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Frère et soeur

Coucou Rocket fans !! Surprise, c'est encore moi ! Avec une nouvelle histoire !
Je suppose que vous avez tous vu les fanarts et les théories sur Mars fille de Giovanni et Ariane aux côtés de Silver, n’est-ce pas ? Eh bien voilà, une de mes idées est enfin couchée sur papier, un one-shot dans lequel Mars (post-DPP/animé) partirait à la recherche Silver, accompagnée dans son périple par Jupiter. Il faut savoir que je mélange principalement les évènements de l’animé avec ceux des jeux (je prends également des informations du manga qui peuvent m’être utile) pour enrichir encore plus le lore que j’ai créé pour la famille Rocket. J’espère que l’OS, malgré la longueur, vous plaira. De mon côté, j’ai pris énormément de plaisir à l’écrire et j’ai hâte de voir ce que vous en aurez pensé.

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Titre : Frère et sœur

Personnages : Mars & Jupiter (Amitié) Mars & Silver (Liens fraternels)

Disclaimer : Les personnages ne sont pas à moi, je ne fais que m’amuser avec eux.

Résumé : Enfin libérée de la Team Galaxie, Mars, accompagnée de Jupiter, parcours la région de Johto dans un seul but : trouver son petit frère, Silver.

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Après les évènements qui avaient secoué la région de Sinnoh, la Team Galaxie avait été dissoute et Hélio avait disparu dans les profondeurs de la dimension obscure créer par Giratina.

Les commandantes Mars et Jupiter avaient décidé de quitter l’organisation : sans Hélio, elles ne valaient plus rien. Mars avait un nouvel objectif, qui était de retrouver son petit frère disparu dans la région de Johto. Jupiter, quant à elle, n’avait pas grand-chose à faire maintenant qu’elle était libérée de l’organisation maléfique, alors elle avait décidé de rester aux côtés de Mars et de l’aider dans ses recherches.

C’est de cette façon qu’elles s’étaient retrouvées sur le bateau de Joliberges en partance pour Oliville. Habillées en civile, Mars portait un sweat-shirt bleue marine à capuche bleu ciel dont les fils épais en croix bordaient ses flancs. C’était un vieux pull que sa mère lui avait légué. Elle portait un mini-short noir, des collants rouges qui se dégradaient progressivement vers le gris, des bottes noires, et un petit sac à dos de sport.

Jupiter, de son côté, portait un chemisier clair fleuri de jaune ainsi qu’un jean serré blanc qui donnait l’impression que ses longues jambes étaient en fait deux baguettes en bois. Elle avait également un sac à dos noir qui contenait ses affaires.

Après une soirée et une nuit entière de traversée, elles sortaient enfin de l’embarcation pour gagner la terre ferme en fin de matinée.

« Donc pour résumer… », commença Jupiter alors qu'elle ouvrait le guide touristique dans un froissement de papier. « Ton frère s'appelle Silver, il a les cheveux rouges comme toi, un regard gris perçant, et il doit avoir dans les… 13 ? 14 ans ? C'est ça ? »

« Oui. Nous avons 7 ans de différence. »

« J'ai toujours voulu avoir un petit frère. Il devait être adorable. », imagina Jupiter.

Mars ne put s'empêcher de rire jaune.

« Tellement adorable qu'il était traité comme l'enfant en or de notre père. », lâcha-t-elle sarcastiquement, avant de grimacer, coupable de ressentir encore de l'amertume envers Silver.

« Les deuxièmes sont toujours les favoris, hein… ? », répondit doucement Jupiter dans un sourire compréhensif.

« Peu importe. », soupira la rousse en secouant la tête pour se débarrasser de ses pensées parasites. « Commençons par trouver un restaurant pour manger et interroger les habitants. »

« Ça tombe bien ; d'après le guide, ils disent que les fruits de mer du port d'Oliville sont les meilleures de la région. », lu-t-elle d’un coup d’œil vers son guide touristique.

« Parfait. En route, alors. »


1.

Elles trouvèrent rapidement un restaurant près des quais. Après tout, ce n’était pas ce qui manquait ; avec une ville portuaire comme Oliville, il n’y avait pratiquement que ça. Il fallait être bête pour ne pas profiter de la pêche de proximité et goûter aux produits frais de la mer.

Elles s’étaient donc attablées à l’intérieur d’un restaurant à moitié plein et avaient commandé la spécialité : fruits de mer et frites. Et la réaction ne se fit pas attendre puisqu’elles fredonnaient d’appréciation à chaque bouchée. Au milieu du repas, la commandante au chignon violet sortit son petit guide touriste entre elles pour qu’elles puissent le consulter.

« Oh, regarde ! », dit-elle en posant son index sur la page. « Il y a une championne d’arène ici, on pourrait peut-être aller lui demander si elle a des renseignements. »

Alors que Mars acquiesçait et ouvrait la bouche pour répondre, elle fut coupée par la voix forte d’un homme.

« C’est exact, mesdames ! », intervint soudainement un marin costaud, képi blanc et bleu sur ses cheveux courts, qui passait à côté de leur table. Il clama ensuite avec ferveur : « S’il y a quelqu’un qui est au courant des choses qui se sont passés ici, c’est bien Jasmine, notre championne ! »

« Et où est-ce qu’on peut trouver l’arène ? »

« C’est le grand bâtiment construit avec des plaques en fer fait d’un alliage métallique en conformité avec le type de l’arène. Continuez à remonter la ville et vous tomberez dessus à coup sûr. Vous y allez pour avoir des renseignements, vous cherchez quelque chose en particulier ? »

L’espace d’un instant, le regard de Jupiter se fit méfiant, elle allait rétorquer que cela ne le regardait pas, mais un coup de pied de sa collègue sous la table la dissuada. Elle comprit aussitôt le message : il n’a pas l’air méchant, il pourrait même nous aider.

« Quelqu’un. », corrigea Jupiter, tandis que Mars rebondissait.

« Mon petit frère. Silver. Il a à peu près 13-14 ans et il a des cheveux rouges. Vous ne l’auriez pas vu ? »

« C’est vrai que ça court pas les rues, des gamins aux cheveux rouges… » réfléchit le marin en se frottant le menton. « Ça ne me dit rien du tout, j’ai aucun souvenir d’en avoir croisé un. »

« Ce n’est pas grave, merci quand même. », rassura Mars dans un sourire.

« Nous nous rendrons à l’arène après notre repas. », enchaîna Jupiter.

Le marin hocha la tête, leur souhaita bonne chance, puis il partit. Elles finirent leur repas, se payant le luxe de prendre une coupe glacée pour se rafraîchir. Les deux ex-commandantes quittèrent le restaurant après avoir payé l’addition, direction l'arène de la ville. Lorsqu’elles entrèrent dans l’arène, ce fut une jeune femme aux long cheveux châtain clair, vêtue d’une robe bleu clair, d’un long gilet blanc et d’un grand nœud papillon orange qui les accueillie.

« Bonjour, je m’appelle Jasmine et je suis la championne d’arène d’Oliville. Vous êtes là pour un duel Pokémon en vue de remporter le badge ? », voulu-t-elle savoir en les regardant tour à tour avec ses yeux clair.

« Oh, non non, nous ne sommes pas là pour un match. », répondit Jupiter en secouant une main en guise de refus.

« Nous sommes là pour vous demander des informations. », continua Mars.

Jasmine leva les sourcils, surprise, et jongla à nouveau en regardant les deux femmes.

« Oh ? À propos de ? », questionna-t-elle d’une voix encourageante.

« Mon petit frère. », répondit la rousse.

Puis elle lui fit une simple description de Silver ; son prénom, ses cheveux rouges, ses yeux argenté, dans les 13-14 ans.

« Oh ! Oui, je me souviens très bien de ce garçon aux cheveux rouges. », se rappela la championne.

« C’est vrai ?! », s’exclama Mars, le cœur battant, ne croyant pas sa chance.

« Vous pouvez nous en dire plus ? », demanda curieusement Jupiter en croisant les bras, ce à quoi Jasmine acquiesça.

Elle avait un air calme quand elle répondait, comme si elle se replongeait dans ses souvenirs.

« C’était il y a quelques années. Je l’ai rencontré lorsque je veillais sur Phary– je veux dire sur le Pharamp qui sert de lumière au phare de la ville. Je lui ai demandé s’il voulait bien m’aider et me rapporter un médicament pour soigner mon Pokémon malade pendant que je restais à son chevet, mais il a refusé. Il m’a lancé un regard méprisant et il s’est moqué de moi avant de faire demi-tour… Plus tard, mon remplaçant d’arène temporaire m’a rapporté que ce garçon l’avait battu à plat de couture. Apparemment, il a dit que j’aurais mieux fait de me débarrasser de ce Pharamp s’il était si faible. », raconta Jasmine d’un air peiné.

Mars grimaça intérieurement. Vu l’état d’esprit de la Team Rocket sur les Pokémon faibles, elle était sûre à 100 % que c’était bien de Silver dont la Championne parlait.

« Je ne l’ai plus revu après ça. », conclu-t-elle.

« Merci pour votre témoignage, Jasmine. »

« Vous n’avez pas une idée où il aurait pu aller ? »

« Non, je suis désolé. », répondit-elle, navrée. Cependant, elle leur accorda un petit sourire en se redressant légèrement et en levant l’index, signe qu’elle allait leur suggérer quelque chose. « Mais si ça peut vous aider, je vous conseille d’aller à la Tour Radio de Doublonville pour faire une annonce. La plupart des gens de la région écoutent la radio, donc peut-être que vous aurez plus de chance là-bas ? »

S'il écoutait la radio, peu importe où il se trouvait dans la région, il pourrait y avoir une chance qu'il l'entende ; cela ne coûtait rien d'essayer. S’il y avait une chance, même infime, d’atteindre Silver via la radio, alors elle le ferait.

« Oh, c’est bonne idée ! », félicita Mars en joignant ses mains. Puis elle se tourna vers Jupiter. « On va y aller, pas vrai ? »

« Évidemment que oui. », répondit Jupiter, qui esquissa un sourire, amusée par l’enthousiasme soudain de la rousse.

« Vous pouvez longer la plage qu’il y a sur la côte. », conseilla la championne en pointant dans une direction vers leur droite. « En prenant ce chemin, vous arriverez directement à Doublonville sans passer par Rosalia. »

« Merci beaucoup pour votre aide. »

« De rien, j’espère que vous le retrouverez. », salua Jasmine.

Les deux commandantes de l’ex Team Galaxie quittèrent l’arène, et, une fois dehors, elles débriefèrent aussitôt :

« Bon, eh bien on a appris que ton frère était devenu dresseur et qu’il n’était pas commode. », résuma nonchalamment Jupiter, les bras croisés derrière la tête.

« Si c’était il y a deux ou trois ans, je suppose qu’il devait avoir 11 ou 12 ans, donc il était encore jeune garçon. Normal qu’il devienne fougueux et arrogant lors de son premier voyage Pokémon. », réfléchit Mars.

« Surtout s’il a voyagé seul. S’il avait été accompagné par des amis, ils auraient pu le confronter à son état d’esprit et lui remettre les idées en place. »

Sa phrase fit rire Mars, qui ne put s’empêcher de claquer ludiquement le bras de son équipière.

« Comme si nous étions en position de parler d’état d’esprit pacifique. »

Jupiter ricana de l’ironie en hochant la tête.

« … Alors qu’on ne faisait que de se tirer dans les pattes et crêper le chignon. »

« C’était un peu stupide quand on y pense… », réfléchit la rousse.

« Mais c’était amusant, en quelque sorte. »

Mars gloussa puis d’acquiesça. Elle n’avait pas tort. C’était marrant d’avoir une rivalité avec Jupiter et de se balancer des piques à tout bout de champ.

