rencontre très particulière, ou… devrais-je dire plusieurs rencontres.
Elle regarda en direction de ses deux équipiers avant de revenir à Jason.
– J’ai plusieurs projets à venir aussi, je crois que je vais prendre mon envol. Je sais ce que je veux faire de ma vie à présent, lui avoua-t-elle, déterminée.
– Je vous le souhaite, Jessica, et quoi qu’il arrive, je serai toujours à vos côtés pour vous soutenir dans vox choix.
Il eut un hochement de tête lent et peu saccadé. Après quelques secondes seulement, l’homme les accompagna et prit soin d’ouvrir la porte de la voiture pour les faire rentrer.
Une fois à l’intérieur, Jessie ouvrit la fenêtre ou son ami avait une dernière chose à dire.
– Bon, n’oubliez pas que si vous avez besoin de quelque chose, vous m’appelez, et vous deux, ne faites pas de bêtises ! Je vous ai à l’œil, conclut-il en s’adressant à Jessie et James.
Les deux jeunes gens échangèrent un regard complice, et une lueur d’amusement brilla dans leurs yeux. Jason sourit et comprit qu’il ne pouvait pas toujours être derrière eux, ils étaient comme ils étaient après tout. Ce dernier leur fit signe et repartit aussi vite qu’il était venu.
Le chauffeur alluma le moteur. L’instant d’après, la voiture s’éloigna de l’entrée principale pour faire le tour de la grande allée. Encore dix mètres, six mètres, s’éloignant pas à pas de l’organisation, laissant un effet de nostalgie pour nos trois amis.
En revanche, l’envie de pleurer ne se fit pas entendre, non, mais ils restèrent particulièrement silencieux pendant tout le trajet.
Enfin ! Le cauchemar était enfin terminé ! Adieu la Team Rocket, adieu Pikachu, adieu les morveux… Maintenant, ils pouvaient se construire une toute nouvelle vie, à trois, et sans commettre de crimes ou de vols : ils étaient libres.
Une heure plus tard, dans la voiture, Jessie observait James du coin de l’œil. Il avait changé, vieilli en quelque sorte. Celle-ci se disait qu’ils avaient évolué, et en démissionnant, ils étaient devenus beaucoup plus responsables qu’ils n’y paraissaient.
Le voyage dans le temps leur avait ouvert les yeux, et même si Jessie était rentrée dans l’organisation pour plusieurs raisons, celle-ci avait tout de même compris que sa mère aurait voulu qu’elle aille plus loin.
Le soir venu, le trio arriva dans un hôtel à Kanto. Heureusement, ils avaient encore un peu d’argent pour pouvoir se loger pendant un bout de temps.
Ce fut lors d’une promenade que, en fouillant dans son sac, Jessie découvrit une enveloppe.
– Tiens, mais qu’est-ce que ça fait là ?
– Il y a écrit « Pour ma fille chérie, Jessie », fit Miaouss.
– C’était sûrement dans les affaires que tu as récupérées à la Team Rocket.
– On peut la lire s’il te plaît ?
– Bon je l’ouvre.
Pour ma fille chérie, JESSIE
Avant mon départ, je tenais à t’écrire cette lettre si je ne revenais pas…
Je voudrais que tu l’ouvres le jour de tes vingt-cinq années.
Jessie, ma tendre petite fleur, j’aimerais tant voir ton joli et adorable sourire encore une fois, mais à l’heure qu’il est tu dois avoir bien grandi.
Je suppose que tu es maintenant une femme épanouie qui essaye à tout prix de profiter de la vie. Je me souviens quand tu as commencé à marcher, c’était déjà un exploit que tu avais commencé à parler... Et là, j’ai su que tu étais la digne fille de ta mère.
Parce que pour moi tu es tout mon rêve. Je sais à quel point tu pleureras quand je serai partie, mais je ne veux absolument pas que tu sois triste.
Je veux que tu restes forte et fière, ne t’en fais pas une misère.
N’oublie jamais tout ce que je t’ai appris en poème.
