Chapitre 7
Les révélations de Miyamoto à Jessie
Le temps s’était assoupi, tout était calme et paisible dans la forêt. On pouvait entendre le doux son de la nature ainsi que certaines crises aiguës des pokémon y vivant depuis très longtemps. Ils pouvaient à nouveau sortir de leur cachette, ils étaient à présent à l’abri du danger malgré le fait qu’ils aient risqué la catastrophe quelques heures plus tôt avec la tempête. Finalement, ils reprirent tous le chemin les menant au point de ravitaillement qui se trouvait au sommet de la colline. La route semblait longue et dure pour certains, la neige était lourde et épaisse. À chaque fois qu’on y posait un pied de trop, on manquait de glisser. Puis les gémissements de Jessie n’arrangeaient pas vraiment les choses, d’autant plus que la fatigue était au rendez-vous. Néanmoins, pendant le trajet, James remarqua que les premières verdures et rayons de soleil firent leurs apparitions de chaque côté des collines. On pouvait distinguer sur les hautes pentes, des milliers et des milliers d’hellébores et de violats qui venaient à peine d’éclore juste devant eux. Ce qui n’empêcha pas Miyamoto de prendre des photos et de contempler le paysage à la vue de cette belle végétation. Après quelques heures de marches, celle-ci s’arrêta toute réjouie puis se tourna vers le trio, qui semblait pour le moins exténué de la promenade qu’elle leur avait fait endurer.
– Venez, il faut que je vous montre quelque chose, leur dit-elle, toute souriante.
– Encore ? Mais nous ne pouvons donc pas faire de pauses ?! J’ai mal aux jambes ! Je crois que je me suis fait une crampe ! se plaignit Jessie, les sourcils froncés.
– Croyez-moi, vous n’allez pas être déçus !
L’agente d’élite leur fit signe de venir. Tous sans exception la suivirent. Ils étaient à présent au sommet de cette montagne et contemplaient la merveilleuse vue qui s’offrait à eux.
Des cristaux de glace reflétaient les rayons du soleil. C’était un conte de fées. Les rivières du lagon coulaient légèrement tout au long du fleuve, des Articuno volaient gracieusement dans le ciel. Des cris s’entendirent également, les pokémons sortaient enfin de leurs cachettes pour refaire vivre la forêt. Ils étaient des milliards et tous différents. C’était incroyable mais à la fois inimaginable. Le trio restait la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, ils n’avaient jamais rien vu de tel. C’était la première fois, et ils voulaient absolument immortaliser ce moment en se donnant la main.
– Oh, c’est magnifique… s’exclama James.
– Miraculeux, tu veux dire ! ajouta Jessie, bouche bée.
– Je ne verrai plus une beauté pareille... avoua Miaouss.
Jessie laissa errer son regard quelque temps dans le vide. Mais à la lueur de la clarté orangée du ciel éclaira alors son visage, laissant complètement les ombres de côté. Un large sourire fendit celui-ci. La lueur qui pétillait dans ses yeux la rajeunit soudainement. Miyamoto ne cessait d’observer physiquement la jeune femme.
– Vous savez, j’ai l’impression de vous connaître depuis toujours, comme si… nous avions déjà vécu plein de choses toutes les deux. Vous me rappelez étrangement ma fille…
À ces mots, Jessie se tourna vers la jeune femme, stupéfaite de cette si soudaine déclaration. Elles restèrent un moment debout l’une devant l’autre, frémissant à peine du froid, en se regardant droit dans les yeux comme si elles ne savaient plus quoi se dire. Comment ne pouvait-elle pas la reconnaître après tout ce temps passé ? Même si cela pouvait paraître étrange, la ressemblance était tout de même présente entre les deux agents, c’était même plus qu’évident. Elle sentait qu’elle allait craquer, mais ne voulait pas, ce n’était pas correct. Alors elle ferma doucement ses mains et les serra comme elle avait tant l’habitude de le faire.
Miyamoto, qui ne savait probablement pas que c’était sa fille, se tenait debout à ses côtés.
– Vous êtes vraiment une très belle femme. Vos parents vous ont réussi !
– Merci. Vous savez, je n’ai jamais eu de parents, murmura-t-elle, sèche.
James regarda son équipière, visiblement inquiet à son sujet. Il savait à quel point c’était vraiment dur pour elle d’en parler. Il voulait intervenir, faire quelque chose pour l’épauler, mais au dernier moment Miaouss lui attrapa les jambes, lui faisant comprendre de ne pas interagir dans cette conversation quelque peu personnelle.