« Bon, il est 13h30. », informa Jupiter en consultant sa montre fine. « Si nous reprenons la route maintenant, on devrait arriver à Doublonville en fin d’après-midi. »

« Alors c’est parti ! En route ! », s’exclama Mars dans un élan de joie, le poing levé.


2.

Après avoir longé le bord de mer puis la côte, elles atteignirent enfin Doublonville, épuisées, lorsque la cloche en haut de la gare affichait 17h. Coup de chance pour elles, la Tour Radio se trouvait juste à côté et se démarquait par sa pierre de couleur noire.

« J’t’en supplie, on fait une pause… ! », soupira grassement Jupiter alors qu’elle suivait la rousse qui se dirigeait déjà vers le bâtiment pour lequel elles étaient venues.

« D’accord, mais on rentre quand même dans le hall. Je suis sûre qu’ils ont des chaises pour se reposer. »

Dès qu’elles franchirent la porte de la Tour Radio, elles furent obligées de prendre un ticket en borne. Alors que Mars arrachait à peine le ticket en papier qui sortait, Jupiter s’affalait déjà sur l’un des sièges rembourré au fond de la pièce, les jambes tendues, les talons contre le sol, les pieds en l’air, les coudes sur les dossiers des chaises à côté d’elle, et la tête en arrière, exposant son cou aux lumières artificielles du plafond, respirant lourdement. Mars s’assied à son tour dans un soupire las, soulagée de reposer ses pauvres pieds. Elle pêcha sa bouteille d’eau dans son sac pour en boire une gorgée et entendit sa co-équipière faire de même.

« Alors, on a le numéro combien ? », voulu savoir Jupiter alors qu’elle baissait sa bouteille d’eau dans un soupire d’aise et se penchait vers sa partenaire.

« 202. », répondit la rousse.

Sur l’écran accroché au mur, le numéro 180 s’affichait, accompagné d’un ding sonore. Jupiter gémit. Elle retourna à sa position initiale en calant son dos contre le dossier de la chaise en plastique dur.

« Préviens-moi quand c’est notre tour. »

Lorsque les lumières du plafond l’aveuglèrent et lui donnaient un mal de tête, elle décida de fermer les yeux. Mars, quant à elle, serrait le petit papier numéroté entre ses doigts, les yeux rivés sur l’écran dans l’espoir d’apercevoir une correspondance le plus rapidement possible.

Les minutes s’écoulèrent à la vitesse d’un Ramoloss. Les gens qui étaient déjà assis se levaient au compte-gouttes. Cela frustrait de plus en plus Mars, qui était obligée de rester assise à attendre son tour. Même si elle évacuait sa frustration en faisant rebondir sa jambes, ce n’était pas suffisant. Le temps passait d’une lenteur atroce, si bien que Jupiter eut le temps de se reposer, de grignoter une barre de céréales pour reprendre des forces, et même d’enfiler un gilet en coton parce qu’elle commençait à avoir la chair de poule. Elle s’était recroquevillée sur son siège, les bras croisés, le menton baissé et la capuche sur la tête.

« Mange quelque chose, Mars. », marmonna-t-elle d’une voix monotone au bout de quelques minutes à observer sa partenaire du coin de l’œil.

« J’ai pas faim. », répondit la concernée du tac-o-tac, toujours attentive aux chiffres qui grimpaient.

« Mange quand même. »

« J’ai pas de temps à perdre. »

« Si tu t’évanouie en plein studio, crois-moi que c’est pas cinq minutes que tu vas perdre. », répliqua Jupiter d’une voix moqueuse. Elle continua sur sa lancée, percevant la résistance de son équipière à travers sa posture rigide et le pli entre ses sourcils qui se creusait de plus en plus. « Franchement, il nous reste encore 8 chiffres avant que ce soit notre tour. Tu as largement le temps de manger ton goûter. J’suis sûre que je peux carrément aller faire le plein au distributeur, me payer le luxe d’aller chercher un café et de revenir qu’on sera toujours là à attendre. »

Mars ignora sa tentative de plaisanter, soit parce qu’elle ne voulait pas rebondir dessus, soit parce qu’elle était trop absorbée par ses arguments. Après une trentaine de secondes, où le numéro 195 passait devant leurs yeux, Mars capitula enfin. Elle quitta l’écran du regard et s’empressa de fouiller son sac à dos pour en sortir son en-cas.

Elle se sentit un peu mieux en mordant dans sa barre de céréales, et elle se frotta les yeux dans un profond soupire. Comme Jupiter l’avait prédit, elle eut le temps de finir son goûter et de laver le tout en vidant le reste de sa bouteille d’eau, avant de tout ranger dans son sac à dos.

Dès que le numéro 202 s’afficha à l’écran, Mars bondit de sa chaise. L’hôtesse derrière le comptoir refusa sa demande de rencontrer Lula. Cette dernière récolta un regard noir de la part de Mars, tandis que Jupiter arrivait, portant les deux sacs sur ses épaules pour observer l’échange.

« Quoi ?! », s’indignait la rousse, la voix aigüe d’incrédulité. « J’ai attendu des plombes et vous me dites qu’il est impossible de voir l’animatrice radio. »

« Je suis désolé. », répondit la femme, pas du tout désolé. Un sourire pincé se contractait sur ses lèvres et elle battit des cils en inclinant légèrement la tête de manière exaspérante. « C’était tout ? »

Mais Mars refusait de se laisser congédier ainsi.

« Pourquoi je ne peux pas la voir ? », exigea-t-elle de savoir.

« Tout le monde veut la voir. », soupira l’hôtesse. « Elle est très demandé et elle ne peut pas accéder à la demande de chaque fan qui veut la rencontrer. »

Les narines de Mars se dilatèrent et elle sentit une colère enflammer ses veines. Elle était à deux doigts de craquer.

« Je suis pas une fan ! Tout ce que je veux, c’est pouvoir faire passer un message important ! »

L’hôtesse eut le culot de lever les yeux au ciel.

« Si c’est pour récupérer votre ex-petit-ami ou faire un message romantique à votre chéri, une annonce soumise sur notre site fera amplement l’affaire. Nous transmettrons ensuite nos messages à Lula, qui se fera un plaisir de les lire dans la semaine. »

« J’ai perdu mon frère ! », cracha-t-elle en la fusillant une nouvelle fois du regard. « J’ai fait tout le chemin depuis Sinnoh et je parcours la région depuis aujourd’hui dans le but de le retrouver ! »

« Nous sommes une station de radio, pas la police. Peut-être que vous aurez plus de chance là-bas. Et si vous ne voulez pas que j’appelle la sécurité pour qu’elle vous mette dehors, déguerpissez. », rétorqua la femme qui commençait, elle aussi, à perdre patience.

Mars se pencha alors sur le comptoir et baissa sa voix.

« Et si vous ne voulez pas que mon Chaffreux vous lacère les tripes, peut-être que vous devriez reconsidérer votre refus. », menaça-t-elle sur un ton rauque en plissant les yeux.

Son regard rubis plein de promesses fit tressaillir l’hôtesse et Mars prit un malin plaisir à voir son visage parfaitement maquillé perdre de ses couleurs.

« Excusez-moi. », intervint Jupiter au bon moment, posant une main sur l’épaule de son équipière et la tirer légèrement en arrière. Elle attira l’attention de l’hôtesse, qui ne pipait plus un mot, toujours sous le choc de la menace sérieuse que venait de proférer la rousse. « Il faut absolument que mon amie retrouve son petit frère et Jasmine, la championne de l’arène d’Oliville, nous a assuré que votre radio était suffisamment compétente pour qu’elle puisse diffuser son annonce. »

L’ex-commandante fit une brève pause et balança son poids d’une jambe à l’autre, regardant ailleurs d’un air feint, avant de recroiser le regard de la femme derrière le comptoir et d’hausser les épaules.

« Mais peut-être que Jasmine s’est trompée. », finit-elle sur un ton désinvolte qui contrastait fortement avec son regard calme qui promettait mille souffrances si elle n’obtempérait pas.

L’hôtesse capitula sous leur insistance et indiqua les escaliers au fond du couloir, pressée de se débarrasser de ces enquiquineuses qui lui donnait froid dans le dos.

Une fois à l’entrée du studio et la requête expliquée à Lula, au grand soulagement de Mars, cette dernière accepta facilement. Elle installa donc l’arrivante dans un fauteuil confortable pendant que Jupiter regardait depuis la grande fenêtre donnant sur la cabine d’enregistrement. Mars eut un casque d’écoute et un micro en face d’elle.

« Re-bonjour à tous nos auditrices et nos auditeurs ! », s’exclama Lula. « Nous nous retrouvons après cette courte pause et cette fois, c’est une rapide annonce que mon invitée mystère souhaiterait faire. J’aimerais que tout le monde écoute attentivement ce qu’elle a à dire, parce que c’est très important. C’est à toi, ma chère. Je te laisse te présenter. »

Mars se pencha vers le micro.

« Merci à Lula et à la radio de chambouler votre programme et de m'accorder du temps à l'antenne. », dit-elle d’une voix candide, comme si elle n’avait pas menacer l’hôtesse de l’accueil dix minutes plus tôt. Elle prit une inspiration, paupières fermées, et se lança. « Je m'appelle Marcia. Je viens de la région de Sinnoh et je cherche mon petit frère : Silver. La dernière fois que j'ai entendu parler de lui, il était dans la région de Johto. Il a environ 14 ans, il a des yeux argentés et des cheveux rouges distinctifs. Apparemment, il aurait fait le tour des arènes il y a quelques années. Si vous le connaissez, si vous l'avez même aperçu en ville ou même sur les routes, contactez la station de radio qui pourra me faire parvenir l'information. Merci à tous. »

« Vous l'avez entendue, chez auditeurs ? », reprit aussitôt Lula d'une voix enthousiaste. « N'hésitez pas à nous joindre si vous avez la moindre information concernant son petit frère, Silver. J'espère que sa recherche aboutira. Je vous laisse maintenant avec une autre mélodie des Pokémon, et je reviens tout de suite après ! »

La femme déconnecta son micro et fit glisser son casque autour de son cou. Dans le même temps, elle pivota sa chaise roulante vers Mars qui avait également éteint son micro et retiré son casque pour le poser sur la table devant elle.

« Tu t'es très bien débrouillé pour une première fois ! », félicita Lula dans un sourire brillant de fierté.

Mars s'accorda un sourire reconnaissant alors qu'une pointe de chaleur se répandait à l'intérieur d'elle. Pourvu que l'annonce ait été entendu par quelqu’un qui le connaissait ou, dans le meilleur des cas, Silver lui-même…

« Tiens, je vais te donner ça. », déclara Lula en fouillant dans le tiroir d’un meuble à roulette, attirant ainsi l’attention de la rousse.

Elle glissa un appareil avec un petit écran et deux boutons sur le côté sur la table entre elles.

« C’est un Pokématos. Avec ça, je vais pouvoir communiquer avec toi si jamais on me contact et que j’ai des informations. », expliqua l’animatrice radio.

Mars eut un temps d’arrêt. Les gens de la région de Johto étaient décidément très généreux. Il y a longtemps, elle avait lu dans un article disant qu’ils tenaient à leurs traditions ancestrales et qu’ils étaient assez fermés d’esprit. Force est de constater que certains avaient évolué avec le temps.

« … Merci beaucoup. », souffla-t-elle. Elle releva la tête. « Comment vous rembourser ? »

Mais Lula balaya sa remarque d’une main et lui adressa un sourire franc.