‘Le jour de ton mariage est un nouveau commencement vers une vie avec une autre personne qui t’aimera pour toujours.’
Mon bébé, je te l’ai toujours dit, tu feras une rencontre qui changera ta vie.
Tu ne feras plus rien seule, tu auras un partenaire à tes côtés...
Je te souhaite un très grand bonheur auprès de l’élu de ton cœur.
Pour le meilleur et pour le pire même si je ne serai plus ici.
Et si je n’étais pas partie en mission, rien de tout cela ne serait arrivé.
Mais tu as été le soleil de mes jours sombres et je veux le meilleur pour toi, dans la vie que Dieu puisse te donner.
J’espère que tu auras des enfants à aimer et à chérir comme je t’ai eue toi,
Et tu seras pour toujours en moi.
Je t’aime Jessie, mon amour pour toi reste unique.
Quoi qu’il advienne, malgré le temps, les secondes, les minutes qui nous séparent, je serai toujours auprès de toi.
N’oublie pas, je suis très fière de toi.
Je t’aime, ta maman.
– Qu’est-ce qu’elle écrivait bien… Elle était tellement romantique… ajouta Jessie, mélancolique.
– Oh regardez, il y a autre chose d’écrit… On dirait bien que c’est pour Jajames !
– Mais qu’est-ce que tu racontes, Miaouss ? s’exclama James, étonné.
Ils soulevèrent l’enveloppe et regardèrent l’inscription en bas de la feuille.
– Boh regarde, il y a aussi écrit « À ton équipier », c’est forcément toi !
– Mais Miaouss, nous sommes deux et cette lettre est aussi faite pour toi.
– Tu vois d’autres équipiers que nous deux dans ce groupe ? Je suis un pokémon !
– Haha, ah oui c’est vrai…
– Attendez, moi aussi je veux lire !
À ton équipier,
Je ne pourrais pas t’intimider ou te poser des millions de questions par rapport à ma fille.
Je sais qu’elle et toi aurez un lien très fort, parce que votre amour est réciproque.
Traite-la comme une princesse et comme une reine (c’est ce qu’elle souhaite !)
Je sais qu’elle est embêtante, orgueilleuse, et vaniteuse...
Mais elle est aussi d’une grande sensibilité émotionnelle au fond d’elle et le cache assez souvent. Réalise son rêve le plus cher : le mariage, l’amour d’un homme…
Bien sûr, l’engagement est quelque chose de sacré, je ne t’y oblige pas.
Mais je sais que tu meurs d’envie de l’embrasser tellement elle est jolie !
Et je ne peux m’imaginer qu’elle portera un jour votre enfant. ♥
Bon, je crois que je t’ai assez taquiné...
Mais je ne te demande qu’une faveur : rester toujours auprès d’elle.
J’ai été ravie de faire ta connaissance à travers cette lettre.
En espérant que notre rencontre se fera autrement.
— Myamoto, ancienne Agente d’élite de la Team Rocket. —
À la fin de cette lecture, Jessie et James étaient troublés, et se regardaient, rouge vif, ne comprenant pas l’avantage d’avoir écrit cette fin si déstabilisante. Tandis que Miaouss éclatait de rire face à leur réaction. Il était évident que Miyamoto visait spécialement James, bien que ce dernier ait encore du mal à y croire. Elle ne le connaissait pas et pourtant, elle avait pensé à lui. C’était incroyable, c’est comme si elle savait toute la vie de sa fille sans aucune exception.
– Je... je crois que ta… ta mère avait un très bon sens de l’humour, lâcha-t-il, encore rouge.
– Ma... ma mère a toujours été comme ça avec moi, mais l’avantage c’est qu’elle ne se trompait jamais, rit-elle, toute gênée.
– Quand elle m’avait parlé dans le passé, elle m’avait dit que je pouvais être son gendre.
– Quoi ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ? Elle a vraiment dit ça ? Roh ce n’est pas vrai !
– Dites les amis, si un jour vous faites un bébé, j’pourrais être le tonton ?
– MIAOUSS !