Elle parla d’une voix basse et froide.
– Je n’ai jamais rencontré mon père et ma mère… est morte alors que je n’étais qu’une enfant.
– Oh… Je suis terriblement désolée… Je ne savais pas, fit-elle, toute confuse.
– Ce n’est rien, j’ai l’habitude maintenant, vous savez. Puis on oublie vite en grandissant.
Miyamoto s’approcha de la jeune femme en la regardant droit dans les yeux.
– Que diriez-vous à votre mère si elle était présente, avec vous ?
Le vent s’était quelque peu rafraichi. La jeune femme était tellement transie qu’elle avait l’impression de se transformer en glaçon.
– Ehh bien, je lui dirais à quel point elle me manque, jour après jour. Je pense à elle toutes les nuits. Cette... cette séparation était bien trop dure pour moi, je n’avais que six ans… six ans seulement… (Elle serra les poings.) Aujourd’hui j’en ai vingt-cinq. Cela fait maintenant dix-neuf ans que ma mère a disparu, dans ces montagnes enneigées et par ce temps si froid. Elle marqua un temps puis reprit.
– Elle a dû avoir très froid… bien trop froid… murmura-t-elle, toute tremblante.
Un petit vent glacial vint souffler à nouveau, à travers le visage des deux jeunes femmes. C’est à ce moment-là que la jeune femme baissa doucement la tête, se mordillant assurément les lèvres. Elle serrait les poings. Sa mère était présente, ici même, auprès d’elle. Celle-ci l’avait retrouvée après tant d’années mais ces retrouvailles étaient à la fois joyeuses, mais aussi très douloureuses. Jessie le savait, ses amis aussi.
– Je savais que tu voulais décrocher une belle promotion pour nous deux, mais tu n’as pas réfléchi à tes actes et tu as fait comme bon te semblait….
– Jessie…
La jeune femme desserra ses poings, les yeux humides mais congelés par le froid.
– Maman, tu sais, après cette fichue histoire, j’ai longtemps attendu ton retour. J’es… J’espérais que tu reviennes à la maison un jour… alors, quand l’ancienne boss de la Team Rocket m’a affirmé que c’était bien fini, j’ai seulement gardé la tête haute, m’excusant naïvement. Ce « désolée » n’était qu’une facette, je voulais rester forte, être grande comme tu me le disais, mais à ces mots tout s’était effondré dans ma tête. Le soir venu, tu ne peux pas savoir à quel point j’ai fondu en larmes dans ma chambre, me défoulant sur mes jouets. Je pleurais, pleurais encore plus sur mon oreiller déjà trempé jusqu’à ne plus en finir ! Mes yeux étaient rouges, à vif, j’ai tellement souffert cette nuit ! Alors, je me suis endormie, pensant que tout ceci n’était qu’un affreux cauchemar, que j’allais me réveiller auprès de toi le lendemain et allais manger tes fameux déjeuneiges, seulement tu… TU n’es jamais revenue !
L’agente d’élite l’observa, neutre, sans dire un mot. James et Miaouss se trouvaient derrière eux, encore surpris de la scène que leur amie leur montrait. Jessie se tourna à nouveau vers Miyamoto, en s’adressant cette fois-ci, directement à elle.
– Bon sang maman, pourquoi es-tu partie si vite ? Je ne voulais pas, je voulais que tu restes avec moi ! Combien de fois ai-je espéré ton retour, j’ai été envoyé dans des familles d’accueil, j’ai vu des psys, j’ai vécu dans la rue par moment, j’ai fréquenté des mauvaises personnes, et par-dessus le marché j’ai suivi tes traces. Me voilà désormais agent de la Team Rocket, seulement, tu n’es jamais revenue.
Elle ferma doucement les yeux, contenant des larmes qui coulaient sur ses joues rouges, gelées par le froid.
– Maman, je suis une femme ! Regarde-moi tout entier ! Regarde ma beauté, regarde ce que tu m’as donné, regarde ce que tu as créé, regarde ta fille !
Sans le comprendre, Miyamoto se sentait visiblement visée par cette histoire. Cela l’avait touchée énormément, elle soupira et garda son sang-froid malgré tout.
– Vous savez, j’ai moi-même eu longtemps les mêmes pensées que vous... Vous savez, cela ne fait que quelques heures que je me suis séparée de ma fille, elle me manque jour après jour alors je sais ce que vous pouvez ressentir car j’ai la même compassion.
L’agente délite commença à appuyer son histoire à grand renfort de gestes plutôt attristés.