« Pas de besoin de remboursement. La radio connecte les gens, et je serais très heureuse si, grâce à ma radio, tu arrivais à retrouver ton petit frère. »

Elle hocha la tête et récupéra le dispositif, qu’elle fourra dans la poche ventrale de son sweat. La rousse sortit de la cabine d’enregistrement, retrouvant Jupiter qui l’attendait, les bras croisés, un sourire narquois sur les lèvres.

« Bravo pour ton discours… Marcia. », félicita-t-elle dans un regard appuyé, la tête inclinée.

Un sourire fugace passa sur les lèvres de cette dernière, ignorant la curiosité qui scintillait dans les yeux violets de Jupiter. Elle était sûre que sa partenaire voulait lui poser des tas de questions, mais attendait visiblement qu’elles soient seules.

« Merci. »

Après d’autres remerciements, les deux filles quittèrent la pièce en prenant les escaliers.

« J’arrive pas à croire que ton vrai nom soit Marcia. », fit enfin remarquer Jupiter alors qu’elles descendaient les marches en béton.

« Excuse-moi, tu as quelque chose à redire sur mon prénom ? Je n’ai pas une tête à m’appeler comme ça ? », répliqua la concernée sur un ton léger montrer qu’elle n’était pas fâchée, qu’elle plaisantait même.

« Non, je suis… agréablement surprise, c’est tout. Même si c’est assez ironique, étant donné que Mars était ton nom de code dans la Team Galaxie. »

Cela fit glousser Marcia.

« Je sais hein ? », répondit-t-elle en lui lançant un sourire amusé. « Je ne pouvais pas être mieux taillé pour le poste. Mais puisqu’on parle de prénom, c’est quoi ton vrai nom à toi ? »

Jupiter fredonna comme si elle considérait sincèrement la question de son amie, avant de sourire d’un air malicieux.

« Je te le dirais peut-être. Un jour. »

Sa curiosité ne fut pas satisfaite, mais Marcia laissa tomber dans un haussement d’épaules. Jupiter, c’était très bien aussi.

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Après être sortie de la Tour Radio – non sans lancer des poignards à l’hôtesse qui en fit de même lorsqu’elle croisa leur regard par-dessus l’épaule d’une cliente – Mars et Jupiter regardèrent le ciel violet, signe de la nuit imminente qui allait s’abattre sur la ville. D’une rapide œillade suivit d’un hochement de tête synchrone, elles décidèrent de rester dans un hôtel à Doublonville pour la nuit. Comme c’était une grande ville, les hôtels et les chambres de libres ne manquaient pas. Elles trouvèrent rapidement un endroit convenable malgré le prix élevé de dernière minute.

Une fois dans leur chambre, elles se mirent d’accord pour manger à la cafétéria et passer à la douche, avant d’élaborer un plan pour la suite. Une fois posées sur le lit de Marcia – la rousse assise en tailleur et Jupiter assise en travers, une jambe repliée sur le matelas et l’autre pendue au bord du lit –, elles étalèrent la carte de la région entre elles.

« OK, alors clairement, on ne va pas attendre que la radio nous contacte. », décida Marcia.

Jupiter acquiesça.

« Je suis d’accord, je pense qu’il vaudrait mieux continuer notre chemin vers le sud. », suggéra-t-elle en traçant la route avec son index.

« Nous traverserons le Bois aux Chênes et nous ferons une halte à Écorsia dans un premier temps. », continua la rousse.

« Il y a une arène, là-bas, et si ton petit frère a fait le tour de la région pour obtenir des badges, il a probablement dû passer par cette ville. », réfléchit Jupiter.

« Ça vaut le coup d’essayer, on demandera des infos aux habitants une fois sur place. »


3.

Le lendemain matin, de bonne heure, les deux jeunes femmes quittèrent Doublonville vers le sud, direction Écorsia. Mais tout d’abord, elles devaient traverser le Bois aux Chênes. C’était un bois aux chemins sinueux qui traversent les arbres. Sa végétation est tellement dense que la forêt restait toujours sombre, il y avait des trouées de soleil un peu partout qui donnait un air éthérée à la forêt. Il y avait même un coin d’eau pour que les Pokémon puissent boire en toute sérénité. C’était magnifique.

Elles marchèrent deux bonnes heures avant d’atteindre un autel en bois au toit rouge. Des mots étaient gravés sur un panneau à proximité.

« Autel du Bois aux Chênes. La divinité de la forêt est vénérée ici. », lu Marcia.

« Une divinité ? », répéta Jupiter en croisant les bras et en penchant la tête sur le côté. « Comme Créhelf, Créfollet et Créfadet ? »

« Je pense, oui. De toute façon, il y a des divinités dans toutes les régions, non ? », demanda la rousse en se tournant vers elle, main sur la hanche.

Pour toute réponse, Jupiter haussa les épaules, l’air de dire « Sûrement ? »

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Une fois arrivées à Écorsia, elles virent des panneaux d’avertissement sur lesquels se trouvait la silhouette d’un Ramoloss avec un point d’exclamation ainsi que des Ramoloss se prélassant au soleil, à l’ombre, sur des murets, un peu partout en fait.

« Y a beaucoup de Ramoloss, ici, tu trouves pas ? », fit remarquer Jupiter en zyeutant les Pokémon roses à chaque coin de rue tandis que Marcia acquiesçait.

Quelqu’un entendit sa question et se permit de lui répondre, arrêtant ainsi les deux jeunes femmes dans leur marche.

« Notre ville est connue pour abriter bon nombre de Ramoloss. Il y a un puits en dehors de la ville pour permettre aux Pokémon et aux voyageurs de se rafraîchir. Notre village est plus prospère et les Ramoloss se sentent plus en sécurité depuis que la Team Rocket a été chassé de la ville. », raconta un homme avec un balais.

Durant son récit, d’autres personnes s’étaient rassemblées autour d’eux pour écouter son histoire. Jupiter fut immédiatement intriguée.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? », demanda-t-elle, curieuse.

À la surprise de Jupiter et des villageois, ce fut Marcia qui répondit à la question.

« Les queues des Ramoloss sont connu pour valoir cher sur le marché noir. Elles sont revendables à un prix exorbitant, donc la Team Rocket voulait certainement couper la queue des Ramoloss pour se faire de l’argent pour le financement de leurs autres projets. Mais les queues Ramoloss sont aussi comestibles. Elles ont un très bon goût sucré et se marient bien avec du curry. », raconta-t-elle.

L’espace d’un instant, l’esprit de Marcia se trouvait transportée à l’époque de son enfance, dans la salle à manger de la maison familiale, chez sa grand-mère paternel, devant une assiette à l’odeur chaude et exquise, tandis qu’elle se balançait au rythme de sa musique intérieure et qu’elle tenait sa fourchette dans son poing, un morceau de viande rose planté au bout.

« Mange ta queue Ramoloss et ta sauce tomate, ma chérie. », lui avait dit la voix grave de sa mère.

Elle cligna des yeux pour sortir de ses souvenirs et capta les regards de jugement ou de trahison, outrés, qui apparaissaient sur le visage de tout le monde. Elle s’éclaircit la voix puis haussa les épaules d’un air nonchalant, pas du tout coupable d’avoir consommer de la chair de Pokémon.

« Enfin, c’est que j’ai entendu. Dans certaines régions reculées, malheureusement, les queues Ramoloss se mangent. », déplora-t-elle d’une voix calme.

« Ouais bah c’est illégal ! », clama un homme en levant son balais d’un geste vif.

« Donc la Team Rocket a tenté d’enlever tous les Ramoloss du village ? », reprit Jupiter d’une voix claire pour éviter un esclandre et pour recentrer la conversation.

« Non, ceux qui vivent dans le puits Ramoloss. M’sieur Fargas s’est interposé contre leur méfaits, des dresseurs l’ont aidé, et tout est rentré dans l’ordre. », rapporta une femme en acquiesçant, le main sur la poitrine comme pour se rassurer.

Les autres villageois acquiescèrent.

« Vous êtes de passage ou vous cherchez quelque chose ? »

« Oui, peut-être que vous pouvez nous renseigner. », répondit Jupiter alors que Marcia renchérissait.

« Nous cherchons mon petit frère, Silver ; c’est un garçon d’environ 14 ans, avec des cheveux rouges et des yeux gris perçants. »

Un homme porta aussi son poing à son menton et baissa les yeux en guise de réflexion.

« Mhh, non ça ne me dit rien. », dit-il finalement, avant de tourner la tête vers son voisin. « Et toi ? »

Mais ce dernier secoua négativement la tête.

« Vous n’avez pas une photo ? », demanda une dame.

« Et si vous alliez voir Fargas ? », proposa quelqu’un d’autre, attirant l’attention des deux filles.

« Fargas ? » répétèrent-elles.

« Oui, Fargas est un peu le chef du village en dehors de notre champion d'arène. »

« Oh, oui ! Il sera peut-être en mesure de vous aider ! », approuva une mère de famille.

« Continuez votre chemin tout droit et tournez à gauche. Il habite la grande maison avec une double-porte en bois de chêne. »

« Merci beaucoup. »

Sur ces remerciements, les gens retournèrent à leur occupation et la rue se vida comme si le spectacle était terminé.

« Bon, eh bien direction chez ce fameux Fargas, alors. », déclara nonchalamment Marcia, faisant déjà un pas un avant.

Mais elle fut arrêtée par la main de Jupiter qui la retenue le bras.

« Attends. Tu veux pas qu’on fasse une pause ? On marche depuis ce matin… »

La rousse faillit objecté en disant qu’elles n’avaient pas de temps à perdre, mais en voyant l’air fatigué sur le visage de sa partenaire, les cernes qui commençaient à se former sous ses yeux et des mèches de cheveux qui dépassaient de son chignon d’ordinaire toujours impeccable, elle reconsidéra sa réponse.

« C’est d’accord. On fait un pause. », répondit Marcia en lui adressant un petit sourire d’excuses.

« Oh, merci… ! », soupira grassement Jupiter, le dos rond et les bras ballants devant elle.

.

Elles s’installèrent devant un petit café rustique, en terrasse, afin de prendre un bon verre d’eau fraîche. Elles burent goulument dès que leurs boissons fut servies, puis soupirèrent d’aise en se penchant en arrière contre le dossier de leur chaise en bois.

« Ça fait du bien de se poser un peu… », souffla Jupiter en tirant un peu sur le col de sa chemise pour s’éventer.

« C’est vrai qu’il fait une chaleur de plomb en plus… »

En laissant son regard vagabonder sur les autres tables de la brasserie, profitant de la brise boisée, Marcia remarqua une femme et un homme qui la fixaient et qui chuchotaient, se croyant discret mais ne l’étant clairement pas. Elle bougea inconfortablement, puis elle capta le regard de Jupiter qui leva un sourcil à son encontre. Elle leva son verre devant sa bouche et marmonna :

« Y a deux petits vieux qui me regardent avec insistance depuis trois bonnes minutes et qui font des messes basses. », glissa-t-elle, puis elle but une gorgée.

Les yeux de sa partenaire s’écarquillèrent l’espace d’un instant et elle combattit son envie de se retourner sur le champ. Jupiter prit un air mi-inquiet et mi-sérieux, avant de poser sa question sur le même ton.

« Tu crois qu’ils t’ont reconnu ? »

Marcia pinça les lèvres et fronça les sourcils.

« Je sais pas, mais tirons-nous d’ici en vitesse. J’veux pas prendre le risque. »

Dans un hochement de tête synchrone, les deux femmes se levèrent et partir d’un pas rapide en laissant un fond de verre, ignorant les raclements de chaises maladroits qu’elles entendirent peu de temps après.