– Bah quoi ! A priori je ne suis pô l’seul à vous shipper ! dit Miaouss d’une vive voix, avec un large sourire face à ses amis qui se retrouvaient dans l’embarras.
Deux mois se sont écoulés après cette fichu histoire. Un jour, alors qu’ils sa baladèrent en ville, Miaouss qui était sur la tête de James, revint à la conversation qu’ils avaient eu lorsqu’ils avaient découvert les lettres ce qui n’enchanta pas pour autant ses deux amis.
– Si c’était une fille, elle s’appellerait Jimette et elle ressemblerait trop à James !
– Tu as une imagination débordante, Miaouss… Fit le jeune homme.
– Si c’était un garçon, il s’appellerait Jesse, et il ressemblerait vraiment à Jessie !
– Miaouss, épargne-nous tes commentaires déstabilisants, et de toute manière je n’appellerai jamais mes gosses avec des prénoms aussi ridicules et absurdes !
– Pourquoi, tu as des idées de prénoms, Jessie ?
Ce fut un long moment de silence avant qu’elle ne réponde. La jeune femme s’arrêta un moment, baissa la tête puis la releva et regarda le ciel. Elle sourit et répondit avec un air doux.
– Jeanne, avoua-t-elle, les joues rosées.
– Jeanne ? s’étonna James, bouche bée.
– C’était le véritable prénom de ma mère, Miyamoto n’était qu’un nom de code. Jeanne Austin, lui sourit-elle, tout en fixant les nuages.
– Oh je vois, c’est un très joli prénom pour une petite fille, lui dit-il, en la cajolant.
– James, et toi, qu’aimerais-tu avoir ?
– Oh, eh bien moi peu m’importe, du moment que c’est mon morveux.
– Tu veux dire, notre morveux, James…
Spontanément, la jeune femme fit un pas vers ce dernier, lui prit la main et la pressa doucement contre la sienne tout en lui adressant un large sourire. James se tourna vers elle, il resta un moment fixé sur leurs mains. Puis, il releva la tête, et haussa un sourcil, confus par ce qu’elle avait voulu dire.
– Que veux-tu dire par là ?
– Cherche par toi-même, soupira-t-elle.
Ils se regardèrent, tout aussi surpris l’un que l’autre, et détournèrent le regard.
James posa un index sur ses lèvres ; toujours aux aguets, cherchant une signification aux paroles qu’avait voulu évoquer la jeune femme. Depuis la tête de son collègue, le petit chat fit semblant de s’assoupir en gardant toujours un œil ouvert, visionnant au détail près la scène. En réalité, lui, avait déjà bien capté ce qu’elle avait voulu dire par ses mots, mais il avait décidé de se taire volontairement pour éviter de tout gâcher.
De son côté, James ne quittait pas des yeux son équipière qui n’arrêtait pas d’exprimer sa joie de vivre à plein cœur. Il y avait quelque chose qui avait bel et bien changé en elle depuis ce fichu voyage dans le temps, mais quoi ? Le jeune homme prit soin de l’observer physiquement de fond en comble sans savoir ce qui avait pu la rendre ainsi. Il était vrai que ces derniers temps, elle avait commencé à réclamer beaucoup de fraises et de fruits, elle était constamment épuisée, et ses sautes d’humeur devenaient de plus en plus ardentes. Sans compter sa prise de poids qui se faisait davantage remarquer durant ces deux dernières semaines, ainsi que son envie irrépressible de se réfugier aux toilettes après chaque repas. C’est après quelques secondes de réflexion qu’il comprit ce qu’il se passait. Son cœur s’emballa et son teint devint rouge pivoine. C’est alors qu’il s’arrêta brusquement sur le chemin, la bouche grande ouverte, encore plus surpris et troublé que d’ordinaire. Sa meilleure amie en fit de même et le regarda un instant, toute réjouie.
– Je… Jessie ?! fit-il, abasourdi.
Celle-ci lui sourit avant de caresser fièrement son bas ventre.
– Alors, tu as fini par trouver…
Date de dernière mise à jour : 02/07/2020