– Je n’avais que dix-sept ans lorsque je suis tombée enceinte. J’étais tombée amoureuse de mon équipier, c’était mon meilleur ami et... lui aussi m’aimait. Nous entreprenions une relation amoureuse secrète pour nos proches. C’était très dur de jongler entre la vie privée et le travail. Cet homme était doté d’une incroyable gentillesse et…. qu’est-ce qu’il était beau… (Elle émit un soupir prononcé.) Il ressemblait à votre équipier d’ailleurs. Vous en avez de la chance… J’aimerais avoir un homme comme lui. Avec son visage atrocement mignon, sa bouche fine, ses yeux émeraude et ses bras protecteurs… Awww.
Miyamoto lança un clin d’œil séducteur à James qui semblait tout affolé et recula, apeuré, sous les yeux de son équipière. Celle-ci le regarda avec méfiance, fronçant alors ses sourcils, dans le but de stresser son ami qui ne voulait pas que tout cela se termine en dispute. De son côté, Miaouss riait aux éclats. Le petit chat ne pouvait pas se douter de la tornade et du malentendu qu’il y avait derrière l’histoire.
– On peut savoir ce que tu faisais avec ma mère pendant que j’étais absente ? lui chuchota-t-elle, énervée.
– Eh ! Je… Je te jure que je n’y suis po… pour rien ! bafouilla-t-il, tout rouge. C’est elle qui…
Elle le coupa nette.
– Ça, on en reparlera !
La jeune femme toussa en direction de l’agente d’élite qui reprit son sérieux.
– Pour revenir à nos moutons, lorsque j’ai appris que j’allais attendre un enfant, je suis tombée des nues. Je n’y croyais pas, j’avais peur, c’était impossible et je ne voulais pas. J’avais prévu de me faire avorter dans les temps, malheureusement l’avortement coûte horriblement cher. Alors, j’ai gardé tout cela pour moi.
– Et votre équipier, enfin… Le père de votre enfant, qui était-ce ? demanda James, inquiet.
La jeune femme émit un léger rougissement et répondit.
– Oh eh bien je ne sais pas si vous connaissez Jason…
– JASON ? LE JASON ?! fit le trio, d’une seule voix.
Aux premières lettres de son prénom, le trio avait immédiatement identifié la personne en question. Non, c’était clairement impossible, cela ne pouvait pas être lui ! Tous écarquillèrent les yeux, poussant un petit cri d’affolement, notamment Jessie qui était sous le choc après cette soudaine annonce. Rendez-vous compte ! Depuis tant d’années, elle le connaissait, et depuis tout ce temps elle ne s’était en aucun cas rendu compte que c’était bel et bien son père, lui, cet homme au regard fatigué mais dont la beauté et la noblesse rayonnaient à chaque fois qu’elle le croisait à travers ces longs couloirs. Maintenant qu’elle se remémorait chaque souvenir, malgré ces nombreuses années d’absence, il avait toujours été là pour sa fille malgré lui. Jessie savait qu’il s’était à chaque instant comporté comme un père avec elle, même les fois où ces rencontres étaient rapides. Elle se souvenait aussi de ses nombreux sourires qu’il lui faisait de loin, des conseils qu’il lui apportait lors de sa formation à la Team Rocket et de ses réconforts lors des plus durs moments de sa vie quand cela n’allait pas, en bref, tout ceci n’était pas qu’une simple coïncidence et elle le savait, ils avaient bien un air de famille. Cela pouvait paraître fou pour tout le monde mais c’était bien la vérité, Jason était bien le père de Jessie. Lui et Miyamoto, équipiers à l’origine, amoureux au final. L’amante de son père, la moitié de sa mère. La rencontre de deux corps enlacés et Jessie, le fruit de cette union amoureuse. Cette relation semblait impossible à l’encontre de leurs caractères bien trop opposés. Mais malgré cela, les choses furent ainsi. Tout de même, ils auraient pu mener une vie normale tous les trois, se disait-elle, une vie normale et pleine de bonheur. Seulement, la grande question était… pourquoi ? Pourquoi son père ne les avait pas suivies ? Les avaient-ils laissées à l’abandon ? Une personne si gentille comme lui ne pourrait jamais faire ça ! Il aurait pu rester avec eux et les aider financièrement ? Pourtant, cette interrogation restera encore taboue. La jeune femme grimaça, ne savant si elle devait être en colère ou bien joyeuse quant à la découverte de l’homme qui l’avait procréée mais qui avait aussi fui ses responsabilités, les laissant toutes les deux dans la misère du jour au lendemain.