« S’ils t’ont reconnu, ça craint… Peut-être qu’ils vont te vendre aux flics pour avoir une prime pour ta capture. C’est un p’tit village paumé, peut-être qu’ils veulent avoir une meilleure vie. », marmonna Jupiter, avant de tourner rapidement sa tête pour regarder les deux personnes qui les suivaient du mieux qu’ils pouvaient.

« J’en sais rien et on s’en fiche, d’accord ? », rétorqua Marcia, contrariée. « Continue de marcher… ! Dès qu’on atteint le carrefour, on tourne à droite et on les sème ! »

« Ariane ! Chérie ! », crièrent les deux vieillards.

Marcia s’arrêta net, maudissant son corps pour s’être figé d’instinct à l’entente du nom de sa mère. Jupiter s’arrêta un demi-pas devant elle et se tourna pour lancer un regard interrogateur à son équipière. La rousse, quant à elle, se retourna pour faire face aux deux personnes âgées qui s’approchaient d’elle tout en reprenant leur souffle.

« Euh, pardon, mais vous devez faire erreur, pépé. Je ne m’appelle pas Ariane. », répondit Marcia en contrôlant au maximum sa voix fébrile.

Son cœur martelait dans sa poitrine alors qu’elle faisait un effort surhumain pour se concentrer.

« Oh ! », s’exclama soudainement la mémé en prenant le bras de son époux. « Regarde, Albert, elle est bien trop jeune pour être notre Ariane. Notre fille a disparue il y a des années déjà… »

« Oh… Oui, tu as raison, ma chérie. », dit-il d’un ton déçu, avant de s’adresser à Marcia d’un regard navré. « Excusez-nous, mademoiselle. On a perdu notre fille il y a des années et vous lui ressemblez tellement à son jeune âge… Pardon de vous avoir importuné. »

Intérieurement, Marcia ne savait pas quoi ressentir. Elle se dit qu’il y avait des chances pour que ces deux petits vieux à l’air amical, malgré leurs cheveux gris, soient ses grands-parents maternels et cela remuait quelque chose au plus profond d’elle. Si elle louchait assez, la mémé portaient les mêmes traits du visage que sa mère. C’était aussi étrange que perturbant. La rousse avala sa salive, puis leva doucement la main dans un sourire pincé.

« Ce n’est pas grave. Passez une bonne journée. »

Le pépé leva son képi à carreaux en guise de salut et la mémé lui adressa un sourire bancale. Jupiter hocha la tête, puis elle suivit Marcia qui déguerpissait sans demander plus de précisions. Après tout, elles n’étaient pas des dresseuses lambda qui aidaient la veuve et l’orphelin.

Jupiter remarqua à quel point son équipière avait l’air tendue lors de l’échange avec les deux vieillards. Elle faillit l’arrêter pour lui demander une explication, mais rétracta sa main qui bougeait déjà vers le poignet de la rousse. Si elle lui posait des questions maintenant, Marcia allait se braquer et s’énerver. Jupiter décida donc rester silencieuse et de garder ce moment dans un coin de son esprit pour lui en toucher deux mots plus tard.

.

Une fois chez Fargas, après avoir dit qu’elles voulaient obtenir des renseignements, ce dernier les accueilli autour d'un thé dans son salon. Les deux jeunes femmes étaient assises sur un canapé tandis que le vieillard était installé dans un fauteuil. Comme une machine bien huilée, Marcia répéta son texte sur la recherche de son petit frère ; comment il était physiquement, le caractère bien trempé qu’il semblait avoir et son prénom.

Le vieillard bourdonna en guise de réflexion tout en remuant son thé vert.

« Ça me dit vaguement quelque chose. Oui, maintenant que vous le dites, je m’en rappelle. », affirma-t-il en acquiesçant. « À l’époque, ce jeune garçon m’a commandé des Balls spéciales avec les Noigrumes qu'il avait récoltés. Il avait un air hostile et il semblait avoir une profonde aversion envers la Team Rocket. »

Marcia laissa aussitôt échapper un rire sec.

« Qui n’aurait pas une profonde aversion pour eux ?, lâcha-t-elle. Elle leva ensuite sa tasse vers elle. « Quand on sait ce qu’ils font depuis une vingtaine d’années… »

Jupiter observait en silence le calme de son équipière se fissurer à la mention de la Team Rocket, et elle vit la rousse se pincer les lèvres avant de boire une gorgée de thé.

« C’est vrai. Les méfaits qu’ils commettent sont atroces. », s’attrista Fargas. « Je ne comprends toujours pas comment la police n’a pas encore fait arrêter cette terrible organisation… »

« Corruption. », répondit aussitôt Marcia d’une voix ferme.

« Tu sembles sûre de toi, jeune fille. », remarqua Fargas en levant ses sourcils, surpris.

Marcia pensa brièvement à son père derrière son bureau en bois massif qui était au téléphone avec un autre homme. Quand elle avait posé la question à Giovanni pour savoir qui était en ligne, il l’avait fait déguerpir d’un regard noir, mais quand elle avait posé la question à sa mère, le soir avant d’aller se coucher, Ariane lui avait confié que c’était un ami policier de papa et que certains policiers étaient de leur côté.

« Il y a des policiers corrompus partout. », affirma-t-elle. « Je suis persuadé que certains acceptent de couvrir les agissements de la Team Rocket si elle leur donne d’autres informations sur lesquels se concentrer. »

« Permets-moi d’en douter. J’ai confiance en nos forces de l’ordre. », répliqua Fargas, ce à quoi Marcia haussa mollement des épaules, comme pour laisser tomber la conversation.

« Est-ce que vous savez où Silver peut se trouver, maintenant ? », demanda-t-elle ensuite.

Jupiter tourna la tête vers Fargas dans l’attente de sa réponse.

« Il est parti pour faire le tour des arènes, mais je ne l’ai plus revu depuis. Je suis désolé. », s’excusa le vieil homme.

« Vous pensez que si nous partons vers l’est et remontons toute la route 32 jusqu’à Mauville, nous pourrions trouver des indices ? », rebondit aussi Jupiter.

« Oui, je le pense. Une fois là-bas, vous y trouverez une Tour Chétiflor et un vénérable Ancien qui fait passer un test à tous les dresseurs en herbe. Si Silver a fait le parcours des arènes, il a certainement dû l’affronter. »

« Merci beaucoup, monsieur. », remercia Marcia en posant sa tasse de thé vide devant elle. « Nous allons y aller de ce pas. »

« Puisse vos recherches aboutir. », souhaita-t-il sagement pendant que la rousse et Jupiter se levaient.

« Merci pour le thé. Au revoir. », saluèrent-t-elles avant de prendre congé.

Après une brève délibération, les deux jeunes femmes se mirent d’accord pour ne pas aller voir le champion d’arène d’Écorsia. Si c’était pour entendre à nouveau que Silver était un dresseur au style de combat agressif, cela n’en valait pas la peine. Et puis Marcia ne semblait pas vouloir s’éterniser dans ce village plus que nécessaire, craignant certainement de recroiser les deux vieillards.


4.

Elles traversèrent donc les Caves jumelles de la route 32, aidées par l’écholocalisation de leur Nosféralto pour se diriger dans la grotte, et arrivèrent à Mauville en fin d’après-midi.

Une fois au sommet de la Tour Chétiflor, elles furent une seconde fois assises face à une tasse de thé dans l’arrière salle tandis que le grincement lent de la poutre centrale se faisait entendre à travers les murs. Malheureusement pour les deux jeunes femmes, l'Ancien – un vieillard chauve au kimono jaune et au par-dessus violet – ne leur apporta pas de bonnes nouvelles :

« Il a réussi mon épreuve. Mais il recherchait la puissance à tout prix en ignorant les sentiments de ses Pokémon. C'était la première fois que je voyais un regard aussi froid chez un jeune dresseur. C’en était presque terrifiant. Je ne sais pas ce qu’il est devenu depuis, mais j’espère qu'il aura changé sa façon de penser. », leur rapporta l’Ancien dans un regard attristé.

« Je l’espère aussi. », répondit Marcia, tandis qu’elle et Jupiter se penchèrent en signe de politesse. « Merci pour vos précieuses informations, Vénérable. »

Une fois sorties de leur entretien, Jupiter et Mars s’étirèrent, un bras tendu et l’autre replié derrière leurs têtes. La nuit était tombée, dévoilant son ciel sombre et ses étoiles brillantes comme une couverture recouvrant la ville.

« On a beaucoup marché aujourd’hui. Je pense qu’on peut rester dans une auberge ici, se reposer pour la nuit, et on reprendra les recherches demain ; qu’est-ce que tu en dis ? », suggéra Jupiter.

« Oui, je ne serais pas contre une bonne douche et un bon lit douillet. », approuva la rousse dans un sourire épuisé.

Une fois dans leur chambre d’hôtel, les deux femmes s’étaient douchées à tour de rôle, puis elles s’étaient posées – non sans un soupire – chacune sur leurs lits respectifs. Marcia était assise en tailleur pendant que Jupiter était allongée sur le côté, appuyé sur un coude et la tête dans la main.

« On a plutôt bien avancé, tu trouves pas ? », lança Jupiter tandis que Marcia triturait le coin de leur carte de la région.

« On a fait beaucoup de route, oui, mais concernant mon frère, on n’a pas appris grand-chose ; qu’il était un garçon froid et haineux. Comme mon père. Qu’il traitait ses Pokémon comme des outils pour atteindre son but. Comme mon père. Oh, et qu’il détestait la Team Rocket. Wouaw, super info ! », répondit-elle dans un sourire sarcastique.

« C’est déjà bien, mais quelque chose me chafouine. », nota Jupiter.

Son ton énigmatique attira l’attention de Marcia, qui lui lança un regard interrogateur.

« Quoi ? »

« … Tu sembles en savoir beaucoup sur la Team Rocket. », fit remarquer la commandante aux cheveux violets alors qu’elle repensait à ce que sa partenaire avait dit tout au long de la journée.

Mars cligna des yeux, puis elle regarda sa collègue un moment, l’air de réfléchir intensément à quelque chose. Au bout de plusieurs secondes de silence, elle parla enfin.

« Qu’est-ce que tu sais exactement sur la Team Rocket ? », voulu savoir la rousse.

Jupiter nota, avec soulagement, qu’elle ne l’avait pas repoussé sèchement. Elle semblait prête à partager ce qu’elle gardait cachée. Et Jupiter ne pouvait qu’être enchantée et honorer que sa co-équipière lui dévoile ses secrets.

« Mmh… Un jour, j’ai lu dans un livre que, contrairement à la Team Galaxie qui voulait rebâtir un nouveau monde, la Team Rocket voulait obtenir la domination du monde en volant et capturant tous les Pokémon rares et puissants. Tu te souviens des trois guignols avec le Miaouss qui parle ? Ils faisaient partis de leur organisation, mais leur Boss est connu pour être un homme à l’aura imposante et dont le nom est craint même au sein des services de police. J’ai entendu qu'ils essayaient de le choper depuis de nombreuses années, mais qu'ils n'arrivaient pas à mettre la main dessus. D’après les journaux, les forces spéciales sont impliquées, mais même elles ont fait chou blanc. », raconta-t-elle en triturant distraitement sa couverture pour occuper sa main libre.

Mars fredonna pour montrer qu'elle était attentive aux arguments de son amie.

« Tu as raison. Ce sont les informations que la Team Galaxie a obtenues il y a plusieurs années. »

« Mais tu en sais plus… n’est-ce pas ? », comprit Jupiter.

La rousse hocha la tête. Puis elle prit une inspiration, paupières fermées, avant de réouvrir les yeux, une expression calme mais déterminée sur le visage.

« Tu te souviens quand j'ai dit que nous retournions à nos vies de jeunes filles ordinaires ? Eh bien, je ne suis pas vraiment une jeune fille ordinaire. »

« Quoi, me dis pas que tu faisais partie de la Team Rocket avant de venir dans la Team Galaxie ? », lança Jupiter dans un sourire amusé, ce qui fit légèrement grimacer la rousse.

« Je ne faisais pas vraiment partie de l’organisation de manière officielle. »

Cela lui valu un sourcil levé de la part de l’adulte au chignon violet.

« Oh ? Tu m’intrigues. »

Mars prit une seconde inspiration et lâcha sa bombe :

« Je suis la fille de Giovanni, le chef de la Team Rocket. »

Le silence se fit, puis Jupiter éclata de rire à son aveu, balançant sa tête vers l’arrière.

« Pfft, ha ha ha ! Elle est bien bonne ! »

Cependant, cela ne faisait pas rire Marcia, qui gardait les lèvres pincées et qui avait maintenant un pli entre les sourcils.

« J’ai l’air de plaisanter ? », répliqua-t-elle, contrariée.

Jupiter cessa de rire et perdit progressivement son air jovial.

« Oh. Oh, c’était pas une blague alors… », chuchota-t-elle, avant de se redresser et de prendre son menton dans son poing et de fixer sa partenaire en bourdonnant, comme si elle la scannait des pieds à la tête pour la première fois. « Alors, j’veux pas te vexer, mais tu ne lui ressemble pas ? »

Elle disait ça comme si c’était une question, et Marcia se dit qu’il lui faudrait certainement une preuve plus concrète qu’une simple parole. Ce faisant, elle se leva pour aller fouiller dans son petit sac à dos et en sortir son portefeuille. Elle l’ouvrit quand elle arriva entre leurs deux lits, s’arrêtant devant Jupiter, puis sortit une photo. Cette dernière était pliée à l’envers, de façon à ce qu’une grande partie soit cachée. Sa mère, qui portait son petit-frère dans ses bras, était en premier plan, assise sur le bras d’un fauteuil. Sur la partie dépliée se trouvait Giovanni, assis au milieu du fauteuil gris anthracite, accoudé et souriant vers son autre enfant, une fille aux cheveux rouges et à la jupe noire, qui avait un visage joyeux en regardant ses parents. Tous avaient l’emblème « R » de la Team Rocket brodé sur leurs vêtements, témoignant de façon évidente leur appartenance à cette organisation.

Elle tendit l’image à son équipière qui s’était avancée pour se mettre assise au bord de son lit, les pieds au sol. Elle prit la photo entre son pouce et son index pour l’examiner. Après trois secondes de silence, elle sembla réaliser quelque chose :

« Attends, mais si tu avais une photo de ton frère sur toi, pourquoi tu ne l’as pas montré aux habitants d’Écorsia quand ils t’ont demandé ? », demanda-t-elle.

« Il est tout petit sur la photo, je crois qu’il devait avoir 3 ans, ça n’aurait servi à rien de leur montrer parce qu’il a certainement beaucoup changé depuis. », expliqua Marcia.

« Pas faux. », accepta-t-elle dans un haussement d’épaules.

Marcia se permit de s’asseoir à côté d’elle, les mains entrelacées et se frottant l’un des pouces avec l’autre de façon distraite, pendant que l’autre commandante baissait à nouveau les yeux sur la photo.

« Tu ressembles beaucoup à ta mère. », commenta finalement Jupiter dans un léger sourire. « Ton frère aussi d’ailleurs. »

« Oui. On a tout pris de notre mère. »

« Elle était comment ? »

« Aimante. Chaleureuse. Ferme quand il fallait ; c’était une meneuse et elle savait se faire entendre et respecter. »

« Ça se voit. », approuva Jupiter d’un bref hochement de tête. « Elle s’appelait donc Ariane ? C’est intéressant qu’elle soit originaire de Johto. Et les deux vieillards à Écorsia, tu penses que c’était vraiment tes grands-parents du coup ? »

La rousse fronça légèrement les sourcils.

« Il y a de fortes chances, oui. Mais si ma mère est partie et à tirer un trait sur sa vie d’avant, c’est certainement pour une bonne raison. », raisonna Mars. Son expression s’adoucit et une certaine admiration se dit entendre dans sa voix lorsqu’elle reprit la parole. « Elle ne se laissait marcher sur les pieds par personne. Pas même mon père. »

« Et lui ? »

Mais lorsqu’elle n’eut pas de réponse de Marcia, elle tourna la tête vers elle. Cette dernière s’était perdue dans ses pensées ou dans ses souvenirs, et se triturait anxieusement les mains, la moue renfrognée. Jupiter posa alors sa grande main sur celles de la rousse pour la rassurer.

« Te sens pas obligé de répondre si tu ne veux pas. Je comprends que ça puisse être douloureux d’en parler. », lui assura-t-elle, compréhensive.

Marcia pinça les lèvres. Si elle craquait maintenant, elle ne pourrait plus regarder Jupiter dans les yeux sans ressentir un honte digne d’un enfant de primaire. Elle prit une profonde inspiration pour se donner du courage, regonfler ses poumons et redresser ses épaules.

« Non, ça ira. Vu tes capacités de déduction, je suppose que tu en a déjà conclu que je ne porte pas la Team Rocket dans mon cœur et que Giovanni n’était pas un père aimant. », répondit-elle dans un sourire navré, une lueur triste dans les yeux.

Jupiter récupéra sa main et lui offrit un sourire compatissant, ses yeux magenta brillant de sympathie.

« Je suis désolé qu’il t’ait traité comme ça. »

Elle n’en savait pas le quart, pensa Marcia dans un sourire doux-amer. Mais peut-être qu’elle pourrait lui confier des bribes. Maintenant que le sujet était amené sur le tapis, elle pourrait lui dévoiler quelques cartes de son passé. Jupiter était devenue, contre toutes attentes, son amie. Elle aurait pu se moquer ou la rabaisser, mais non. Peut-être que c’était la contexte qui la poussait à être empathique et douce, mais Marcia avait la conviction qu’elles ne redeviendraient jamais autant ennemies et rivales qu’avant. Après tout, Hélio n’était plus là. Elles n’avaient plus aucun raison de se battre l’une contre l’autre.

« Lorsque je suis née, mon père était jeune. Il venait tout juste de prendre la tête de l’organisation. Donc tu comprends bien qu’il n’avait pas vraiment le temps de s’occuper de moi. »

Jupiter fredonna pour montrer qu’elle était attentive.

« Il me donnait de l’attention par moments, mais c’était très peu. Peut-être que ma mère et ma grand-mère l’obligeaient et qu’il devait le faire à contre-cœur. J’avais l’impression de toujours le déranger, même lorsque je m’intéressais à son travail. Il me regardait comme si j’étais un caillou dans sa chaussure qui le gênait. Ma mère a fait tout ce qu’elle a pu pour me couvrir d’amour, même quand mon père m’ignorait. »

« Mais c’était pas suffisant ? », devina son équipière.

« Non. J’avais l’impression d’étouffer. Tout ce que je voulais, c’était quitter cet endroit. Prendre la poudre d’escampette et partir. Loin. »

« Et t’as été tout au nord du pays pour ça. », répondit Jupiter sur un ton impassible.

Cela fit ricaner Marcia.

« Ouais. Je me disais qu’il n’allait pas venir me chercher là-bas. Et j’avais raison ; pas un seul membre de la Team Rocket n’a été aperçu dans la région à la recherche d’une jeune adolescente aux cheveux rouges et aux yeux en amandes. », dit-elle, un lueur peinée dans le regard malgré son ton léger.

« Et… j’imagine qu’avec ton frère, ton père ne s’est pas du tout comporté comme ça ? », osa demander Jupiter tandis qu’elle se souvenait d’une remarque sarcastique sur le traitement de Silver.

Le visage de Marcia se referma et elle cala ses mains sous ses cuisses, coincé entre la chaleur de sa peau et la douceur du tissu de la couverture.

« Non. Il avait le droit à tout. C’était le petit prince. », murmura-t-elle, le regard lointain, plongée dans sa mémoire. « Quand il est né, j’avais sept ans. La différence de traitement était assourdissante. Pour lui, il n’y avait que Silver qui comptait. Il allait devenir le futur chef lorsque le temps serait venu, alors son bien-être était primordial. Mon père s’occupait presque exclusivement de lui. Il accourrait dès que mon frère pleurait. Je n’existais plus. Hormis en public, où il gardait la face lors de ses discours. Si un commandant ou un sbire avait le courage de poser des questions, il donnait une réponse vague avant de changer de sujet. Silver a eu le droit à sa cérémonie d’investiture – tradition familiale – peu de temps après sa naissance. Ce ne fut pas mon cas. Il avait le droit d’aller dans son bureau et de monter sur ses genoux. Moi, j’étais interdite d’accès. Il avait le droit à des cours spéciaux pour s’engager dans la voie de la cruauté. J’étais aussi intéressée, mais mon père a refusé de payer un précepteur. Silver avait le droit de faire des caprices et d’exiger ce qu’il voulait. Alors que moi, je devais quémander pendant des jours, pour que mon père craque. Ou que ma mère le persuade. C’était épuisant de subir cette injustice. Et je sais que ce n’était pas la faute de mon frère, il n’y était pour rien, mais je lui en ai longtemps voulu. Peut-être qu’une infime partie de moi lui en voudra toujours un peu… », avoua-t-elle du bout des lèvres, la voix pleine de chagrin.

Quelque part au milieu des souvenirs de Marcia, Jupiter avait posé la photo de famille à côté d’elle. N’ayant pas de mot de réconfort qui sonnerait sincère, elle opta pour l’action : elle ouvrit son bras et la tira pour lui faire un câlin de côté. Merci de m’avoir raconté tout ça, semblait-elle dire.

La rousse posa tranquillement sa tête sur son épaule. Touché par le geste affectueux, son menton tremblait et ses lèvres se contractaient contre sa volonté. Une douleur se répandait dans sa poitrine et elle ferma les yeux pour contenir sa mélancolie.

« On va retrouver ton petit frère. J’te l’promets. », chuchota Jupiter en serrant le côté de son équipière pour qu’elle se fonde un peu plus contre elle, le nez dans son cou.

Ils restèrent comme cela sans un mot de plus. Après avoir avaler le nœud qui s’était formé dans sa gorge, les yeux de la rousse vagabondait paresseusement, sans but réel sur la moquette à ses pieds, sur le bord des lits, sur leurs genoux, sur les murs de la chambre d’hôtel lorsque son regard s’élevait plus haut.

« Je suppose que tu n’as aucun autre souvenir sur toi à part cette photo ? », demanda finalement Jupiter à voix feutré en tournant la tête vers le sac à dos rouge de la rousse.

Marcia releva la tête pour suivre son regard et se frotta la nuque. Après avoir délibérer mentalement, elle se leva pour ramener son sac à dos sur son lit. Elle en sortit des gants noirs qu’elle tendit à Jupiter. Cette dernière s’étonna silencieusement, mais elle prit les gants en main avec le même respect qu’elle avait pris la photo de famille. Elle caressa les coutures, souriant à la texture agréable et douce sous la pulpe de ses pouces. La qualité était indéniable. Elle ne devait pas être si surprise ; si elle était la fille du Boss, c’était logique qu’elle ait le droit au meilleur du meilleur malgré le peu de considération de Giovanni.

« Regarde à l’intérieur. », intima Mars à voix basse, d’un geste du menton, tandis qu’elle s’asseyait à nouveau à côté d’elle.