Après ces réflexions, Jessie releva la tête, toute soucieuse.
– Eh, était-il au courant ?
À cette demande, l’agente d’élite baissa honteusement sa tête et se mordilla promptement la lèvre inférieure. Avait-elle quelque chose à cacher par rapport à lui ? Elle avait l’air d’éprouver de la culpabilité, selon la jeune rouquine. Alors celle-ci secoua la tête, et fit alors comprendre qu’elle ne voulait pas répondre à cette question si importune. Mais, Jessie refit une nouvelle tentative, la suppliant du regard encore mais rien n’y fit. Elle s’avérait plutôt gênée auprès du trio bien trop curieux pour savoir cette vérité mais Jessie insista une nouvelle fois et cette dernière, ne savant plus quoi dire, finit par avouer ses vérités.
– Je ne lui ai pas dit qu’il allait être papa afin de ne pas lui attirer d’ennuis. J’ai dû demander à mes supérieurs de changer d’équipier, inventant encore de nouvelles sornettes afin que ma demande soit acceptée. Je voulais à tout prix l’oublier et qu’il oublie mon existence. Le plus dur a été de mettre un terme à notre relation et à nos futurs projets. Je me souviendrai toujours de ce visage affolé, triste, il ne voulait pas me lâcher… Aujourd’hui encore, nous nous regardons toujours du coin de l’œil et il s’attend toujours à ce que je revienne…
La jeune femme stupéfaite de sa réponse, lui cracha à la figure.
– Mais la moindre des choses était de faire votre vie avec l’homme que vous aimiez ! Enfin, vous vous rendez compte ?! Vous avez privé votre fille d’un père, et d’une vie loin de la misère…
Elle retomba dans son silence ; on aurait dit que parler lui demandait un réel effort. Pendant quelques minutes, on n’entendit plus que le bruit de la brise légère du vent.
– J’étais si jeune, et toute ma famille m’avait reniée, prétendant que je n’étais qu’une honte pour eux. Quant à lui, comme je vous ai dit, je ne voulais pas lui infliger cela. Il y a quelques jours, il a appris l’existence de notre fille. Cela a été la grosse révélation…
Jessie l’observa toute muette et surprise.
– Je faisais déjà partie de la Team Rocket bien avant, je n’avais que ce job. Alors, quand j’ai su pour ma fille, j’ai voulu démissionner afin de construire un nouvel avenir pour mon enfant. J’avais beau chercher, je n’ai rien trouvé. Mais ma supérieure m’a prise sous son aile, elle me disait que je faisais partie de ces merveilleux agents qu’elle avait. Elle m’a alors proposé de garder mon poste en échange de quelque chose qui m’était cher. C’est elle qui a payé les frais de l’hôpital et les assurances, vous savez, un enfant coûte vraiment cher.
– Ça j’en doute pô ! affirma fièrement Miaouss avant de se prendre un coup de coude par son ami.
L’agente secoua la tête.
– Mais les temps sont devenus plus compliqués que je n’avais imaginé. Vers mes trois mois, mon ventre s’était déjà arrondi et il n’était plus question de nier l’existence de ce petit individu grossissant jour après jour en moi. À chaque fois que je rentrais au quartier général, tout le monde m’observait, me dévisageait, me traitant comme une moins que rien. J’étais salie, insultée par certains agents. J’étais considérée comme la mégère de l’organisation. On m’avait terriblement harcelé…
– C’est affreux ! s’exclama James, tout chamboulé.
– Tu ne m’avais jamais rien dit… chuchota Jessie, doucement.
– Bien, reprenons la route. Le vent ne va pas tarder à se lever. Nous avons eu assez d’émotions pour aujourd’hui.
Miyamoto prit deux sacs de provisions avant de relever le menton. Elle n’eut pas le temps de faire un pas en avant qu’elle sentit une main lui toucher l’épaule.
– Miyamoto, attendez…
– Oui Jessica ?
– Eh bien… Je… Je dois vous dire quelque chose de très important.
– Je… En fait, vous… je…
Son cœur pesa plus lourd encore quand elle recroisa ses yeux bleus, les mêmes qu’elle. Celle-ci se demandait alors, si elle devait lui annoncer directement. Le fait d’attendre, l’impatientait encore plus.
Elle fut tellement prise par les émotions qu’elle en oublia le froid glacial de la montagne. C’était le bon moment pour tout lui avouer, elle en était certaine. Cette fois-ci, c’était la bonne. Elle prit alors une grande inspiration et lui fit face.
– En réalité, vous êtes ma…
Date de dernière mise à jour : 02/07/2020