À l’intérieur des gants, dans la couture juste sous le poignet, était brodé une étiquette avec le prénom Marcia en écriture cursive.

« C’est de famille. Nous avons tous des gants avec notre nom brodé à l’intérieur. Mais je ne les porte presque jamais. Je ne sais toujours pas pourquoi, mais je les ai emportés avec moi lorsque je me suis barré pour la région de Sinnoh. », raconta la rousse.

« Peut-être parce que, malgré les mauvais moments, ils te rappelaient ta famille et les bons moments que tu avais passé avec eux ? », réfléchit Jupiter.

« Peut-être. », répondit-elle mollement en haussant les épaules.

« Ou peut-être parce que la région de Sinnoh est une région plus froide que Kanto, et que tu as instinctivement voulu prendre tes précautions ? »

Le visage de Marcia s’illumina d’amusement et elle ricana à la suggestion de sa partenaire. La tension dans la chambre s’allégea et son humeur avec. Elle pencha en arrière, retenant son poids avec ses paumes sur le lit, et secoua ses jambes. Elle hocha la tête, un petit sourire sur les lèvres.

« C’est vrai qu’on se gèles les ovaires à Sinnoh. »

« Et encore… ! C’est pas toi qui a dû aller jusqu’à Frimapic pour les plans à la con d’Hélio ! », lança Jupiter en lui donnant un petit coup de coude ludique. « Je me suis pris la tempête de neige de la route 217, j’ai cru que j’allais finir en glaçon ! »

« Ah oui ? Parce que tu aurais supporté les émanations des minéraux de l’Île de Fer avec tous les Pokémon Acier qui y grouillent, toi ? J’te jure qu’elles m’ont rendu chèvre. », répliqua Mars dans un soupire, secouant la tête comme si elle pouvait encore sentir les vibrations marteler ses tempes.

« Peut-être qu’après avoir retrouvé ton frère, on pourrait aller dans une région avec un climat plus chaud ? T’es dit quoi ? », proposa nonchalamment Jupiter en tournant la tête vers elle.

Marcia ferma les yeux, s’imaginant déjà sous le soleil avec une température agréable couplé à un petit vent marin qui lui titillerait les narines. Elle ouvrit les yeux et fit rouler sa tête pour croiser le regard magenta de sa partenaire.

« J’en dis que c’est une idée merveilleuse. »


5.

Leur prochaine destination, une fois le soleil levé, fut Rosalia. L’attraction principale de la ville, hormis la tour cendrée qui n’intéressèrent guère Mars et Jupiter, fut le spectacle des danseuses en kimono. Ces dernières se faisaient appelées les sœurs Kimono. Et d’après ce que les ex-commandantes de la Team Galaxie pouvaient voir, elles possédaient chacune les formes évoluées d’Évoli qui leur servaient pour produire leur spectacle.

Mars et Jupiter décrochèrent facilement un entretien privé avec elles, dans les jardins privés de leur domaine, assise en tailleur sur leur tatamis. Marcia retint une grimace à la vue d’une tassé de thé vert soigneusement posée devant elle. Encore. Elle trempa tout de juste les lèvres pour ne pas paraître impolie. Jupiter, de son côté, cachait un sourire moqueur derrière sa tasse, amusée par le comportement de sa partenaire qu’elle déchiffrait aisément.

L’une des sœurs kimono s’éclaircit la gorge.

« Donc, si je comprends bien, vous recherchez votre petit frère, qui se prénomme Silver, un jeune garçon aux cheveux rouges et aux yeux d’acier, c’est bien cela ? »

« Exact. J’ai entendu qu’il avait fait le tour des arènes de la région et qu’il voulait devenir plus fort. Donc il y a de fortes chances qu’il soit passé pour vous défier. L’avez-vous croisé ? », s’enquit Mars.

« Nous l’avons battu à plat de couture. », répondit aussitôt la deuxième sœur sur un ton aussi désinvolte que calme, les paupières fermées.

« Il faisait le malin et nous sous-estimait. », enchérit la troisième sœur.

« Un vrai rustre. », acquiesça la quatrième, sa tasse de thé entre les mains.

« En plus d’être humilié, il était dans l’incompréhension total. Il ne comprenait pas pourquoi il perdait alors que ses Pokémon étaient puissants. », raconta la cinquième.

« Quand il est repassé pour demander un combat l’année suivante, il était beaucoup moins arrogant et semblait sincèrement à l’écoute de ses Pokémon. », se souvint la sixième.

« Il possédait d’ailleurs un Nostenfer. Chose qui n’est pas anodine, étant donné que les Nosféralto évoluent au bonheur. Donc malgré son sale caractère, je suppose qu’il devait quand même prendre soin de son équipe. », spécula la première sœur.

« Si c’est bien le garçon aux cheveux rouges et au regard d’argent auquel je pense, je crois que je l’ai déjà vu en ville. Plusieurs fois même. », déclara la troisième sœur, un doigt sous le menton en guise de réflexion, faisant haleta Marcia à ces mots. « Je suppose qu’il doit loger à l’auberge ou qu’il possède une habitation ici. »

« Allez à l’auberge de la ville pour y demander des renseignements. », lui conseillèrent les sœurs kimono. « Elle est réputée pour être d’une qualité irréprochable. »

Marcia les remercia pour le thé qu’elle n’avait presque pas touché et pour les informations sur son petit frère. Jupiter fit discrètement de même d’un hochement de tête, se permettant de complimenter leur thé vert, soit parce qu’elle le pensait sincèrement, soit pour contrarier son équipière.

.

L’hôtesse qui se trouvait à l’accueil, une femme aux cheveux blonds tirant sur le blanc à cause de son vieil âge, aux yeux améthyste et à la tenue impeccable, tourna la tête à l’arrivée des deux ex-membres de la Team Galaxie et leur fit un hochement de tête.

« Bonjour, excusez-moi de vous déranger, je cherche mon petit frère et je pense qu’il aurait pu passer dans votre auberge. », annonça Marcia en posant une main sur le rebord du comptoir en bois de chêne, ce à quoi la femme leva un sourcil pendant qu’elle essuyait un verre avec un torchon.

« Il a quel âge ? Vous avez une photo ? »

Marcia fut réticente l’espace d’un court instant. La veille, elle savait qu’elle avait dit que cela ne servait à rien de montrer la photo de Silver enfant parce qu’il avait grandi. Mais étant donné que l’auberge était un endroit qui accueillait du monde, il était plus logique que la mémoire visuelle des employés soit efficace.

« Oui, tenez. », répondit la rousse en montrant la photo de son petit frère dans les bras de leur mère. « Il est petit sur la photo, mais maintenant, il est adolescent. Apparemment il a toujours ses cheveux rouges et son regard argenté, vous ne pouvez pas vous tromper. Il s’appelle Silver. »

La dame fredonna en guise de réflexion, les yeux rivés sur la photo que tenait Marcia.

« Mmh, mouais ça me dit vaguement quelque chose. », lâcha-t-elle finalement, avant de se redresser et de s’adresser à une inconnue par-dessus son épaule. « Eh, Cece, est-ce que tu te souviens si on a un môme comme ça qui est venu prendre une chambre chez nous ? »

« Hein ? Comme quoi ? », demanda automatiquement la susnommée en franchissant l’encadrement de porte à l’arrière séparée par des filets de perles.

L’arrivante avait des cheveux blond vénitien coupé en carré et des yeux gris. Elle semblait être dans la trentaine. Au vu de leur air de famille, Marcia compris que c’était une auberge familiale. La femme âgée se tourna de moitié vers sa fille et pointa Marcia du pouce.

« Elle cherche son p’tit frère. Il a grandi depuis, mais apparemment il n’a pas changé de visage ni de coupe de cheveux. »

Pendant que la jeune femme se penchait et détaillait la photo, Marcia eu une brève impression de déjà-vu, comme si elle connaissait une femme aux cheveux blonds et aux yeux violets qui lui ressemblait, mais ne se souvenant plus d’où. Elle secoua aussitôt son impression et avala sa salive.

« Alors ? Est-ce que ça vous dit quelque chose ? », questionna la rousse.

« Vaguement, oui. Il me semble qu’il est resté quelques jours et il est reparti. », répondit-elle en croisant les bras. Puis elle haussa les épaules, à deux doigts de lever les yeux au ciel et de soupirer, l’air presque agacée. « Les petits d’une fratrie, ça se barre tout le temps sans explication. Peut-être même qu’il veut pas vous voir. S’il ne vous a pas contacté, c’est probablement parce qu’il ne veut plus avoir affaire à vous. Croyez-en mon expérience ; ma p’tite sœur a fait pareil il y a des années et franchement ? Bon débarras, si vous voulez mon avis. »

« Cecelia ! Ce n’est pas des manières envers nos potentielles clientes ! », sermonna sa mère en se tournant vers elle, puis elle leva un index autoritaire en chuchotant entre ses dents : « Et ne parle plus de ta traitresse de sœur ! Elle nous a lâchement abandonné pour une vie de débauche avec des délinquants, qu’elle aille en enfer ! »

Et elle ponctua sa phrase avec un balayement de la main en l’air. Marcia et Jupiter se lancèrent un regard de côté, l’air de se dire « OK, c’était pas censé déraper à ce point » et « Ça en devient presque gênant ».

« Pardonnez-moi. Nous avons encore la trahison de mon aînée en travers de la gorge. Elle devait nous aider à créer et tenir cette auberge, mais c’était trop demandé, comme d’habitude. », soupira la mère en secouant la tête. « Bref, pour vous répondre, votre petit frère est bien passé chez nous, mais nous ne savons pas s’il est toujours à Rosalia ou s’il est parti ailleurs. Une chose est sûre : c’était un dresseur, il avait des Poké Ball à la ceinture. »

Chose qu’elles savaient déjà, mais ce n’était pas grave.

« Merci pour vos informations. », fit Marcia avec reconnaissance, suivit de Jupiter, qui hocha également la tête.

« Si vous avez besoin d’une auberge pour la nuit, n’hésitez pas. », proposa la mère de famille en joignant ses mains dans un sourire aussi professionnel que faux.

« Nous sommes la meilleure de la ville. », renchérit la fille dans un sourire fier.

« Nous y penserons, merci. », répondit Jupiter.

Puis les deux femmes sortirent de l’auberge. Elles firent quelques pas et Jupiter soupira.

« Bon, qu’est-ce qu’on fait ? », voulu-t-elle savoir en posant ses mains sur ses hanches tout en se tournant vers la rousse.

Cette dernière regardait une maison au loin tout en réfléchissant.

« À tout casser, il doit y avoir deux cents habitations ici… Je propose qu’on fasse le tour des maisons pour regarder sur les noms sur les étiquettes des boîtes aux lettres et faire du porte à porte. »

« T’es sûre qu’on arrivera à le trouver comme ça ? », douta légèrement Jupiter. « On va en avoir jusqu’au soir. »

La rousse passa une main dans ses cheveux et soupira lourdement. Elle commençait à être fatigué de chercher. Mais elle ne renoncerait pas.

« On n’a pas trop le choix. Je doute qu’il ait inscrit son nom de famille, donc il a probablement juste inscrit son prénom sur sa boîte aux lettres. De toute façon, ce n’est pas comme si quelqu’un d’autre avait le même prénom que lui. »

« C’est pas faux, mais on fait quoi s’il s’est marié et qu’il a pris le nom de sa femme ? », réfléchit Jupiter.

« On donnera son prénom et montrera sa photo ; s’il est marié, sa femme le reconnaîtra surement. », raisonna Marcia.

« On fait quoi, on se sépare pour couvrir plus de terrain ? », suggéra Jupiter.

« Et on communique comment ? », répliqua Marcia. « On a qu’un Pokématos, j’te signale. »

À ce moment-là, un sourire sardonique trancha le visage de Jupiter.

« Ça se voit que tu n’as pas pensé à emporter ça quand nous sommes parties du QG. », lança-t-elle.

« Ça ? », répéta Marcia en fronçant les sourcils.

Pour toute réponse, l’ex-commandante au chignon violet fouilla sa poche arrière et présenta deux oreillettes blanches à sa partenaire. Des radios bluetooth.

« Oh. »

« Avec ça, on va pouvoir rester en contact. », dit-elle tout en piochant un des dispositif, qu’elle installa dans son oreille.

« Merci. On se tient au courant. », approuva la rousse en prenant son oreillette, se détournant déjà d’elle.

« Attends ! On a qu’une seule photo, on va faire comment ? », lui rappela Jupiter.

Une nouvelle fois, la rousse fut vive d’esprit.

« Très bien, prends la photo. », répondit-t-elle en lui tendant rapidement le cliché de famille plié.

Bouche-bée, Jupiter leva les yeux vers Marcia, surprise de la confiance que lui accordait sa partenaire avec un objet si précieux. Avec révérence, presque lentement, elle prit la photographie entre ses doigts. Elle avait l’impression que la photo pesait aussi lourde qu’une altère.

« Retrouvons mon frère. », lui dit-elle simplement, la flamme d’une détermination brûlait dans ses yeux rubis.


6.

Mars l’avait trouvé.

Au début, elle avait vérifié le nom sur les boîtes aux lettres, conformément au plan, mais avait ensuite jeté un coup d’œil aux fenêtres pour faire bonne mesure. La tête rousse de Silver dans l’encadrement de verre était immanquable. Il habitait une petite maison paisible au fond d’une résidence, proche des bois. Peut-être pour fuir, si quelque chose arrivait, pensa-t-elle distraitement.

L’ex-commandante avait rapidement contacté Jupiter pour lui annoncer la nouvelle. Cette dernière l’avait rejointe en quelques minutes. À présent, les deux se trouvaient au milieu de la rue terreuse. Bras croisés, Jupiter lança un regard oblique à Mars, qui ne faisait pas un seul mouvement pour avancer.

« Tu as déjà toqué ? »

« Non. »

Les poings serrés contre son ventre étaient une indication de son anxiété. Elle hésitait. De peur, probablement. Si son petit frère lui claquait la porte au nez, cela pourrait être dévastateur. Jupiter se souvint, l’espace d’un instant, que Marcia n’avait que la vingtaine d’années.

« Vous avez tous les deux quitté votre famille pour tracer votre propre route. Je pense qu’il comprendra ta situation. », rassura Jupiter d’une voix calme.

Elle posa ensuite une main sur le coude de Marcia, attirant ainsi son attention, et lui fit un léger sourire :

« Allez, vas-y. », l’encouragea-t-elle avec une expression sereine.

C’était la première fois que Mars voyait une telle expression sur le visage de l’ex-commandante. Peut-être qu’elle était juste contente qu’elle ait enfin retrouvé son petit frère disparu. Ou elle était soulagée d’avoir trouvé la personne qu’elles cherchaient depuis deux jours.

« Tu ne viens pas avec moi ? », s’étonna la rousse, ce à quoi Jupiter secoua lentement la tête.

« Non, c’est une affaire de famille. Je préfère vous laisser tous les deux pour que vous puissiez discuter tranquillement. »

« Tu es sûre ? », demanda-t-elle tout de même.

« À 100 %. Je vais retourner à l’auberge pour nous commander une chambre pour la nuit. Contacte-moi quand tu auras finie ? »

« Sans faute. », assura Marcia.

Après un hochement de tête, Jupiter la quitta. Dès qu’elle bifurqua au coin du quartier, la rousse prit une forte inspiration par le nez, comme pour se donner du courage, et monta les quelques marches plates d’un pas décidé. Elle s’arrêta devant la porte en bois de chêne et, avant de pouvoir se défiler, toqua de trois coups secs. Elle ramena son bras le long de son corps et serra les poings. Son cœur battait la chamade et sa tête tournait. Elle avait l’impression qu’elle allait s’évanouir. Heureusement, le craquement de la porte la ramena bien vite à ses sens.

L’air contrarié de son petit frère s’effaça aussitôt en voyant qui se trouvait en face de lui. La plainte qu’il avait au fond de sa gorge mourut sur ses lèvres. Ses yeux d’acier passèrent à l’état de surprise, suivit de près par ses sourcils levés et bouche-bée. Marcia se figea. Elle ne respirait plus. Elle n’était pas sûre que son frère soit beaucoup mieux. Mais elle se força à parler la première.

« Silver… », souffla-t-elle, comme si un poids se retirait de ses épaules à ce simple nom. « C’est moi, Marcia. Est-ce que… », hésita-t-elle un instant en se mordant la lèvre. « … on peut parler ? Tu as un moment ? »

Silver resta silencieux, la détaillant des pieds à la tête dans un regard impassible pendant que son visage se lissait dans une expression calme. Dans sa vision élargie, le cerveau de Marcia enregistra qu’il portait une veste sombre à col haut, bordé de rouge, et un pantalon bleu nuit. Marcia était presque certaine qu’il pouvait entendre son cœur battre de là où il était et elle força à rester immobile pendant qu’il terminait son examen minutieux.

« Entre. », répondit-il simplement en ouvrant la porte et en se décalant sur le côté.

Elle franchit le seuil et s’arrêta dans le sas. Si elle était encore dans la Team Galaxie, elle s’enfoncerait pleinement dans la maison, comme si l’endroit lui appartenait. Elle savait que sa mère, elle, l’aurait fait sans hésitation. Mais elle n’était pas sa mère. La discussion qu’ils allaient voir était sérieuse, elle ne pouvait pas se permettre d’être aussi désinvolte.

Silver referma la porte et passa à côté pour la guider dans le salon qui se trouvait juste sur sa droite.

C’était un petit salon tout ce qu’il y avait de plus simple : un canapé, un fauteuil, une table basse entre les deux, un télé cubique contre le mur, une plante dans un coin, et un meuble de rangement. Attirée par les objets se trouvant sur la commode, elle vit une photo de groupe avec d’autres jeunes de son âge qui coinçaient Silver entre eux ; un garçon aux vêtements rouges, une mèche de cheveux sortant de sa casquette noire et dorée, et une fille aux cheveux bruns portant un gros chapeau blanc à flot rouge et vêtue d’une salopette bleue. Les Poké Balls à leur ceinture prouvaient qu’ils étaient dresseurs. Marcia sourit affectueusement, heureuse que son petit frère ait trouvé des amis. Sur le meuble, il y avait aussi ses badges de Johto, soigneusement encadrés.

« Marcia ? »

La voix de son frère la tira de ses observations, la forçant à se redresser pour se tourner vers lui. Il se trouvait à quelques mètres d’elle, planant maladroitement comme s’il ne savait réellement comment réagir à l’intruse dans sa maison.

« Tu veux quelque chose à boire ? Café ? Thé ? » demanda-t-il poliment en bon hôte qu’il était.

Elle réprima une grimace. Elle savait que la région de Johto était connue pour ses nombreux thés traditionnels, mais si elle devait boire encore une tasse de thé, elle allait vomir et blacklister cette boisson pour de bon.

« Café. Avec deux morceaux de sucre. S’il te plaît. »

D’un hochement de tête, Silver s’éclipsa dans la cuisine attenante. Elle entendit la cafetière vrombir et inspira l’odeur qui se propageait instantanément. Elle oubliait à quel point l’odeur avait un effet apaisant sur elle. Probablement parce que cela chatouillait un souvenir au fond de sa mémoire olfactive ; l’odeur de son père qui avait toujours une tasse de café à la main lorsque ce n’était pas un cigare entre ses doigts, l’odeur qui s’accrochait au col de sa mère mélangée à son odeur de parfum scandaleusement chère, ou encore l’odeur de la salle de pause au QG de la Team Rocket, entourée des commandants qui sirotaient leur café noir dans des gobelets en carton.

Silver revint au milieu du salon, deux tasses fumantes en main, et en tendit une à sa grande sœur. Il s’installa sur le canapé tandis que Marcia prit le fauteuil qui se trouvait en biais pour lui faire face. Au début, aucun des deux ne parlaient. Mais, comme lorsqu’elle était à la porte, Marcia se força à parler. Son frère méritait des excuses et des explications.

« Je suis désolé. », lâcha-t-elle pour commencer avant de prendre une autre inspiration, laissant ses côtes se gonfler d’air. « Je n’aurais pas dû partir sans te prévenir. Tu étais jeune et je pensais égoïstement que tu ne comprendrais pas. Non, en fait… ça m’a arrangé de croire que tu ne comprendrais pas. Peut-être que si je t’avais parlé, si je t’avais dit la vérité, tu aurais compris… »

Après avoir prononcé ses mots qui coulaient aussi facilement qu’un ruisseau, Marcia se tut. Une partie d’elle, maintenant qu’elle s’en souvenait, avait peur que son petit frère, âgé de 8 ans à ce moment-là, ne veuille la suivre. Et elle ne pouvait pas emmener son frère avec elle dans sa fugue. Elle n’aurait pas su subvenir à ses besoins et, si elle était honnête avec elle-même, il aurait probablement été un fardeau pour elle et sa soif de liberté.

« J’ai demandé après toi, tu sais ? », avoua Silver en faisant délicatement rouler sa tasse entre ses paumes. Il lui lança un regard, gêné, et précisa : « Quand tu es partie. »

Marcia ne savait pas quoi répondre, alors elle garda la bouche fermée, se contentant de serrer sa tasse entre ses mains. Elle ignora ses jointures blanches et la pierre de culpabilité qui lui alourdissait l’estomac.

« Maman a répondu que tu étais partie pour devenir dresseuse. »

Marcia s’accorda un léger sourire amusé. Eh bien, elle n’avait pas tout à fait tort.

« Je pense qu’elle a dit ça pour me rassurer, mais ça se voyait qu’elle se faisait un sang d’encre. », continua Silver.

La rouquine détourna aussitôt le regard, coupable. Elle papillonna des yeux en voyant son frère se lever sans prévenir. Ses muscles se contractaient alors qu’elle bougeait imperceptiblement sur le fauteuil, les battements de son cœur montèrent en flèche et son cerveau pensa brièvement qu’il allait l’abandonner.

« Où tu vas ? », demanda-t-elle, la voix tremblante.

« Je vais chercher quelque chose dans ma chambre. Je reviens. »

Soulagée par sa réponse, Marcia se détendit. Elle but une gorgée de son café pour faire passer le nœud dans sa gorge. Silver revint après quelques minutes à fouiller dans sa chambre. Il avait un papier plié en deux dans la main.

« Tiens. »

La rousse leva le bras, hésitante, et s’arrêta juste avant de le prendre pour lever les yeux vers son frère.

 

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Un mot de maman. »

Le souffle de l’ex-commandante se bloqua. Les lèvres de Silver se contractèrent dans quelque chose qui n’était pas tout à fait un sourire alors que ses traits s’adoucirent de tristesse.

« Je pense qu’elle savait que j’allais m’enfuir parce que j’ai retrouvé ce mot dans une poche au fond de son sac à dos après avoir quitté la familia. », expliqua-t-il alors que le mot roula aisément sur sa langue.

Pendant deux secondes, le mécanisme de défense de Marcia failli se déclencher et elle faillit plaisanter en disant que leur mère avait déjà l’expérience de sa fugue. Peut-être qu’Ariane avait flairé que Silver ferait de même. Peut-être qu’en fin de compte, c’était inévitable.

« Tu peux le lire, vas-y. »

Marcia avala et, fébrilement, prit la lettre. Libéré de l’attente, Silver s’essayait à nouveau sur le canapé et reprenait sa tasse de café pour en boire une gorgée. La rousse ouvrit le papier qui était froissé et semblait avoir vécu des jours meilleurs. A l’intérieur, l’écriture cursive et indéniable de leur mère.

« Silver, je suis désolée. Je comprends pourquoi tu pars et je ne t’en veux pas. Je ne laisserai pas l’ambition de ton père et ses désirs devenir les tiens. Tu n'es pas obligé de devenir ce qu'il est. Tu es ta propre personne et tu peux faire ce que tu veux. Tu peux partir sans crainte. Prends soin de toi. Je t'aime. »

L’image de la silhouette d’Ariane, assise à un bureau, stylo-plume en main, éclairée à la lumière tamisée d’une bougie, flasha dans son esprit. Marcia l’imaginait aussi parfaitement que dans ses souvenirs, où, âgée de cinq ans, elle restait couchée sur le canapé en cuir rembourré de laine de Wattouat pendant qu’elle attendait que sa mère finisse des papiers administratifs pour l’organisation.

La voix de Silver l’extirpa une nouvelle fois de ses souvenirs.

« Dans les moments difficiles, je relisais ce mot et ça me permettait de tenir le coup. », admit-il du bout des lèvres, les yeux rivés sur son reflet à l’intérieur de sa tasse de café.

Les larmes montèrent aux yeux de Marcia sans qu’elle ne s’y attende. Elle pouvait parfaitement imaginer son petit frère pré-ado, seul dans la région de Johto, isolé près d’un feu dans les montagnes glaciales, recroquevillé contre les racines d’un arbre géant en se protégeant de la pluie, ou dormant d’un œil à l’entrée d’une grotte.

« Je suis désolé d’être partie en te laissant seul aux griffes de notre père. », s’excusa-t-elle en essuyant ses larmes traîtres. « Je m’excuse de t’en avoir voulu à cause de lui. Ce n’était pas ta faute s’il te préférais à moi. Tu n’avais rien fait de mal. C’est juste que… je n’en pouvais plus me sentir mise à l’écart de cette façon. »

Silver digéra ses excuses.

« Je comprends pourquoi tu es partie. Tu as tenue plus longtemps que moi. », lança-t-il doucement dans un sourire fugace. « Ce n’est pas grave parce que, de toute façon, j’ai quand même fugué. J’ai foutu la crampe à notre père qui pensait former pleinement un héritier. Bien fait pour lui. »

Sa grande sœur se moqua sans scrupule.

« Il a dû être tellement dégouté. »

« J’étais pas là pour le voir, donc j’en sais rien. », répondit-il en haussant les épaules.

Cela lui value un autre rire, cette fois à gorge déployée.

« Malgré ça, je mentirais en disant que ce que j’ai appris avec lui ne m’a pas servi ; le vol, la manipulation, la force, le combat et l’entraînement Pokémon… », énuméra-t-il. « C’était super utile pour ma survie. Évidemment, maintenant, j’essaie de ne plus compter sur le vol ni sur l’état d’esprit que m’a inculqué notre père ; les Pokémon forts, jeter les faibles, leur donner très peu d’amour. Grâce aux mots de Peter, le maître Dracologue, et des rivaux qui sont devenus mes amis avec le temps, j’ai appris à tracer ma propre route, à forger mon propre destin. Je ne voulais plus être reconnu comme Silver, le fils de Giovanni. Je voulais être… juste Silver. »

Marcia le regarda avec un sourire affectueux, une chaleur dans la poitrine, rayonnante de fierté. Le chemin qu’avec accompli son petit frère jusque-là était remarquable. Un sourire en coin se contracta au bord de ses lèvres tandis qu’elle croisait son regard avec une lueur enjouée.

« C’est pareil pour moi. », rassura-t-elle. « Pour ce qui est du vol et des plans machiavéliques, on a ça dans le sang. Mais pour ce qui est des Pokémon fort et de l’amour que je porte à mes Pokémon, j’ai bien vite abandonné cette façon de penser, peut-être même qu’elle n’avait pas cet état d’esprit en premier lieu. », se dit-elle en penchant la tête sur le côté, l’air de réfléchir. « Parce que j’ai eu un Pokémon tôt et que maman m’a appris à prendre soin de lui. Mais ça n’empêchait pas papa de traiter son Persian avec amour. »

Elle s’interrompit pour ricaner sèchement.

« Il donnait plus d’amour à son Persian qu’à moi. Il ne pensait plus qu’à sa foutue organisation et rien d’autre. Tu parles d’un père exemplaire… ! »

Silver la regarda mélancoliquement pendant qu’elle enrageait. Elle capta son regard, et secoua ensuite la tête, une main sur le front.

« C’est derrière moi, maintenant. Je ne suis pas venue me plaindre, pardonne-moi. », s’excusa-t-elle.

Son petit frère haussa une nouvelle fois les épaules.

« C’est bon. Tu as besoin de te défouler. Et je suis le seul qui puisse comprendre… »

Marcia soupira en se calant contre le dossier du fauteuil et elle se passa une main sur le visage. Silver reprit la parole.

« Il faut que je te demande : où t’étais passée ? Qu’est-ce que t’as fait pendant ces quatre dernières années ? »

« J’ai pris un ferry dès que j’eût économiser l’argent de mon petit boulot à la supérette de Jadielle, et je suite partie dans la région de Sinnoh. C’est au nord du pays. J’ai rejoint la Team Galaxie. Elle avait pour but d’utiliser des Pokémon Légendaires manipulant l’espace et le temps pour créer un nouvel univers. »

« Et vous avez réussi ? », voulu savoir Silver, en se penchant sur le bord du canapé, curieux.

« Nan. Le plan a capoté. », répondit-elle en haussant les épaules, pas du tout frustrée et peu soucieuse de ce résultat. « Et notre chef a disparu dans une dimension. »

Il la regarda, intrigué et confus.

« Mais du coup… la Team est dissoute ? »

« Oui. »

« Et… tu fais quoi, maintenant ? »

« J’ai décidé de vivre une vie de jeune fille ordinaire. », répondit-elle, avant de pencher la tête sur le côté, l’air de réfléchir un instant à ses mots. « Enfin, aussi ordinaire que je peux l’être. Mais d’abord, je tenais à te retrouver. »

« Comment tu m’as retrouvé, d’ailleurs ? », voulu-t-il savoir, curieux.

« J’ai passé trois jours à enquêter, j’ai posé des questions à des représentants de la région dans chaque ville où je suis allée, j’ai même passer un message à la radio. », gloussa-t-elle. « Mais je suppose que tu ne l’a pas entendu. »

« Non, désolé… »

Silver accompagna ses excuses d’un sourire navré.

« Attends, donc tu as tout ce chemin depuis Sinnoh toute seule ? », s’étonna-t-il, les sourcils levés, vite rassuré par le sourire léger et moqueur de sa sœur.

« Non, je suis venue avec Jupiter. Mon équipière de la Team Galaxie. Ex-équipière. », corrigea-t-elle.

Il lança une œillade vers sa porte d’entrée, regarda Marcia et inclina la tête.

« Mais j’l’ai pas vu quand je t’ai ouvert la porte ? »

Amusée par sa confusion, les lèvres de la rousse se contractèrent.

« Elle a préféré nous laisser seul pour qu’on puisse discuter. Elle m’attends à l’auberge de la ville. Je te la présenterais. »

« Alors… c’est ton amie ? »

Marcia réfléchit et laissa son esprit vagabonder. Jupiter, avec qui elle ne s’entendait absolument pas à ses débuts dans l’organisation. Jupiter, qui s’était disputée avec elle d’innombrables fois pour obtenir les louanges d’Hélio. Jupiter, qui avait décidé avec une facilité déconcertante qu’elle suivrait Mars. Jupiter, qui l’avait soutenu dans toutes ces recherches, parcourant Johto en un tour contre la montre pour retrouver son petit frère. Qui n’avait pas fouiner avec insistance pour tout savoir d’un coup. Qui avait laisser ces moments fébriles passer. Qui lui avait laisser le choix de dire ou ne pas dire. Qui l’avait écouté aux moments importants. Qui l’avait tenue dans une éteinte à un bras pendant qu’elle tourbillonnait d’émotions dans leur chambre d’hôtel.

« Oui. », acquiesça-t-elle doucement, avant de plaisanter, un rire dans la voix. « Ma seule amie, j’crois bien. »

Silver poussa gentiment la jambe de sa sœur du pied.

« Difficile de se faire des amis quand on est les enfants de la Team Rocket, hein ? »

Elle éclata de rire à leur moment de complicité. Elle savait ce qu’il voulait dire : un caractère de merde, une langue acérée, un esprit aussi foiré que vif, un penchant pour la cruauté qui coulaient dans leur veine.

« Mais malgré ça… on arrive à s’en sortir. », dit-elle d’une voix sage en observant le salon d’un air songeur.

« Oui. », respira-t-il en suivant son regard.

Ils restèrent un instant dans un silence contemplatif. Ce n’était pas gênant. Mais ce n’était pas non plus confortable. Marcia décida de le briser.

« Silver ? », appela-t-elle.

« Mmh ? »

La rousse prit une inspiration et se lança en tournant la tête vers lui.

« Est-ce que… tu veux rester en contact ? J’ai un Pokématos, on pourrait peut-être… échanger nos numéros ? », lui demanda-t-elle, la voix tremblante, comme si elle redoutait qu’il réponde par la négative.

Heureusement pour elle et béni soit le développement personnel qu’il avait subi, son petit frère fut d’accord, comme en attestait la rapide foulée qu’il fit pour aller chercher son appareil avant de revenir s’installer sur le canapé en face d’elle. Une fois les numéros échangés, Marcia fut prise d’une vague de reconnaissance, touchée en plein cœur.

« Merci, Silver. Je… Ça compte beaucoup pour moi. », lui avoua-t-elle en serrant son Pokématos contre sa poitrine.

« Ça compte beaucoup pour moi aussi. », répondit Silver d’une voix douce alors qu’un petit sourire ornait ses lèvres.

Tandis qu’elle rangeait son appareil dans la poche ventrale de son sweet, Marcia se leva au même moment.

« Je vais y aller. », déclara-t-elle. « Encore merci d’avoir accepté qu’on discute. »

Il tripota son Pokématos entre les mains, lui jeta une autre œillade et baissa à nouveau les yeux en regardant ailleurs probablement gêné par ce qu’il allait dire.

« Tu peux revenir quand tu veux. Ma porte t’es toujours ouverte, tu sais ? »

Marcia sourit tendrement à son frère, reconnaissante pour sa proposition et son hospitalité. Elle tendit la main et lui caressa les cheveux alors qu’il grognait, contrarié de se faire traiter, eh bien, comme un petit frère.

« C’est bon à savoir. »

Elle quitta le salon et franchit l’entrée dans un grincement de porte. Son frère était sur ses talons dans une foulée précipitée. Alors qu’elle s’en allait, descendant les quelques marches du pavillon, son frère l’interpella. Sa main serrant la tranche de la porte tandis qu’il s’appuyait contre le cadre de la porte :

« Hé ! Où est-ce que tu vas aller, maintenant ? »

La rousse se retourna de moitié et lui adressa un sourire amusé, confiante. Elle avait l’endroit parfait en tête :

« À Alola. Une destination de vacances sous les tropiques, c’est le rêve. Et puis là-bas, je suis sûre de ne pas me faire arrêter par la police ; personne ne connaît nos parents. »

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Date de dernière mise à jour : 22/03/2025

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